LES ÉTRENNES DE METAINFOS : YUKOKU DE MISHIMA

LA DERNIERE JOURNEE DU LIEUTENANT SHINJI TAKEYAMA ET DE SON EPOUSE REIKO

N’ayant pu participer au coup d’état du 26 février 1936 mené par des officiers à Tokyô, et se considérant de ce fait déshonoré, Takeyama décide d’en finir honorablement en se faisant seppuku (hara kiri). Son épouse le suivra peu après dans la mort. Maudit, détruit, ce film de 30 minutes en noir et blanc, réalisé en deux jours seulement, est l’unique réalisation de Mishima qui joue lui-même le rôle du lieutenant Takeyama Shinji. Produit en 1966, il est ressorti au Japon grâce à une pellicule miraculeusement retrouvée en 2005. C’est le Patriotisme dont parle notre correspondant dans son texte définitif sur Mishima, l’unique film laissé par l’un des plus grands écrivains du siècle. Suivant exactement la narration d’une nouvelle, Patriotisme, écrite quelques années plus tôt, ce film montre de façon stylisée la dernière étreinte amoureuse et le seppuku d’un jeune lieutenant entièrement dévoué à l’honneur samouraï, le Bushido : répétition de la mort spectaculaire que l’écrivain choisira de se donner, le 25 novembre 1970, à Tokyo.

Film esthétique, cinéma wagnérien, prolongement filmique du théâtre Nô ou encore document historique, Yûkoku occupe une place unique dans l’art cinématographique du XXe siècle. Ce film est surtout connu pour préfigurer le suicide de Mishima par seppuku en novembre 1970 lors de l’échec de sa tentative de coup d’état avec sa milice d’auto-défense la Tate no Kai (la société du bouclier). Le film a longtemps été le Saint Graal de tout admirateur de Mishima. Il était en effet réputé perdu, sa femme ayant demandé la destruction de tous les négatifs et copies existantes et interdit la diffusion des copies restantes après le suicide de son mari. Cependant, la Cinémathèque Française n’a jamais pu se résoudre à détruire sa copie et l’aurait projetée de façon confidentielle ces dernières années. On pensait donc que le film était perdu à jamais pour le grand public jusqu’à la mort de Yuko, la veuve de Mishima. Sa disparition en 2005 a permis la « découverte » du négatif et d’un certain nombre de copies positives. » Sublimement poétique. ML.