LE MONDE COMME IL VA !

Par Michel LHOMME

L’industrie avant les tuyaux fermés

La menace persistante de la Russie de couper complètement l’approvisionnement en gaz de l’Europe tout au long de l’hiver est la préoccupation immédiate de l’économie européenne. Dans le but de contrecarrer la puissance énergétique du Kremlin, les pays européens ont passé des mois, quelque peu en vain, à déployer un plan d’économies et à rechercher des approvisionnements alternatifs, qui portent leurs fruits. Mais le risque est toujours là et l’industrie européenne est celle qui souffre le plus. Les raisons sont fondamentalement de deux ordres : premièrement, comme c’est le secteur qui consomme le plus d’énergie, il est le plus susceptible d’être affecté durement par d’éventuelles coupures d’approvisionnement sur le continent ; deuxièmement, même sans problèmes d’approvisionnement en électricité, les prix que paieront les industriels pour l’électricité monteront – et c’est déjà le cas ! – en flèche. Le secteur industriel européen qui a été pourtant le plus rapide à sortir de la crise du Covid-19, va donc commencer sa « traversée de la steppe », une traversée si particulière après le début de l’ « invasion » russe…

Celle-ci inquiète aussi en ce début de semaine sur un autre plan, le rapprochement avec la Chine :

Russie-Chine : alliés ou partenaires ?

Alors que la situation en Ukraine montre les erreurs ou les faiblesses de Moscou dans sa stratégie militaire (, Vladimir Poutine et Xi Jinping se sont rencontrés à Samarcande (Ouzbékistan) à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Bien que leurs intérêts stratégiques coïncident dans leurs manières de traiter à l’avenir leurs relations conflictuelles avec les États-Unis, le déséquilibre croissant de la relation russo-chinoise est tout de même préoccupant, sachant que l’immigration chinoise à l’est en Sibérie, ne cesse de s’étendre.

Au-delà des affaires intérieures de la plus grande organisation régionale de la planète, composée de la Chine, de l’Inde, du Kazakhstan, du Kirghizistan, du Pakistan, de la Russie, du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan – avec l’Iran en voie d’adhésion –, et qui couvre 60 % du territoire de l’Eurasie, 40 % de la population mondiale et plus de 30 % du PIB mondial, la rencontre Poutine et Xi Jinping a servi à jauger le degré d’harmonie entre Moscou et Pékin. La première visite à l’étranger de Xi après son arrivée au pouvoir en 2012 était en Russie, et il a depuis approfondi sa relation avec Poutine au point de qualifier le président russe de « cher vieil ami » après leur rencontre à Samarcande. Les deux dirigeants peuvent ainsi désormais être définis comme des alliés stratégiques, intéressés à ajouter les capacités considérables de leurs pays respectifs pour faire face à l’hégémonie des États-Unis. L’Europe a choisi le camp des perdants en acceptant presque d’être demain « glacifier ».  Mais ailleurs, en Afrique, on retrouve l’espoir :

Afrique : Bassin du Congo, ouvert au pétrole ; Nigeria, reprise du projet d’oléoduc gazier

La crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine a déclenché de nouveaux projets d’extraction de gaz et de pétrole, depuis la mer du Nord, le golfe du Mexique ou le bassin du fleuve Congo. Notons au passage que selon l’Agence internationale de l’énergie, cette activité extractive à grande échelle met définitivement en péril la réalisation des objectifs irréalistes et idéologiques de l’Accord de Paris. La République démocratique du Congo (RDC) produit actuellement quelque 25 000 barils de pétrole brut par jour, qui pourraient atteindre 200 000 si les plans de Kinshasa se concrétisent, générant des revenus au pays miné par la guerre civile dans la région du Kivu et la corruption de 32 milliards de dollars par an, soit plus de la moitié du PIB actuel. Selon diverses estimations, les gisements pourraient contenir des réserves allant jusqu’à 22 000 millions de barils de pétrole brut. Le 28 juillet, annonçant la vente aux enchères de 30 blocs pour l’exploitation d’hydrocarbures dans la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, le président de la RDC, Félix Tshisekedi , a déclaré que le conflit européen avait placé l’énergie « au centre de la paix mondiale » et la sécurité » et que son gouvernement ne pouvait manquer de mettre les ressources naturelles du pays au service de son peuple, l’un des plus pauvres d’Afrique, avec un PIB par habitant de 556 dollars. Quoique trop préoccupé par les élections présidentielles à venir, la lutte des gangs et l’emprise djihadiste au Nord, certains au Nigéria ont néanmoins ressorti un vieux projet qui traînait dans les tiroirs et que nous souhaitons vivement pour le pays celui d’un oléoduc gazier passant par le Maroc et approvisionnant l’Europe via l’Espagne. En tout cas comme toujours dans toute crise, certains pays s’en sortent très bien c’est le cas en :

Amérique latine : Bolivie, oasis économique

La hausse du prix du gaz, principal produit d’exportation de la Bolivie, et le taux d’inflation le plus faible de la région latino-américaine (1,2 % au premier semestre) encouragent l’épargne et le crédit en monnaie nationale. Cette année, l’économie bolivienne va croître de 3,5 %. Pourtant, les tensions entre l’aile radicale du Mouvement pour le socialisme (MAS) contrôlée par l’ancien président Evo Morales et l’aile modérée dirigée par le président Luis Arce et son vice-président David Choquehuanca ont assombri la scène politique au moment où justement l’économie commence à se redresser et pourrait s’épanouir. Ces dernières semaines, l’entourage de Evo Morales a dénoncé des cas de corruption au sein du gouvernement, soi-disant pour « protéger » Arce et l’avertir des risques qui les guettent, comme l’assure le sénateur masista Leonardo Loza . À son tour, le député, également masista, Rolando Cuellar , accuse Morales de « diffamer, calomnier et attaquer » le gouvernement sans preuves. Derrière toutes ces accusations mutuelles se cachent les manœuvres de diverses factions du MAS pour prendre le contrôle du parti avant les élections de 2025, où Morales veut être à nouveau candidat. En Bolivie comme au Nigéria, comme ailleurs, les affres des politiciens véreux ternissent souvent tous les espoirs et les fenêtres d’espérance.