par Bernard PLOUVIER
3 – Le feu aux poudres
Échec des pourparlers internationaux, menés du 15 au 18 août à Paris, où les défenseurs britanniques du droit des peuples ont en fait proposé aux Français et aux Italiens une domination franco-anglo-italienne sur l’Éthiopie (Leroux, 1938 et Brissaud, 1983-2).

Le 18 septembre, la SDN enjoint au Négus de créer une gendarmerie pour lutter contre le banditisme, l’esclavage, le trafic d’armes et d’esclaves dans son empire et propose l’aide de spécialistes français, britanniques, turcs, espagnols et polonais (Leroux, 1938).

Le nabot vaniteux en est fort fâché et décrète la mobilisation générale le 28 septembre 1935.

Durant l’été, 100 000 cantonniers italiens, encadrés par des officiers du Génie, ont amélioré 1 700 km de routes existantes et en ont tracé 3 000 autres, à partir des ports de Massaouah en Érythrée, d’Obbia et de Mogadiscio en Somalie (Lormier, 1989).

En outre, on a creusé des puits et construit des bassins de retenue d’eau (Schiavon, 2016) : l’expédition coloniale bénéficie d’une très intelligente préparation logistique. Mussolini lance ses troupes d’Érythrée à l’assaut de l’Empire éthiopien, le 3 octobre 1935, ayant obtenu la veille l’accord du roi Victor-Emmanuel III.

De nos jours, les faits et la chronologie de ces évènements sont rarement présentés de façon conforme à la réalité historique. (https://www.franceculture.fr/conferences/ecole-nationale-des-chartes/re-decouverte-des-archives-du-negus-en-ethiopie)

La 8e session plénière de la SDN, celle de 1927, avait fait un crime de la « guerre d’agression » ; le Pacte Briand-Kellog de 1928 l’avait mise « hors la loi ».
Mais, dans la Guerre d’Éthiopie, l’agresseur ne fut pas celui que désigne une historiographie très partisane.
4 – Hurlements, pleurs et soutiens
Le pou de sacristie et bisexuel honteux François Mauriac déplore dans Le Figaro du 24 septembre « l’agression de l’héritier du roi-mage de nos crèches d’enfant ». Bientôt ce pharisien deviendra un lécheur de bottes de Jean Zay, du Front populacier, avant d’être à la fois pacifiste et antimunichois (Lacouture, 1980), et de vanter successivement les mérites du maréchal Pétain puis ceux du général de Gaulle. C’est avec une telle souplesse d’échine que la plus hypocrite des girouettes parviendra au Nobel de Littérature.

Le « grand catholique » ignore ou oublie opportunément le contenu du livre à grand succès, publié à Londres en 1929 par Kathleen Rochard-Manning, l’épouse du Libéral John Simon, qui dénonçait l’esclavage des provinces d’Amhara et du Tigré (au Nord de l’Éthiopie) et l’exportation d’esclaves par les Éthiopiens vers les harems des mahométans du Hedjaz, de Nubie et du Kenya (le tout étant repris par Louis Gillet, 1936).

En France, un aventurier écrit la même chose : Henry de Monfreid, qui connaît admirablement la Mer Rouge, pour y avoir trafiqué, se présentant tantôt comme mahométan, tantôt comme chrétien, selon les ports et ses interlocuteurs : lui aussi soutient la cause des civilisateurs italiens.

Durant le mois de septembre 1935, la métisse afro-nord-américaine Freda-Joséphine Mc Donald, plus connue sous le nom de son second époux Baker, lance un « appel aux Noirs du monde entier », pour soutenir Mussolini : « Si vous vous enrôlez contre lui, ce n’est pas votre race que vous secourez, mais celle des marchands d’esclaves que le grand Italien veut écraser » (in Kergoat, 1986).

La danseuse et chanteuse exotique, qui sert le SR français, a davantage de fibre humaniste que Blum et les sectaires de la maçonnerie cosmopolite.

Effectivement, Léon Blum ne décolère pas, osant écrire in Le Populaire du 9 octobre : « La lutte pour la paix peut exiger une éventuelle application de la force… La guerre, si terrible soit-elle, est préférable à une lâche soumission » (Colton, 1967). « Big Léon » fait l’apologie de la guerre pour voler au secours du Négus esclavagiste et pour protester contre la réintroduction du service militaire dans le Reich cette même année 1935, par mesure de rétorsion au Pacte militaire franco-soviétique. De la part d’un homme qui est resté planqué dans les bureaux parisiens durant la Grande Guerre, cela fait sourire ou hurler de rage. Blum est moins un « subtil talmudiste » (Henri Béraud scripsit) qu’un sectaire, parfois un peu simplet.

Au moins, le pacifiste Pierre Laval reste-t-il constant dans son refus des hostilités. « Big Léon » vibre à l’unisson des très ploutocratiques maçons du Grand-Orient (anglo- et américanophiles) et de la Grande Loge de France dont les caciques, réunis « en grande tenue blanche », agonisent le Duce dans la soirée du 16 octobre 1935 (Vibert, 1936).

Les pontes de la SDN s’étaient curieusement désintéressés du conflit du Gran Chaco (1932-1935), où de puissants intérêts pétroliers britanniques étaient engagés, s’affrontant à ceux, non moins grands, de la Standart Oil des Rockefeller, par États bolivien et paraguayen interposés.

Le 10 octobre 1935, stimulée par le délégué britannique qui ne peut admettre la présence d’autres troupes européennes que les siennes aux sources du Nil Bleu (ni, surtout, que les Italiens fassent seuls ce qu’on leur avait proposé de faire à trois), l’Assemblée plénière de la SDN vote des sanctions économiques contre l’Italie « pour réduire la durée de la guerre », notamment l’interdiction d’acheter des produits italiens (le 19 octobre) et de vendre aux Italiens des armes et des munitions… mais en continuant de leur vendre du pétrole et du coton !

Le reste est de l’histoire factuelle bien connue, dont les origines restent incompréhensibles si l’on ignore les soubassements économiques, politiques et moraux de l’action.

De fait, on ne peut demander aux Européens gavées de chansons de geste depuis 1945 de connaître les faits exacts et les motivations des preneurs de décision… pour obtenir cette connaissance, n’existe que la présentation des (très) vilains « révisionnistes ».

Bibliographie :
A. Brissaud : Mussolini, 3 volumes, Perrin, 1983
J. Colton : Léon Blum, Fayard, 1967 (première édition new yorkaise de 1966)
A. Demaison : Le sens du conflit, Flammarion, 1942
P. Gentizon : La conquête de l’Éthiopie, Berger-Levrault, 1936
L. Gillet : Londres et Rome, Grasset, 1936 (intéressant témoignage sur la duplicité britannique dans l’affaire éthiopienne)
S. Hoare (Lord Templewood) : Nine troubled years, Collins, Londres, 1954
E. M. Josephson : The strange death of Franklin D. Roosevelt. A history of the Roosevelt-Delano dynasty. America’s royal family, Chedney Press, New York, 1948 (en libre lecture sur le Net)
J. Kergoat : La France du Front populaire, La Découverte, 1986
I. Kirkpatrick : Mussolini. Portrait d’un démagogue, Éditions de Trévise, 1967 (en dépit d’un ton stupidement méprisant, le livre est supérieur à son titre racoleur)
J. Lacouture : François Mauriac, Seuil, 1980
E. L. Leroux : Le conflit italo-éthiopien devant la SDN, Librairie technique et économique, 1938
D. Lormier : Les guerres de Mussolini : de la Campagne d’Éthiopie à la République de Salò, Jacques Grancher Éditeur, 1989
D. Mack Smith : Mussolini, Flammarion, 1985
R. Mussolini : Ma vie avec Benito, Éditions du Cheval Ailé, 1948 (rédigé d’après le Journal intime de Donna Rachele, réédité chez Déterna en 2020)
L. Noël : Les illusions de Stresa. L’Italie abandonnée à Hitler, France Empire, 1975
M. Schiavon : Mussolini. Un dictateur en guerre, Perrin, 2016
H. Vibert : Face à l’Angleterre, Éditions Baudinière, 1936
