LA SYNTHESE INTERNATIONALE DE MAI 2022

Par Axelle DEGANS

Le sort des urnes

En Australie, les conservateurs, derrière le Premier ministre Scott Morrison, ont perdu en mai 2022 les élections au profit des travaillistes unis autour d’Anthony Albanese (notre photo). L’ancien ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a manifesté son contentement concernant la défaite de celui qui est l’artisan de la rupture de contrat portant sur l’achat de sous-marins français par l’Australie (septembre 2021).

En Somalie, les parlementaires ont élu en mai 2022 un nouveau chef d’État, Hassan Cheikh Mohamoud (photo ci-dessus). Une élection sous haute tension dans un pays soumis aux exactions des Shebabs et à une sécheresse qui menace de déclencher une famine.

Aux Philippines, les élections présidentielles ont été confortablement remportées en mai 2022 par Ferdinand Marcos Junior, le fils de l’ancien dictateur chassé du pouvoir il y a trente six ans (photo ci-dessus). Sa vice-présidente est Sara Duterte, la fille du président sortant.

En Irlande, le Sinn Fein devient en mai 2022 la première force politique. Ce parti défend la réunification de l’ile verte.

Un modèle occidental ébranlé depuis la pandémie

Les pays occidentaux font face à une pénurie de main d’œuvre. En Allemagne, le rapport de l’Institut IW de Cologne, élaboré à la demande des milieux patronaux, évalue à plus de 320 000 postes les besoins non couverts dans les domaines des mathématiques, l’informatique et des sciences naturelles et techniques. Cette pénurie touche tous les types de postes, de ceux du monde ouvrier jusqu’à ceux beaucoup plus qualifiés. En France, une même pénurie touche les secteurs de la restauration, celui des soignants, trop peu de candidats se présentent aux concours de la fonction publique pour devenir enseignant. La pénurie de professeurs de mathématiques est une réalité. Aux États-Unis, de nombreux postes sont vacants.

Le Forum économique mondial s’est tenu en mai 2022 à Davos. La réunion s’est organisée sans les Russes et les Chinois, un probable signe d’une plus grande fragmentation de l’espace mondial. La menace de la récession a pesé sur les débats car les banques centrales doivent trouver la martingale pour juguler l’inflation sans compromettre la croissance économique. La géopolitique s’est imposée sur les considérations économiques.

La fin de l’ambiguïté stratégique des États-Unis ?

Après avoir fait voter en mai 2022 par le Congrès américain une aide massive pour aider l’Ukraine à faire face à l’agression russe, Joe Biden annonce que son pays soutiendrait Taiwan en cas d’attaque de Pékin. Cette déclaration a été faite depuis Tokyo, ce qui renforce sa portée symbolique. Il reconnait, dans le même temps, la doctrine d’ « une seule Chine », reconnaissant à Pékin d’être la seule autorité politique, déniant ainsi toute forme d’indépendance de Taiwan. La Chine populaire a répondu à ce discours en conseillant de ne pas « sous-estimer sa détermination ». Est-ce ce qui a conduit l’entourage du président américain à préciser que Washington était toujours à l’heure de l‘ « ambiguïté stratégique » ? Ce n’est pas la première fois que l’on observe un décalage entre les déclarations du président américain et les positions de son entourage. Ce discours a aussi mis le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, dans une situation délicate, ne voulant pas annoncer que son pays est prêt à une action militaire contre le voisin chinois. Cette grande tournée de Joe Biden dans la région témoigne de l’intérêt croissant de Washington pour cette zone.

A noter car passé presque commeinaperçu que Washington a décidé de desserrer un peu l’embargo qui pèse sur l’île de Cuba depuis 1962.

Une recomposition stratégique et économique dans l’Indo-Pacifique

Après avoir contractualisé des accords de sécurité – le Quad et l’Aukus – et alors que Donald Trump a retiré son pays des accords commerciaux transpacifiques, Washington annonce en mai 2022 un nouveau partenariat économique avec la région. Le cadre économique pour l’Indo-Pacifique (IPFE) a pour vocation de répondre au RCEP que la Chine a tissé autour d’elle et qui est entré en fonction le 1er janvier 2022. Ce nouveau partenariat unit aux États-Unis l’Australie, Brunei, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Une grande partie de ces pays sont aussi membre du RCEP car leur économie est très dépendante de celle de la Chine. Le Japon et l’Australie ont signé en 2021 un accord de sécurité. Londres et Tokyo viennent de faire de même en mai 2022, preuve que les enjeux internationaux se nouent en grande partie dans cette région du monde et que Londres est fidèle à sa doctrine « Global Britain ». Les États-Unis entendent s’appuyer sur la Corée du Sud et le Japon pour être en mesure d’imposer des normes face aux géants chinois.

Visites encadrées en Chine

Pékin avait dû accepter en mai 2022 la venue sur son sol d’une équipe internationale pour enquêter sur les origines du coronavirus, une pandémie qui a déjà fait plus de 15 millions de morts selon l’OMS. Les enquêteurs avaient été étroitement encadrés lors de leur venue, ne pouvant voir uniquement ce que les autorités chinoises avaient décidé. Nous ne connaissons toujours pas les origines réelles du coronavirus COVID-19.

Michelle Bachelet, Haute commissaire aux droits de l’homme pour l’ONU, ex-présidente du Chili mène une enquête concernant le respect des droits de l’homme dans le Turkestan chinois, le pays des Ouigours. De nouveau, cette visite officielle est étroitement encadrée. Pékin veut montrer que la Chine est victime d’une désinformation malveillante concernant le sort des Ouigours rétifs à la loi de Pékin. Les conclusions de la Haute commissaire aux droits de l’homme attendues avec impatience ont déçu ceux qui défendent les Ouigours. Son rapport condamne seulement les « mesures arbitraires » que subit cette population.

Cent millions de déplacés dans le monde

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés évalue en mai 2022 à cent millions le nombre de déplacés, sur une humanité de près de huit milliards de personnes. L’Europe connait son plus important flux migratoire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale car déjà plus de six millions d’Ukrainiens ont fui leur pays. Une grande partie a trouvé refuge en Pologne. L’ONU s’attend à ce qu’encore deux ou trois millions d’Ukrainiens quittent leur pays dans les prochaines semaines.

La guerre en Ukraine et ses conséquences

En mai 2022, les combats se concentrent dans la partie orientale du pays. L’armée russe a pris Marioupol, mais au prix de sa destruction. Lyman est passée sous le contrôle russe. L’Église orthodoxe d’Ukraine a annoncé sa séparation de celle de Moscou.

L’Ukraine étant un des greniers à blé de l’Europe, la guerre menace l’approvisionnement mondial. Le secrétaire général de l’ONU a demandé en mai 2022 à la Russie de tout faire pour permettre l’exportation des céréales, ce que Vladimir Poutine s’est engagé à faire contre une atténuation des sanctions économiques pesant sur son pays. L’insécurité alimentaire menace plus de deux cents millions de personnes dans le monde, le prix de la tonne de blé est passé de 253 euros en janvier 2022 à 438 euros au mois de mai. Cette situation est très préoccupante pour les pays du Proche et Moyen-Orient, ainsi que d’Afrique du Nord, très dépendant du blé du monde post-soviétique. Cette situation est aggravée par de mauvaises conditions météorologiques au Canada et par l’interdiction d’exporter des céréales prise par New Delhi. Pour mémoire, les contestations du printemps arabes (2011) ont fait suite à des hausses de prix de produits alimentaires. Au niveau agricole, la guerre perturbe les échanges agricoles, les pays d’Europe occidentale sont à court d’huile par exemple.

Le prix de l’énergie flambe… Les Européens découvrent leur dépendance aux hydrocarbures russes. Ce choix est politique et économique. Les Etats-Unis d’Obama ont réalisé une révolution énergétique qui a considérablement abaissé le prix de l’énergie grâce aux gaz et pétrole de schiste. Cela a donné une compétitivité nouvelle aux entreprises américaines, les Européens ont donc choisi de privilégier les hydrocarbures russes, relativement peu onéreux, d’autant qu’ils se sont lancés dans une politique de décarbonation au détriment du charbon que nombre de pays européens possèdent. La Commission européenne fait pression sur les États membres pour sortir de la dépendance à la Russie en rétorsion de la guerre menée en Ukraine. Les économies européennes toujours convalescentes de la crise née des subprimes, très affectées par la pandémie du coronavirus font face aujourd’hui au coût du soutien apporté à l’Ukraine dans la guerre menée par la Russie et à celui de l’accueil de plusieurs millions de réfugiés. Les pays européens peuvent-ils se permettre de recourir à des énergies bien plus chères en provenance d’Amérique ou du Golfe ? Leur compétitivité ne sera-t-elle pas amoindrie ?

L’Otan, déclarée en 2019 en état de « mort cérébrale » par le président français E. Macron, (re)devient en 2022 l’outil pour contenir les velléités russes. La Finlande et la Suède sont même prêtes à renoncer à leur neutralité pour adhérer à l’OTAN et se mettre à l’abri du parapluie atomique américain, alors que le président turc marchande la levée de son opposition. La Russie a agressé l’Ukraine pour éviter son adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN, cette annonce pour la Finlande et la Suède est mal prise à Moscou. Les candidatures de la Finlande et de la Suède démontrent une énième fois que c’est la menace incarnée par la Russie qui génère une faim d’OTAN et non un complot de Washington ou Bruxelles. [ propos discutables; NdR]. Les pays européens sont appelés à augmenter leurs dépenses en matière de défense, Bruxelles encourage des achats concertés. La guerre en Ukraine sera peut-être l’occasion pour les Européens de mutualiser leur politique énergétique et de parvenir à un marché unifié de l’énergie, comme d’unifier leur politique de défense.

L’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder a perdu ses privilèges liés à son ancienne fonction pour être trop proche de Vladimir Poutine. Il en aura cependant profité pendant 17 ans, depuis son départ de la chancellerie en 2005.

La géopolitique explique en grande partie le retour de l’inflation qui guide les nouvelles politiques économiques et monétaires.

La guerre en Ukraine montre le revers de l’interdépendance des économies.

Toujours l’environnement

L’environnement a été au cœur des élections de mai 2022 en Australie, le gouvernement sortant a notamment été sanctionné pour son inaction face aux incendies géants, aux inondations et aux très graves menaces pesant sur la barrière de corail.

Le Golfe persique subit des tempêtes de sable qui obscurcissent le ciel. Ainsi, l’Irak a déjà enregistré huit tempêtes de sable entre la mi-avril et la mi-mai 2022. Le réchauffement climatique expliquerait l’importance des grains de sable en suspension aussi bien au Moyen-Orient qu’en Afrique du Nord. Au printemps 2022, des vents ont amené jusqu’au Nord de la France du sable du Sahara.

Un rapport des Nations Unies révèle que non seulement les épisodes de sécheresse sont de plus en plus nombreux mais qu’en 2022 la sécheresse devrait déboucher sur une situation de stress hydrique pour 2,3 milliards de personnes. Une situation des plus inquiétante.

De tragiques inondations ont couté la vie à plus de 80 personnes dans la partie Nord-Est du Brésil.

Toujours l’espace

Boeing a réussi à lancer et faire revenir sur Terre sa capsule Starliner (notre photo de couverture). Boeing vise la certification de sa capsule après que Space X ait obtenu la sienne pour Crew Dragon.

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