Par Lionel LABOSSE
Il fallait les entendre, ces politicards et ces journaleux unanimes, vendredi 14 février, jour de la Saint-Valentin, pour dénoncer l’odieux Piotr Pavlenski parce qu’il a posté une vidéo montrant le candidat macroniste à la mairie de Paris en train de se masturber dans un cadre adultérin, une vidéo d’après ce que j’ai entendu (je ne l’ai pas vue et n’ai pas envie de la voir) qui ne résulterait pas d’un piège. Ah ! quelle atteinte à la démocratie ; le droit à la vie privée est sacré, et bla, bla, bla !
Et si nous rafraîchissions notre mémoire ?
Emmanuel
Macron a invité Sandra
Muller à
l’Élysée dans une soirée consacrée aux « Héros 2018 »,
parce qu’elle avait eu le grand courage de livrer à la vindicte
publique Éric Brion, qu’elle avait accusé le 13 octobre 2017 par
un « tweet ». Objet de cette dénonciation ? Ledit
Éric Brion lui avait envoyé un seul et unique texto faisant état,
au terme d’une soirée arrosée, de son désir d’avoir un rapport
sexuel avec elle ; mais elle-même, et des milliers de
journalistes et de politiciens à travers le monde, dont Emmanuel
Macron, ont estimé normal de se joindre à la meute #balancetonporc
pour traîner dans la boue et pousser au suicide cet homme coupable
d’avoir désiré cette femme et de le lui avoir dit, sans aucune
sextape, sans le moindre geste déplacé ; un seul et unique
texto. Et c’est cette même meute qui aujourd’hui se retourne aux
basques de Piotr Pavlenski, ce
pelé, ce galeux d’où viendrait tout leur mal.
Le 25 septembre 2019, cette calomniatrice a été condamnée par la
justice pour diffamation à l’encontre d’Éric Brion. J’attends
toujours les excuses de M. Macron – qui entendait légiférer
contre les fake
news en période électorale,
tiens, tiens ! – pour avoir contribué à cette fake news et à
cette chasse à l’homme. J’aimerais savoir ce que M. Griveaux
a pensé et a dit de cette affaire ; était-il par hasard
présent à cette soirée des « Héros 2018 » ;
Piotr Pavlenski sera-t-il invité à une soirée « Héros
2020 » ? En attendant, on nous bassine toujours avec
« Balance
ton quoi »
l’hymne à la délation de la bien nommée Angèle, basée sur le
hashtag créé par la diffamatrice en question, qui a failli obtenir
une Victoire de la musique hier, en même temps que ce déchaînement
d’échasses de l’indignation battait son plein : quelle
époque !
En 2019, M. Jean-Michel Blanquer, ministre de
l’Éducation de M. Macron, pondit un projet de loi intitulé
« École de la confiance » prévoyant, je cite,
un « devoir
d’exemplarité » qui
« horripila les profs » selon cet article. Je crois faire
partie des profs horripilés.
Qu’il me soit permis maintenant de
citer un extrait de l’article de Wikipédia sur Brigitte
Macron :
« En mai 1993, dans l’atelier de théâtre qu’elle anime au
lycée de la Providence, elle remarque Emmanuel Macron, alors âgé
de quinze ans et élève de seconde dans la même classe que sa fille
Laurence. L’année suivante, le couple commence une relation. »
Qu’il me soit permis (et j’espère que M. Blanquer ne
trouvera pas qu’en tenant ces propos sur un site public je m’écarte
de son je cite « devoir d’exemplarité ») de poser la
question suivante : si moi, professeur, en 2020, j’entamais
une relation avec un élève âgé de 16 ans que j’aurais connu
dans le cadre scolaire ou péri-scolaire, qu’adviendrait-il de
moi ? J’aimerais beaucoup entendre les réflexions
philosophiques de M. Macron sur l’affaire actuelle concernant
M. Matzneff, l’un des derniers en date des boucs émissaires
jetés en pâture à la
foule.
Or, n’est-ce pas sous sa présidence que l’on entend de plus en
plus de ces féministes pétries de puritanisme, réclamer
l’imprescribilité non seulement pour les viols mais aussi pour les
atteintes sexuelles sur mineurs ? Voyez cet
article.
Et cette imprescribilité n’est-elle pas quasiment devenue la règle
dans les lynchages politico-médiatiques récents ? En dehors du
puritanisme, c’est aussi désormais avec les réseaux sociaux le
règne du politiquement correct. Toute personne accédant à la
célébrité se voit honnie si par hasard on découvre la moindre
gouttelette d’antisémitisme, de racisme, d’homophobie qui a pu
lui échapper sous le coup de la colère, même quand il était âgé
de 13 ans. La conséquence de cela c’est que dans toutes les
disciplines artistiques désormais, on n’a plus que des niais fades
et sans saveur qui n’ont jamais pété un mot de travers. « Un
poète ça sent des pieds / On lave pas la poésie / Ça se
défenestre et ça crie » chantait Léo Ferré, qui à l’heure
actuelle ne pourrait pas accéder à la célébrité à cause de la
chanson « Petite », pas plus que Verlaine qui coucha avec
un mineur dont il pourrit la vie, ni que Jacques Brel pour sa
misogynie, etc. Et si Houellebecq demeure
l’écrivain français le plus apprécié dans le monde, c’est
parce qu’il a acquis sa notoriété avant l’ère des réseaux
sociaux. D’ici cinquante ans nous n’aurons plus comme prix
Goncourt que des Barbara Cartland.
Alors
c’est quoi, cette exemplarité que la Macronie exige de la
valetaille et qu’elle n’exige pas d’elle-même ? Comme
dirait Figaro :
« Aux vertus qu’on exige d’un enseignant, Votre Macronie
connaît-elle beaucoup de ministres qui fussent dignes d’être
professeurs ? »
Et quand j’entends, le jour de la
Saint-Valentin, que ce monsieur qui aurait trompé non pas une simple
compagne pacsée mais son épouse selon la loi, auprès de laquelle
il s’exhibe pour la presse tabloïd, n’a enfreint aucune loi, je
crois rêver : pour autant que je sache, l’article 212 du code
civil stipule depuis le 4 avril 2006 que, je cite, « Les époux
se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance »,
le « respect » ayant été ajouté aux trois autres en
2006. Pour ma part j’ai publié un
livre contre le mariage gay pour
protester contre l’hypocrisie du mariage auquel je préférais un
« contrat universel ». Mais ce monsieur qui est devenu
député, donc législateur, a-t-il proposé de revenir sur cet
article 212 ? Quand il a uni son destin avec sa compagne, je
suppose après 1999 vu sa date de naissance, puisqu’il avait le
choix, pourquoi n’a-t-il pas préféré le pacs au mariage, qui
impose cette clause de fidélité et de respect qui n’est pas dans
le pacs ?
Et cette Macronie, ne compte-t-elle pas en son sein
un certain nombre de ministres qui à longueur de journée
renchérissent sans jamais attendre – pas plus que certains
journalistes – une décision de justice, sur les accusations du
jour contre toute célébrité jetée en pâture à la foule, et ce
malgré cette condamnation de la diffamatrice Sandra Muller, décision
qui devrait les rappeler à davantage de sang-froid. Donc non
seulement je me réjouis de ce retour de bâton bien mérité que
constitue l’affaire Griveaux, mais je souhaite que tant que cette
classe politico-médiatique persistera à jouer le jeu du
néo-puritanisme, tant qu’elle tendra ces verges pour se faire
battre, eh bien ! que des activistes courageux continuent à
dénoncer les hypocrites exactement comme eux, ces hypocrites, nous
jettent en pâture des Éric Brion, des Roman
Polanski,
des Harvey Weinstein, etc. Tiens, si j’étais journaliste, c’est
Éric Brion que j’inviterais à s’exprimer sur cette affaire à
un Téléphone
sonne par
exemple, dont tous les invités pensaient exactement pareil.
Pour
terminer je ferai un parallèle avec l’affaire Strauss-Kahn en
2011, qui eut pour conséquence de priver cet honorable adultère de
briguer la présidence de notre république. Certes, ce monsieur
avait bien le droit de se taper des putes au Carlton, c’était sa
vie privée ; mais en dehors du respect de l’article 212 du
code civil cité ci-dessus, je me permets de rappeler que ce
monsieur, s’il eût été élu, aurait défendu le projet
socialiste, lequel persiste à prôner la prohibition de la
prohibition, voire la pénalisation des clients, comme en Suède. Et
j’en reviens à mon point de départ, ces messieurs-dames
s’autorisent dans leur vie privée ce qu’en tant que politiciens,
ils interdisent à la valetaille ! Or j’attends toujours une
tribune de M. Strauss-Kahn dans Le
Monde en
faveur des droits sociaux des travailleurs du sexe, tiens, justement,
la retraite à points !
Et pour que ce soit bien clair, je ne
m’attaque pas uniquement à la Macronie, mais à 95 % de la
classe politico-médiatique – du RN à LFI – qui enfourche le
bidet néo-puritain en vogue.
Donc comme disait Nietzsche, stop aux échasses de l’indignation !