LA CHINE, C’EST PARTI !

Par Michel LHOMME

Occupé par l’Ukraine et le pouvoir d’achat, les vacances de Toussaint et Hallooween,  beaucoup de gens ne savent pas ce qui s’est passé le 25 octobre 2022 or il nous semble que ce qui s’est passé est aussi important que le soulèvement de Maidan de 2014.  Pour faire simple, le sénile Biden, l’Etat profond américain car personne ne sait plus très bien qui gouverne vraiment aux Etats-Unis a obligé tous les Américains travaillant en Chine à choisir entre quitter leur emploi et perdre la citoyenneté américaine. Tous les cadres et ingénieurs américains travaillant dans le secteur de la fabrication de semi-conducteurs en Chine ont dû démissionner ou doivent le faire sous peu paralysant ainsi la fabrication chinoise du jour au lendemain.

Certes les exportateurs américains de semi-conducteurs devaient demander des licences depuis les années Trump mais ces licences étaient en réalité approuvées en un mois : cela n’a donc rien à voir avec ce qui s’est passé cette semaine.

Avec les nouvelles sanctions de Joe Biden contre la Chine, tous les fournisseurs américains de blocs IP, de composants et de services sont partis du jour au lendemain ou sont en train de le faire coupant ainsi tout service à la Chine. En bref, toutes les entreprises de semi-conducteurs chinoises de pointe sont actuellement confrontées à une interruption complète de l’approvisionnement, à la démission de tout le personnel américain et à une paralysie immédiate de leurs opérations. Ainsi, l’industrie chinoise des semi-conducteurs sera réduite à zéro du jour au lendemain.  

Nous assistons donc bien de la part de l’administration Biden à une intensification réelle de la guerre contre la Chine en soutien bien évidemment de Taiwan, premier fournisseur de puces informatiques au monde.

Naturellement, le gouvernement chinois a été pris de court par ces nouvelles règles draconiennes qui incluent « toutes les entreprises chinoises de conception de puces informatiques avancées » et qui, sans aucun doute, « assureront l’élimination de tous les produits et technologies américains de l’ensemble de l’écosystème ».

Ce nouveau régime de sanctions infligera inévitablement des dommages importants à l’industrie technologique chinoise florissante tout en causant un préjudice considérable aux partenaires américains qui n’ont pas été consultés sur la question. Mais si l’annonce a été une surprise totale, elle s’inscrit dans la liste beaucoup plus longue d’actions hostiles des États-Unis envers la Chine au cours de ces derniers mois. En voici quelques-unes :

  1. De multiples délégations américaines (Nancy Pelosi et d’autres membres du Congrès en exercice) se sont rendues à Taïwan pour remettre en cause la politique d’une seule Chine qui a été la pierre angulaire des relations normales entre les deux pays au cours des 40 dernières années.
  2. Deux navires de guerre américains ont traversé le détroit sans en informer au préalable officiellement les autorités chinoises.
  3. Des manœuvres américano-indiennes se sont déroulées à la frontière entre l’Inde et la Chine
  4. La détermination persistante de l’administration américaine à fournir à la Corée du Sud un système de défense antimissile létal qui peut être utilisé à des fins offensives et qui menace directement la sécurité de la Chine.
  5. Le renforcement incessant d’une coalition internationale « anti-Chine ».
  6. Deux groupes de porte-avions américains effectuent actuellement des exercices en mer de Chine méridionale.
  7. Et maintenant, selon le Financial Times, l’UE a été invitée à repenser sa politique à l’égard de la Chine.

Bien qu’elle ne soit en aucun cas exhaustive, cette liste devrait donner au lecteur une idée de la recrudescence du bellicisme américain qui vise actuellement Pékin.

Après avoir harceler le Donbass, pousser la Chine à cran est devenu un travail américain diplomatique à plein temps, ce qui n’est pas totalement inattendu puisque la politique d’« endiguement » des États-Unis et de la Chine est en réalité la priorité stratégique numéro 1 des Etats-Unis depuis Obama, les Ukrainiens ne devant servir de chair à canon que pour réduire à néant l’eurasisme ou toute velléité d’indépendance et de puissance européenne.  

Ce qui est donc bien différent aujourd’hui – comme l’indique la stratégie de sécurité nationale 2022 de Biden – c’est que les États-Unis se voient au milieu d’une « lutte entre grandes puissances » dans laquelle l’ennemi principal est non pas la Russie mais la Chine qui est considérée comme « le seul concurrent ayant à la fois l’intention et, de plus en plus, la capacité de remodeler l’ordre international » (Rapport américain de stratégie de sécurité nationale 2022).

En d’autres termes, l’administration américaine admet que nous sommes en guerre contre la Chine et que nous devons utiliser tous les moyens nécessaires pour l’emporter dans ce conflit.

En réalité, la stratégie de sécurité nationale n’est pas une stratégie de défense américain mais un plan d’offensive, plan que oui, on pourrait qualifier cette fois ci de « plan pour la troisième guerre mondiale ».

En effet, l’endiguement de la Chine seul ne suffira pas. Ce qu’il faut désormais aux Etats-Unis, ce sont des actions de plus en plus provocatrices qui contribueront à isoler, à vilipender et, en fin de compte, à affaiblir la Chine afin qu’elle devienne une « partie prenante responsable » dans le « système fondé sur des règles » à savoir ses règles à elle du jeu international. En d’autres termes, Biden chercherait à faire de la Chine un vassal docile.

Or, il n’est pas du tout question pour la Chine de suivre Washington. Pékin a en réalité très mal digéré la violation ouverte des traités de l’OMC que pendant des années on lui avait suppliés de pourtant  de signer suite aux sanctions contre la Russie exclue par exemple du système international SWIFT.

Les nouvelles règles d’exportation onéreuses de Biden s’inscrivent parfaitement dans cette stratégie plus large de confrontation et d’hostilité persistantes. Elles rejoignent également le point de vue maintes fois répété des néo-conservateurs selon lequel il n’y a « aucun espoir de coexistence avec la Chine tant que le Parti communiste gouverne le pays ». Ainsi, une fois de plus, nous pouvons constater que les attaques de l’administration américaine à l’encontre de la Chine ne sont pas simplement destinées à « contenir » le développement chinois, mais visent également un changement de régime, obsession permanente des Etats-Unis convaincus d’être l’Empire du Bien.

Aussi pensons-nous que l’intensification récente de la guerre technologique de Biden contre la Chine n’a rien à voir avec des préoccupations de sécurité nationale (comme « les domaines encore émergents de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique »), mais qu’il s’agit en réalité d’une nouvelle tentative désespérée de préserver l’emprise grandissante de Washington sur le pouvoir mondial.

Voici comment l’auteur Jon Bateman résume la situation dans un article du Foreign Policy Magazine (https://foreignpolicy.com/2022/10/12/biden-china-semiconductor-chips-exports-decouple/)

« Le Bureau de l’industrie et de la sécurité (BIS) a annoncé de nouvelles limites à l’exportation vers la Chine de semi-conducteurs avancés, d’équipements de fabrication de puces et de composants de superordinateurs. Ces contrôles révèlent une volonté unique de contrecarrer les capacités chinoises à un niveau large et fondamental (…) de sorte que le premier dommage à la Chine sera économique, à une échelle bien disproportionnée par rapport aux préoccupations militaires et de renseignement citées par Washington (…) Ce changement laisse présager des mesures américaines encore plus sévères à venir, non seulement dans le domaine de l’informatique avancée, mais aussi dans d’autres secteurs (comme la biotechnologie et la finance) jugés stratégiques. Le rythme et les détails sont incertains, mais l’objectif stratégique et l’engagement politique sont maintenant plus clairs que jamais. L’essor technologique de la Chine sera ralenti à n’importe quel prix ».

C’est écrit noir sur blanc.

Les États-Unis feront tout ce qu’il faut pour conserver leur première place dans l’ordre mondial « contre vents et marées ». Et cela signifie, bien sûr, plus de sanctions et de droits de douane, plus de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement vitales, et des coûts plus élevés pour tout.

Les États-Unis ont prévu d’examiner au cas par cas les licences pour les usines non chinoises en Chine touchées par les nouvelles restrictions, mais même si elles sont approuvées, cela  entraînera forcément des retards dans les expéditions tandis que les licences pour les usines de puces chinoises seront probablement refusées ».

Voici plus d’informations tirées d’un article de l’Asia Times ( https://asiatimes.com/2022/10/china-chip-ban-a-us-exercise-in-extreme-self-harm/)

« Les mesures américaines n’affecteront pas les capteurs, la surveillance par satellite, le guidage militaire et les autres systèmes stratégiques de la Chine, car la grande majorité des applications militaires utilisent des puces plus anciennes que la Chine peut produire chez elle. Les nouvelles restrictions américaines n’empêcheront pas les 2000 missiles surface-navire et surface-surface de la Chine de cibler les porte-avions américains dans le Pacifique occidental, ou les bases aériennes américaines de Guam et Okinawa, et elles n’empêcheront pas les plus de 1000 intercepteurs chinois de pointer des missiles air-air à longue portée sur les avions américains mais cela suscitera également un effort considérable de la part de la Chine pour remplacer la technologie américaine de conception et de fabrication de puces. Les dépenses d’investissement et de R&D diminueront considérablement dans l’industrie américaine des semi-conducteurs tandis que la Chine allouera un budget massif à ce secteur.

Jamais les blocus économiques n’ont fonctionné et à l’horizon de cinq ou dix ans, l’avantage technologique des États-Unis en matière de conception et de fabrication de semi-conducteurs risque en tout les cas de disparaître. d’autant qu’une interdiction totale par les États-Unis des ventes de puces à la Chine éliminerait 37% des revenus des entreprises américaines de semi-conducteurs, conduirait à… la perte de 15 000 à 40 000 emplois directs hautement qualifiés dans l’industrie américaine des semi-conducteurs ». …

Au pire, les dommages causés à l’économie chinoise seront probablement temporaires alors que l’impact de la dépression naissante dans l’industrie occidentale des semi-conducteurs pourrait bien causer des dommages collatéraux permanents4, exactement comme les sanctions contre la Russie plongent l’Europe dans une crise énergétique sans précédent.

Est-ce à dire que la mondialisation est terminée ?  Oui. Aucun empire dans l’Histoire ne se laisse effondrer sans son chant du cygne.

Il convient donc de noter que le plan Biden est un autre pas de géant vers la « démondialisation » (qui est la réimposition de barrières commerciales transfrontalières afin d’empêcher une plus grande intégration économique et une baisse des coûts) alors que depuis des décennies, en France plus particulièrement les chefs d’entreprise et les dirigeants politiques vantaient les mérites de la délocalisation des entreprises et de l’externalisation des emplois, comme si c’était la véritable expression du plan divin de Dieu.

Mais maintenant que la croissance de la Chine menace l’hégémonie mondiale des États-Unis, les élites de la politique étrangère ont fait un rapide virage à 180°. Le génie de la mondialisation doit maintenant être tiré et remis dans sa bouteille pour que les Etats-Unis puisse préserver sa primauté en se séparant effectivement de la puissance chinoise. Du coup, le « découplage » est devenu le dernier mot à la mode chez les experts en politique étrangère. Ce mot implique que les États-Unis doivent mettre en œuvre « un certain degré de séparation technologique d’avec la Chine, mais ne devraient pas aller jusqu’à nuire aux intérêts américains dans le processus ». En d’autres termes, Washington est en passe de mettre fin de manière sélective à de nombreux secteurs commerciaux avec la Chine. Le programme est donc clairement un programme de désintégration de l’ordre mondialiste dominant, les Etats de l’America Great Again retrouvant ces réflexes protectionnistes d’antan.

Mais ce faisant,  les Etats-Unis gaspillent la puissance américaine dans des actions unilatérales qu’elle ne pourra de toute façon  pas faire respecter et qui n’auront pas d’impact significatif à long terme sur le développement irrémédiable de la Chine.

En refusant de chercher des moyens de faciliter la transition vers un nouveau monde, le monde multipolaire de Poutine, l’Occident se perdra en essayant pathétiquement de revenir au « moment unipolaire » définitivement révolu. L’Ukraine n’est qu’une diversion.

En complément et, pour l’esprit critique, écouter :

http://metapoinfos.hautetfort.com/archive/2022/10/25/chine-un-pays-au-bord-de-l-abime-6408369.html

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2 commentaires

  1. Article prodigieux : information et déductions, tout y est !
    Un article de ce niveau est la plus belle justification de l’existence et de l’intérêt de ce blog
    qui est bien supérieur à toute la presse dite « de référence », qui n’est jamais que l’expression du seul pouvoir réel, celui des maîtres de l’économie

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