L’EUTHANASIE TUE

Jordi GARRIGA

Ce 12 février, au Parlement espagnol, a été discuté prise le projet de loi visant à réglementer l’euthanasie en Espagne. Ce texte a été présenté par le PSOE et a reçu le soutien de presque tous les partis, à l’exception du PP et du Vox, avec 201 voix pour, 140 contre et 2 abstentions.

Comme en matière d’avortement, l’image d’une souffrance qui peut être interrompue par l’élimination physique de la victime est dorénavant approuvée. Puisque les politiciens sans doute ne peuvent pas offrir à leurs concitoyens une vie digne, ils leurs promettent pour l’avenir une mort « digne ».

L’émotionnel est ici comme d’autres cas (par exemple celui du cirque, de la corrida, de la souffrance animale) évoqué et convoqué: peines et douleurs utilitaristes servent de témoignage aux cas extrêmes, avec lesquels des exceptions pourtant très improbables sont utilisées et manipulées pour établir la nouvelle norme exactement comme dans le domaine du genre, avec le cas de la transsexualité. Pour que nous doutions TOUS de notre identité sexuelle, il est en effet normal de ne pas avoir de problème avec elle, d’anticiper et demain de pouvoir décider de changer de sexe.

L’euthanasie n’est pourtant rien d’autre que la façon cynique dont les politiciens souhaitent éliminer le plus rapidement possible les frais des personnes malades, de sorte qu’on n’aura plus à leur payer des maisons de retraite inutiles ou à dépenser de l’argent afin de rechercher les moyens d’améliorer la qualité des vieillards. Mieux vaut en effet garder son argent dans ses poches plutôt que de l’économiser pour les “vieux”.

L’euthanasie est mercantiliste car elle fait de nous des objets jetables. L’euthanasie n’est pas scientifique car elle entrave la recherche en privilégiant les bénéfices rapides. Elle est obscurantiste car elle cache le plaisir de pouvoir disposer de la vie d’autrui. C’est une forme nouvelle du satanisme bernanosien.

On m’objectera bien sûr que l’euthanasie espagnole n’est réservée que pour des cas très spécifiques et délimités mais l’avortement a également été légalisé par une loi aux hypothèses elles-aussi a priori au départ très circonscrites (viol, danger pour la vie du fœtus ou de la mère). Or, il s’avère que maintenant les filles de 16 ans peuvent avorter sans même le faire savoir à leurs parents.

Regardons dans d’autres pays comme la Belgique ou aux Pays-Bas en avance dans ce domaine, l’euthanasie s’applique si quelqu’un est tout simplement «fatigué de vivre». Autrement dit, on vous éliminera calmement si un jour vous êtes tout simplement en panne, en stress, en dépression vieillesse.

Notre système démocratique rejette fermement la peine de mort pour les criminels, mais l’autorise donc maintenant pour les vieillards. Cela semble déranger en effet que quelqu’un puisse lutter pour vivre et applaudir à la mort ceux qui vivent pour tuer. Mais l’une des conséquences les plus perverses de cette normalisation de l’euthanasie reste la dégradation ethique, médicale, sociale et déontologique qu’elle implique. Dans un système de santé de plus en plus privatisé, les soins palliatifs deviendront un luxe et les pauvres n’auront plus d’autre choix que d’opter pour le suicide assisté afin de ne pas mourir dans des couloirs sordides comme des chiens enragés mais « entourés, oui, de la dignité libérale maximale ».

Après ceux qui sont nés et qui soutiennent aujourd’hui l’avortement, ceux qui ont échappé à la mort grâce d’ailleurs à la médecine moderne, défendent maintenant l’euthanasie sans trop savoir réellement combien la science pourtant doit aux patients qui se sont accrochés à la vie.

L’avenir est bien sombre: les êtres en instance de naissance ou sur le point de mourir ne sont plus considérés que comme des produits autorisés à entrer ou à sortir de la vie en fonction du désir ou de l’intérêt que manifeste pour eux le Marché et la productivité. Il ne sera alors plus étonnant de voir dans quelques années, à la périphérie de nos villes, des cabanes de suicide comme dans la série Futurama, où les gens viendront pour mettre fin à leurs jours. Le suicide étant devenu un droit, qui pourra d’ailleurs les arrêter ou leur interdire alors que la question devrait plutôt être : qui et pourquoi les a-t-on poussé au geste irrémédiable ?

[A noter qu’en France, la République en marche souhaite rendre légale et plus facile l’euthanasie. Actuellement, la loi prévoit pourtant : directives anticipées, désignation d’une personne de confiance,possibilité d”une sédation profonde et cont jusqu’au décès. NdR].