BILLET D’HUMEUR : LA FRANCE, D’ICI ET D’AILLEURS

Par Franck BULEUX

Chaque semaine, notre chroniqueur Franck Buleux, publiera son billet d’humeur. Voici le premier d’une – espérons-le – longue série. La Rédaction.

La France, vue de l’étranger, c’est sa capitale. La France, vue d’ailleurs, c’est « la plus belle avenue du monde », celle des Champs-Élysées.

Cette équation qui relève d’une France jacobine, divisée entre la capitale et ses « provinces » (du latin pro vincere, indiquant les territoires vaincus sous domination et administration romaine) semble ce dimanche 17 mars 2019, totalement dépassée. Les émeutes inorganisées du samedi 16 mars, après tant d’autres cet automne, puis cet hiver, prouvent la faiblesse de notre système politique. L’image de la France est gravement et pour longtemps affaiblie à travers le monde. Les médias livrent, instant après instant, la centaine de magasins brulés, vandalisés, volés ; le mobilier urbain saccagé, les immeubles, y compris résidentiels en feu.

Alors, si la France, c’est Paris, la France succombe face à l’outrage. Qui est responsable ? Les Blacks Blocs, les Gilets jaunes… Peu importe, le fait est patent, le feu est partout, l’État n’est plus capable d’assurer la sécurité de la vitrine de la France. Cette constatation aura des conséquences économiques : moins de consommateurs, moins de tourisme, moins de « Paris, c’est magique ! ».

Emmanuel Macron a été élu, en mai 2017, contre le chaos. Ses troupes allaient, de studio en studio, clamer que l’élection de la fille de Jean-Marie Le Pen allait apporter le chaos, la fin de la France, l’émeute permanente, la guerre civile probablement. Les forces de gauche, unies comme à leur habitude des sociaux-libéraux jusqu’aux révolutionnaires proches des ultras, votèrent presque comme un seul homme pour ce qu’elles appellent aujourd’hui, « le président des riches ». Heureux les Français, car ils ont la mémoire courte. Certes, les plus Insoumis d’entre eux s’entraînèrent au « vote révolutionnaire » en votant blanc ou nul, un « ni, ni » qui ne devait pas rappeler le Parti communiste allemand (KPD) de la République de Weimar qui pratiquait déjà le « ni…ni » (ni Hitler, ni les sociaux-démocrates).

Mais revenons-en à la vitrine française, Paris. Entre un Président dans les Pyrénées et un ministre de l’Intérieur en discothèque (parisienne, pas à Forcalquier !), l’ordre ne règne plus.

En mai 1968, de Gaulle avait réussi à mobiliser toutes les droites et le centre pour faire face au chaos. En mars 2019, le chaos est dans la place. Nos anciens diront que le Président est trop jeune : vous vous rendez compte, il avait un an lorsque Simone Veil a été élue présidente du Parlement européen ! Un président qui n’a pas connu la ferveur européenne de 1979, un drame ! Les anciens ne lui en veulent pas trop, ils votent largement pour lui, l’effet Brigitte, peut-être ?

La logique semble respectée : Sarkozy a été battu lors de sa volonté de renouveler son mandat (48 % en 2012 face au candidat socialiste résiduel, le favori de l’oligarchie DSK ayant été éliminé par l’action d’une vulgaire femme de chambre afro-américaine du Bronx), Hollande n’a pas osé se représenter de peur d’un résultat à un seul chiffre (le candidat socialiste a capitalisé 6 % des suffrages exprimés), la suite est écrite dans cette logique, Macron ne devrait pas pouvoir terminer son mandat. C’est la logique d’une France ingouvernable.

Mais c’est compter sans deux paramètres : la Constitution de 1958 et la droite du Figaro et de L’Opinion veillent. La Constitution permet au président Macron de garder la main avec la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale à tout moment et sans motif, de changer de Premier ministre… et la droite dite républicaine est derrière le Président. La droite trouve dans les actions du Président tout ce dont elle rêvait : réformes économiques, fiscales (les revenus du travail sont plus taxés que le capital depuis la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, dit FlatTax)… La preuve, le candidat officiel de la droite, celui qui a fait perdre la circonscription de Versailles (un exploit !) à la droite en 2017, plafonne à 14 % dans les meilleurs sondages. Mieux encore, on lit dans Le Figaro qu’il s’agit d’un bond ! Rappelons que les droites dites républicaines représentaient 45 % il y a 20 ans. Si la droite atteint 15 %, ce sera donc une victoire ! Il y a eu évaporation des électeurs de droite.

Bref, heureusement Macron a les médias, la Constitution et les forces de droite. En outre, les sociaux-démocrates, orphelins de DSK, viennent s’agréger à cette troupe. Après tout, Macron fut un ministre dans un gouvernement de gauche et les ministres Castaner, Le Drian et d’autres viennent du Parti socialiste.

Face à lui, la rue, la France, celle qui ne va pas à Paris, ou éventuellement pour manifester, et encore. Cette France des oubliés dont on s’étonne qu’elle revendique un autre monde.

Tu rêvais d’ « un autre monde » chantaient les bobos du groupe Téléphone, admirant l’élection du président François Mitterrand, probablement le meilleur symbole d’un monde nouveau. Aujourd’hui, la France ne rêve même plus, elle attend. Elle s’ennuie, peut-être, c’est ce que l’on dit toujours avant les révolutions. Même si La Mongie n’est pas Varennes, il y a cette odeur de fin de règne qui nous vient aux narines. Et cette odeur, on n’a pas réellement envie de la chasser.