Election US 2020 – La prise de pouvoir de l’Amérique révolutionnaire ?

Par Michel LHOMME

La victoire du démocrate Joe Biden à la présidentielle américaine du 3 novembre est maintenant entérinée. Le Collège électoral l’a confirmé vainqueur lundi 14 décembre, annihilant l’un des derniers leviers à la disposition de son prédécesseur, Donald Trump, d’inverser le résultat du scrutin du 3 novembre. Malgré les relations délétères entre les deux pays, Vladimir Poutine a patiemment attendu le vote des Grands Electeurs pour  féliciter Joe Biden pour son élection : « Je suis pour ma part prêt à une collaboration et à des contacts avec vous », a-t-il écrit dans un télégramme. Il n’a jamais commenté personnellement les rumeurs de fraude massive des élections américaines.

Nous ne reviendrons donc pas ici sur la question des fraudes électorales : nous avons sur ce thème laissé la parole à d’autres. Nous prenons donc acte de la victoire Démocrate et nous voudrions tenter ici de comprendre par-delà la crise du covid, les raisons internes de l’échec de Trump à sa propre réélection pour en tirer d’ailleurs quelques leçons de prospective. Il nous faut du coup revenir non pas sur le bourrage des urnes mais sur l’activisme de Black Lives Matter et le « coup d’état » opéré par les racialistes, l’extrême-gauche du parti Démocrate sur tout le parti lui-même qui a littéralement permis la victoire au  départ non acquise du vieux briscard Biden à la Maison Blanche.

Les informations sur les Etats-Unis sont comme pour toute l’actualité internationale totalement parcellaire en France et peu, ont entendu parler de Chop (le Capitol Hill Occupied Protest) et de Seattle, et ses 820 000 habitants en état de siège, au cœur de l’Etat de Washington. Chop fut en beaucoup plus violent car soumis aux gangs, une sorte de ZAD comme Notre-Dame des Landes. On y entendit des explosions, on y sentit l’odeur âcre des gaz lacrymogènes mais c’était pour nombre d’intellectuels américains « la république du peuple », le « foyer de résistance anti-trump », en tout cas un réduit indépendant de zone de protestation totalement retranché du reste de l’Amérique mais aux effets délétères.  

Chop ce fut un rectangle de un km taillé dans le vif d’un quartier populeux et actif qui se trouva fin mai 2020, du jour au lendemain, serti de béton, muré de barricades sous l’impulsion des émeutes raciales et qui reçut le soutien sans faille pour des motifs électoraux de tout le staff de campagne du Parti Démocrate. L’entrée et la sortie du quartier étaient filtrés par les militants du Black Lives Matter et les gros bras des Antifa qui reçurent l’appui condescendant du maire Jenny Durkan et même du chef de la police locale qui s’agenouilla en public pour Floyd, tous deux représentants de la gauche officielle et radicalisée. Or qu’était Chop en dehors de son image faussement contestataire ? Le chaos, la drogue, la provocation systématique anti-blanc, le rejet absolu de toute autorité, une dérive complète mais relié en permanence à des revendications sociétales raciales, de genre, des exigences politiques subversives qui nourrissent dorénavant en sous-main le back-ground des militants du parti Démocrate dans son ensemble. Quel est en effet ce programme ? Démantèlement de la police, naturalisation de tous les illégaux, socialisation de la médecine, gratuité du logement, droit de vote pour les prisonniers, des jurés appartenant à la même race que l’accusé… Toutes ces revendications s’affichent dans les programmes des élus démocrates (sauf la gratuité du logement).

CHOP a ainsi été une petite ville laboratoire pour l’Amérique désintégrée de demain, elle a été la préfiguration de la sécession à venir.

Or que fit Trump devant CHOP ?

Officiellement, il tempêta mais en privé, il jubila croyant que CHOP serait sa meilleure vitrine pour condamner l’extrémisme. Il commit alors l’erreur de miser sur le pourrissement. Certes, on peut se demander s’il pouvait faire autrement ? Un assaut sanglant contre CHOP aurait dressé sans doute tout le pays contre lui mais les images de Seattle en flammes lui furent tout aussi fatales, en particulier dans son électorat. Il y a pire : la propagation des idées révolutionnaires de sécession absolue avec le pouvoir central qui augure très mal d’une Amérique pacifiée mais qui sera au contraire demain totalement en prise avec la subversion avec en prime l’anéantissement complet de la mémoire nationale, l’abattage des statues jusqu’à celle équestre du président Andrew Jackson qui se trouve juste sous les fenêtres de la Maison Blanche, le dépeçage des livres et des films (Autant en emporte le vent).

CHOP dura cinquante-cinq jours ! 55 jours sans aucune intervention du pouvoir fédéral ! La Maison Blanche n’aurait jamais dû tolérer plus de vingt-quatre heures l’incendie du commissariat de police et de centaines de magasins à Minneapolis, épicentre des émeutes. On savait que le maire démocrate de la ville ne bougerait pas puisqu’il prônait la suppression de la police et que le gouverneur démocrate du Minnesota s’abstiendrait de mobiliser la Garde Nationale puisqu’il rejeta dès le début toute idée de répression et de fait, les autorités locales n’arrêtèrent personne, même les pires casseurs. Il ne restait donc plus que l’armée. C’était la seule carte de Trump : il ne la joua pas. Trump se trouva alors comme paralysé, reclus, obligé de diriger le pays à coups de tweets et de décrets. En refusant d’utiliser la force à Minneapolis, il perdit la main, gaspilla ses chances d’apparaître vraiment comme l’homme fort du pays. Ses ennemis sur fond d’émeutes et de dérapages sanglants sans état d’âme avaient repris la main.

Rappelons d’ailleurs qu’au même moment, dix-sept Etats contrôlés par les Démocrates refusèrent d’amorcer un déconfinement graduel comme la Maison Blanche leur en avait donné l’ordre.  

Finalement quel est le bilan rapide de Trump ?

Trump a incarné nul doute de manière outrancière une certaine Amérique à laquelle, ce faisant, il a mis fin. Par exemple :

. il a révélé la vulgarité d’une culture business que l’Amérique infligeait au monde depuis des décennies, renforçant toutes les tendances de responsabilité sociale corporate;

. il a révélé le machisme et le racisme profonds du système de pouvoir américain, réveillant une société civile de sa torpeur ;

. il a révélé la faiblesse d’une Amérique qui n’avait plus les moyens de ses politiques : mur mexicain décidé par Bush-père en 1990, Jérusalem-capitale israélienne approuvée par B. Clinton en 1992, etc., obligeant tout le monde à se demander pourquoi ;

. il a révélé le provincialisme de l’Amérique et les dangers qu’il y avait à la laisser diriger les institutions internationales ;

. il a révélé le déséquilibre profond et désormais injustifié entre les deux blocs de la relation transatlantique et ainsi permis un repositionnement européen (permettant dans le même mouvement la réinvention de l’Europe que celle-ci demeure toujours incapable de penser et de réaliser) ;

. il a révélé le problème que représentait la présence américaine au Moyen-Orient, créant les conditions d’un possible désengagement des troupes américaines ;

. il a révélé que l’OTAN n’était plus qu’une coquille vide, exclusivement portée par les États-Unis et dont les États européens s’étaient désengagés, questionnant la pertinence ou non à repenser cette organisation ;

. il a révélé l’obsolescence de Traités nucléaires n’intégrant pas la Chine;

. il a révélé la dépendance de l’Amérique à la Chine (mais aussi à l’Arabie saoudite, à l’Europe, au Japon et au monde) et obligé à penser un repositionnement global du pays  (America great again) ;

. il a révélé (avec l’aide du Covid) les limites du modèle de financement de l’Etat, obligeant à passer à un autre système. …

Le Coronavirus, quant à lui, a porté le dernier coup fatal au système social et de santé de la « première puissance mondiale ». De même qu’il fait exploser tout le système dette-pétrole-dollar qui a maintenu sous perfusion d’oxygène l’« homme malade de la planète ».

Tout est à reconstruire… Tout est à réinitialiser (the Great Reset).

Mais ce n’est pas parce qu’il a libéré toutes ces énergies de transformation que Donald Trump est un grand homme. Il a eu de fait le mauvais rôle et restera le « méchant » dans les livres d’histoire. Et surtout, personne ne saura jamais s’il a fait tout cela par bêtise, inconscience ou génie… ou même s’il n’a été que la poupée d’un génial groupe de marionnettistes. Si la Nouvelle Amérique et le nouveau monde lui devront beaucoup, il n’empêche qu’il n’était plus la personne qui pouvait incarner leur émergence. En réalité, s’il a réussi à détruire autant sans déclencher de guerre, D. Trump a fait son temps. 

Mission accomplished !

Joe Biden est élu par défaut mais tapie dans l’ombre veille comme probable vice-présidente, Kamala Harris, le trotskisme de CHOP qui s’est refusé à souhaiter « joyeux Noël » aux Américains. Ce qui n’est pas une mince affaire… surtout lorsqu’on veut rester numéro 1 alors qu’on ne représente plus qu’1/10e de la population mondiale (UE+USA = 800 millions de personnes environ sur 8 milliards bientôt).

L’Amérique s’est engagée dans une délirante fuite en avant qui, bien loin de l’aider à se repositionner, finit d’épuiser ses dernières forces. Les think-tanks washingtoniens et autres officines des stratégies de puissance de l’Amérique sont peut-être très intelligents mais ils semblent ne pas connaître leurs classiques : il est des moments dans l’Histoire où il faut éviter de se retrouver dans le rôle de « la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf » avec les trois psychoses de l’Amérique des trente dernières années :

. le rêve de démocratisation planétaire ;

. le fantasme de suprématie énergétique ;

. le délire de domination numérique du monde ;

Ces trois axes stratégiques, à l’œuvre depuis vingt à trente ans, ont littéralement épuisé les forces d’une Amérique dont toutes les richesses produites et captées n’ont fait qu’alimenter la mégalomanie pour un retour sur investissement inexistant (elle n’est pas redevenue numéro 1).

Sur les trois axes, nous pouvons anticipons un imminent et soudain atterrissage dans les réalités du XXIe siècle et l’éclatement étasunien.

La société américaine exsangue a grandement besoin que ses élites s’intéressent à son sort, et le reste du monde que l’ancien leader retrouve une place dans un ordre multipolaire reconnu et enfin accepté.

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