GUÉRILLA DE LAURENT OBERTONE  : ENTRE PASSION ET APOCALYPSE :  UNE TRAGÉDIE CLASSIQUE

par Rémi VALAT-DONNIO

Unité de lieu : la France dans un proche avenir, quelques Bataclan et « Je suis Charlie » plus tard. Unité de temps :  les trois derniers jours de notre civilisation.Unité d’action : les débuts de la guerre civile.

Guérilla (sous-titré : Le jour où tout s’embrasa) est le premier roman de Laurent Obertone publié aux éditions Ring en 2016, depuis réédité au format poche (La Mécanique Générale). Ce livre occulté ou descendu en flèche par les rares médias officiels (pour ceux qui ont daigné en parler) connaît au contraire un succès fulgurant auprès du grand public, un bouche-à-oreille rare qui atteste de la qualité de ce livre (je confirme après lecture) et de la préoccupation grandissante auprès de nos compatriotes (ceux qui vivent dans le réel) des problématiques sociétales, sources, dirons-nous avec un euphémisme subtilement teinté de Novlangue, de tensions en France. Ce succès emboîte le pas à celui des précédentes publications du même auteur, ou bien encore à celui d’Eric Zemmour (Le suicide françaisUn destin français), Patrick Buisson (La cause du peuple) ou bien encore Christophe Guilluy (Fractures françaises)…. Un succès qui est un énième révélateur de la rupture entre la France d’en haut et celle d’en bas. Il n’y a guère qu’à l’étranger (je pense en particulier au livre d’Andrew Hussey, The French Intifida, dont nous aurons l’occasion de reparler) que le sujet de l’immigration, du terrorisme arabo-musulman puisse être corrélé et abordé presque sans tabou (même si les Anglo-Saxons ont aussi leurs bataillons d’intellectuels gauchistes). C’est donc à l’occasion de la parution cette année du 2e tome  de ce qui pourrait être une trilogie que nous avons voulu revenir sur un roman qui dérange, car trop (beaucoup trop) bien documenté.

Son auteur, Laurent Obertone, né en 1984 (d’aucuns y verraient un signe), est un journaliste, devenu écrivain. Il s’est spécialisé au travers d’une série d’enquêtes, toutes éditées par Ring, sur les questions de la délinquance, et en particulier les violences urbaines (La France Orange mécanique), de l’immigration (La France interdite) et de l’information (La France Big Brother). Issu d’un milieu populaire, l’auteur use d’un pseudonyme pour protéger sa famille, Laurent Obertone ayant fait l’objet de menaces pour ses opinions hétérodoxes. Guérilla est un thriller, un genre qui n’a pas ma préférence en raison de sa pauvreté littéraire, mais il a ici l’avantage de nous plonger dans l’action et d’aller à l’essentiel. J’ai trouvé ce livre passionnant, même si les personnages me paraissent trop manichéens et leur psychologie taillée à l’emporte-pièce (quoiqu’il s’agisse d’un roman à thèse qui se veut visionnaire et militant). L’objectif de Guérilla n’est pas la distraction du lecteur, même si l’auteur ne manque pas d’humour ; il est tout autre. En 57 chapitres, Laurent Obertone nous fait vivre palier par palier la dégringolade de notre pays, de la « rupture de la normalité » (faisons un peu de Novlangue nous aussi) à l’effondrement pur et simple. La chute abyssale quasi-programmée conduisant à la guerre du tous contre tous. 

Entre Passion…

Dans ce livre, les Français, comme les Romains, ont cessé de croire en eux-mêmes, pire ils sont anesthésiés. Laurent Obertone nous décrit avec brio le rôle inhibiteur des médias en mettant en abîme le vécu des personnages du roman et les comptes-rendus officiels, en particulier celui du petit écran. La négation du réel est comme de nos jours absolue : alors que la guérilla urbaine commence à s’étendre, on croit encore aux mantras de la bien-pensance et du droit-de-l’hommisme. C’est le règne sans limite de la Novlangue : le migrant est devenu l’« itinérant », le sans-domicile-fixe, le « mal abrité », le vivre-ensemble a pris du galon pour devenir le « très bien vivre ensemble », le signe peut-être d’une graduation dans les violences ordinaires…. L’autorité et les forces de l’ordre sont jetées avec délicatesse verbale (car « la diction est au journaliste ce que sont au magicien le geste ») au pilori. Après qu’un policier menacé sur la vie a ouvert le feu sur un groupe de dealer à la Courneuve, alors que tout le monde ignore les conditions exactes de ce geste, l’Information, elle, réécrit déjà l’histoire, blanchit les uns et blâme les autres :

« En attendant d’avoir par nos équipes sur place davantage d’informations, ce qui est compliqué en raison de l’intense émotion qui règne dans le quartier, rappelons qu’un récent rapport d’Amnesty International faisait état d’une recrudescence des brutalités policières et pointait des manquements civiques graves chez les gardiens de la paix, comme des formules de politesse négligées, ou des contrôles d’identité disproportionnés, parfois suite à de simples caillassages ».  Puis, suit le propos habituel sur le « vivre ensemble »,  les « symboles forts », l’« ascenseur social en panne », des « jeunes sans histoire », de « dialogue qui passe mal », de « quartiers déshérités », de « honte à la française »….

Il me semble ben avoir entendu ça quelque part mais où ? Attendez un peu….

Face à la violence, et au péril de l’extrême-droite, on rêve encore d’union nationale. Le colonel Fourreau, un des héros du roman, un ancien colonel à la retraite assis lui aussi devant le petit écran n’est pas dupe : « L’union nationale, c’est une sorte d’état d’urgence de la pensée unique », déclare-t-il pour lui même. Mais, cette idéologie métastase de l’idéal chrétien, insidieusement distillée, porte malheureusement ses fruits au moment crucial : des agents des forces de l’ordre n’osent pas réagir ou ouvrir le feu, restent légalistes jusqu’au bout ou sont les témoins bras ballants des pires actions terroristes. Mieux, les « bobos » promoteurs du « bien vivre-ensemble », imbus d’eux-mêmes parce que du bon côté de la morale (incisif Laurent Obertone sous-titre le blog d’un des personnages du roman : « le nombril de Zoé »),  se sacrifient pour leur idéal. L’un d’entre-eux après avoir été tabassé, est prêt à retendre la joue : « Société de merde. C’est nous qui avons détruit ces pauvres gosses ». Père, ils ne savent vraiment pas ce qu’ils font…

Idriss lui aussi écoute les informations, armé d’un simple couteau, il trouve à son goût et légitime de tuer des infidèles : « Eux-mêmes l’admettaient, à la télévision, ils étaient racistes. C’étaient à cause d’eux, malgré leurs paroles de serpent, que les Noirs demeuraient des citoyens de seconde zone ».

…. et Apocalypse.

Car au-delà du limes du périphérique, les habitants des tours Taubira ou des rues Merkel (Il n’y a pas de rue Bonaparte ou Charles Martel dans le quartier), eux veulent en découdre. Après l’incident déclencheur de la guerre civile, les réseaux sociaux s’animent : « a partage 6 frère tuer par les haloufs wlh c la GUERRE ». Les candidats au suicide ne manquent pas, tel Jean Rachid, un paumé qui a ajouté l’Islam à son panthéon de footballeurs de rappeurs et de caïds du quartier, qui comme « Idriss » considère Allahou Akbar comme son cogito, « sa manière à lui de dire « Je suis », écrit Laurent Obertone ». Alors que le tout s’effondre, les profiteurs de la bien-pensance se rendent comptent qu’ils ont tué la poule aux oeufs d’or ; dans ce naufrage, ils coulent avec les passagers de 3e classe. Quraych Al-Islam, le théologien télégénique se trouve débordé par la frange radicale de l’Islam, celle des quartiers et des adeptes du terrorisme, eux-mêmes pris au dépourvu, lorsque la paralysie des communications les privent de leur victoire médiatique sur le Frankistan et ouvre la voie à plus de violence encore, la violence gratuite et sans fin.

En somme, comme l’écrit magistralement Laurent Obertone, « la morale de cette histoire, c’est qu’une telle histoire n’a pas de morale. Les moralistes ont tué les réalistes, le réel tuera la morale » . En lisant ce livre une question m’a traversé l’esprit. J’ai aussitôt pensé à Stanley Milgram et à sa série d’expériences visant à analyser le comportement humain face à l’autorité. Ce qui frappe dans cette étude est le faible pourcentage de gens déterminés résolus à résister ou à se révolter, tandis que le troupeau dans son écrasante majorité suit le mouvement… On peut se poser légitimement la question de savoir quel camp les 10%  de musulmans de la population française ralliera ? Une question qui rend plausible le scénario du remarquable roman de Laurent Obertone où la France se réveille en feu.