LA FIN TRAGIQUE DU MITTERRAND PÉRUVIEN

par Michel LHOMME

L’ancien président « socialiste » Alan Garcia, éclaboussé dans un scandale de corruption, a mis fin à ses jours le 17 avril 2019 à 69 ans. L’ancien homme politique s’est tiré une balle dans la tête au moment où la police venait l’arrêter à son domicile dans le cadre de l’enquête Odebrecht, où il était visé pour corruption.

En plus de quarante ans de carrière politique, « Alan », comme le surnommaient les Péruviens, n’avait jusqu’ici jamais eu maille à partir avec la justice malgré ses corruptions avérées à la tête de l’Etat (entre autres l’affaire du métro de Lima) mais début 2017, son nom a commencé à être associé au tentaculaire dossier Odebrecht, du nom du géant brésilien de BTP qui a versé durant plus d’une décennie 788 millions de dollars à travers l’Amérique latine pour remporter des appels d’offres.

Le groupe a admis avoir versé au Pérou 29 millions de dollars entre 2005 et 2014 sous les mandats de trois présidents, Alejandro Toledo, Alan Garcia et Ollanta Humala.

Dès lors dans le collimateur de la justice péruvienne, Alan Garcia confronté aux médias perd son calme devant les caméras. « Prouvez-le donc bande d’imbéciles ! Trouvez quelque chose! », lançait-il fin 2018 lorsque la presse péruvienne venait de révéler qu’il aurait reçu 100.000 dollars – provenant de fonds illégaux d’Odebrecht – en paiement d’une conférence donnée devant des entrepreneurs brésiliens à San Paulo en mai 2012.

Craignant une fuite à l’étranger, la justice lui interdisit alors de quitter le territoire. Mi-novembre, il demanda l’asile à l’Uruguay en restant 16 jours dans l’ambassade de ce pays à Lima mais Montevideo rejetta sa demande après examen de son dossier.

Alan Garcia c’est tout un symbole pour les Péruviens celui du plus jeune président que le pays ait connu (35 ans en 1985), celui de la gestion désastreuse de son premier mandat présidentiel (1985-1990) quand l’inflation atteignait des sommets et qu’il pactisa pour avoir la paix sociale avec le Sentier Lumineux plongeant ensuite le pays dans l’une des plus meurtrières guerres civiles de l’Histoire latino-américaine. Cette période noire reste pour les Péruviens de cette génération synonyme de corruption, de chaos économique et de terrorisme.

Pourtant après avoir tenté son retour et essuyé une cinglante défaite en 2001 contre Alejandro Toledo, l’infatigable colosse d’1m90 remonta sur les estrades et conscient de la nécessité de rompre avec le passé, il fit son mea culpa et reconnut lors de la campagne électorale de 2006 avoir commis de graves erreurs économiques principalement. Il s’en excusa et demanda « pardon aux Péruviens », laissant entendre que l’expérience acquise lui permettrait de ne plus commettre de telles fautes. Alan Garcia était tout simplement devenu politiquement correct et l’homme lige de Washington qu’il avait pourtant bravé dans sa jeunesse.

Affirmant alors être le seul à pouvoir barrer la route de la présidence au militaire nationaliste Ollanta Humala, alors vu comme le poulain du président vénézuélien Hugo Chavez (1999-2013), il fut finalement réélu avec le soutien des libéraux et des centristes, une renaissance inhabituelle qui lui vaut une réputation de survivant et de monstre politique mais qui n’étonne pas vu l’indigence de la classe politique locale et ses talents d’orateur.

Malgré un second mandat d’inspiration libérale plutôt réussi selon les analystes, il resta pourtant l’homme politique le plus impopulaire du pays, avec un taux de rejet de 80%, selon les sondages de ces derniers mois.

Longtemps, il a bénéficié de l’aura du persécuté politique, acquise lorsque, recherché par la police du président Alberto Fujimori en 1992, il s’enfuit par les toits de sa maison de Chacarilla del Estanque pour gagner l’ambassade de Colombie.

Réfugié un temps à Bogota, il s’installa ensuite en France, où il effectue une partie de ses études. Parlant parfaitement français, Alan Garcia fut l’amant officieux de Danielle Mitterrand et bénéficia toujours du soutien du Parti socialiste français et des largesses de la miterrandie (voir l’affaire des mines d’or du Pérou vendues à l’Australie).

Avant de se suicider, l’ex-président péruvien  Alan Garcia a rejetté dans une lettre d’adieu rendue publique vendredi 19 avril les accusations de corruption :

« J’en ai vu d’autres défiler menottés, témoins de leur misérable existence, mais Alan Garcia n’aura pas à subir ces injustices et ce cirque », a écrit l’ancien chef de l’Etat dans une missive d’adieu destinée à ses six enfants et lue par une de ses filles lors ses obsèques à Lima.

Il n’y avait pas et il n’y aura pas de compte (illicite), de pot-de-vin, d’enrichissement. L’histoire a plus de valeur qu’une quelconque richesse matérielle . »

Des pots-de-vin contre des contrats

« Ayant accompli mon devoir en politique et dans les actions en faveur du peuple, ayant atteint des objectifs que d’autres peuples ou gouvernements n’ont pas atteints, je n’ai pas à accepter les humiliations », écrit Alan Garcia, qui fut président du Pérou de 1985 à 1990 puis de 2006 à 2011.« Je laisse à mes enfants la dignité de mes décisions, à mes compagnons un signe de fierté et mon cadavre comme signe de mon mépris envers mes adversaires, parce que j’ai déjà accompli la mission que je m’étais donnée », ajoute-t-il.

Alan Garcia a toujours eu comme Mitterrand qui était en quelque sorte son modèle et son mentor en politique un certain panache.

Outre Alan Garcia, trois autres anciens présidents péruviens, Alejandro Toledo (2001-2006), Ollanta Humala (2011-2016) et Pedro Pablo Kuczynski (2016-2018) sont actuellement dans le collimateur de la justice dans le cadre de l’affaire Odebrecht. Ce géant brésilien du bâtiment, a distribué pendant plus d’une décennie un total de 788 millions de dollars dans une dizaine de pays d’Amérique latine pour remporter des contrats, selon le ministère américain de la Justice. L’entreprise a reconnu avoir versé 29 millions de dollars de pots-de-vin au Pérou entre 2005 et 2014.

La justice péruvienne a prolongé d’ailleurs pour 36 mois la détention provisoire de l’ex-président du pays Pablo Kuczynski, inculpé de blanchiment d’argent dans le scandale. L’ancien président, âgé de 80 ans, avait été placé le 10 avril en détention pour une durée initiale de dix jours par un tribunal de Lima. Il n’a néanmoins pas encore été incarcéré, car il se trouve dans une clinique de la capitale après une opération du coeur. Au final ce sont tous les ex-présidents péruviens qui se retrouveront coffrés et rejoindront le « dicateur » honni, Alberto Fujimori.