NOTRE-DAME ET SES QUASIMODOS

par Jordi Garriga

Quasimodo, le bossu de la cathédrale Notre-Dame, est l’un des personnages les plus universels de la littérature de tous les temps. C’est un être déformé qui vit dans la cathédrale, où il a été abandonné. Malgré son apparence, il est un être plein de bonté et de bonnes qualités, rejeté par l’environnement et qui est en sécurité dans le refuge fourni par la cathédrale.

Ce personnage, qui semble être l’âme vivante de cet édifice, est l’opposé parfait de ceux qui, situés à l’extérieur de Notre-Dame et dont l’apparence est généralement plus belle, n’ont qu’une âme noire, aussi noire que les cendres laissées par le feu du terrible incendie qui s’est produit le lundi 15 avril. Parce qu’autour des flammes, comme dans une danse macabre, ils se sont réunis pour montrer la décadence de notre culture occidentale.

Les quasimodos inversés, d’une extraordinaire laideur intérieure, ont commencé à se rassembler cinq minutes après le début de l’incendie. Ils sont en quatre catégories, les produits les plus sinistres et authentiques d’une société gravement malade.

Ceux de la catégorie 1 savaient déjà parfaitement qui étaient les auteurs matériels et avaient également établi des liens avec d’autres incendies, dont, bien sûr, ils en connaissaient également les causes: des musulmans pervers et antichrétiens avaient brûlé la cathédrale, alors qu’ils étaient acclamés par le rire de ses partisans. Tout était clair, sauf que personne n’a rien vu ni rien prétendu, lors d’une attaque presque sans victime ni proclamation: « Cela n’a pas été un accident parce que je l’espère. » L’Autre en tant que bouc émissaire.

Nous avons ensuite la catégorie 2, les anticléricaux d’autres époques qui semblent être parvenus au vingt-et-unième siècle avec la machine à remonter le temps, pour lesquels la destruction des églises et tout ce qui a trait au catholicisme est un travail juste. Puisque l’Église est une entité perverse qui corrompt tout, dont les membres sont tous des pédophiles et qui refuse de partager leurs richesses avec les pauvres … Ce sont des gens qui méprisent l’histoire et l’art, mais qui aiment l’art abstrait. Ils aiment les oriflames fanés d’autres ères, avec une sensibilité et un niveau qui leur permet seulement de voir les pénis et les vagins partout.

Ceux de la catégorie 3 sont les plus aimés et appréciés des élites de la planète, ceux qui, de toute façon, se comportent de manière enfantine, générant des clones et riant bêtement, pensant assurer une sorte de supériorité morale, l’allure de gros méchants quand ils ont à peine assez d’intelligence pour comprendre ce qu’ils lisent. Le troupeau qui, quoi qu’il arrive, dit toujours « bêêê » comme une réponse inclusive, avant d’être tondu.

Et enfin, nous atteignons ceux de la catégorie 4, les plus gros Quasimodos, ceux qui ont annoncé qu’ils donneraient des millions et des millions d’euros, tels que Louis Vuitton, Gucci, L’Oréal, Apple … Jusqu’à présent, 700 millions sont déjà sur la table, et je me demande: qu’est-ce qui a changé pour eux de faire un don, alors qu’en 2017, on a imploré d’obtenir 100 millions de euros en 20 ans, parce que la cathédrale « s’effondrait » et que l’État français n’y consacrait que 2 millions par an …? Eh bien, très simple: il s’agit d’une merveilleuse campagne de publicité. L’argent investi n’est pas destiné à un édifice qui pour eux ne vaut rien, mais à la reconnaissance de millions de consommateurs qui vont rembourser cet investissement multiplié par dix ou par cent en se rendant dans leurs boutiques après une visite rapide de la cathédrale restaurée.

Ces groupes d’êtres difformes et grotesques évoluent à merveille dans une culture où toutes les anciennes religiosités et spiritualités ont disparu. Ceux qui ont le plus pleuré pour ce malheur le font sans doute pour des raisons et des sentiments historiques et artistiques mais très peu parviennent à ressentir un véritable sens religieux. Les cathédrales et autres bâtiments historiques européens sont déjà plus des attractions d’un parc d’attractions qu’un événement sensé. Bâtiment + photo + oubli en 5 minutes = exhibitionnisme. Au-delà de la pierre photographiée et des ego assoiffés, rien n’inspire vraiment dans notre Civilisation.