Par Michel LHOMME
Comment expliquer la gifle électorale qu’a reçue dernièrement Macron et toute son équipe gouvernementale lors des dernières élections présidentielles dans les Outre-mer ? 5https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/26/election-presidentielle-2022-dans-les-outre-mer-le-choc-du-vote-le-pen_6123741_6059010.html)
Le pass sanitaire et la vaccination rendu quasiment obligatoire, la détérioration de tout le système de santé ultra-marin, les difficultés de recrutement, un Ministre particulièrement incompétent et paresseux lors de la fin du quinquennat, les promesses jamais tenues, l’immigration sauvage à Mayotte, et aux Antilles et l’augmentation de l’insécurité partout avec un laxisme stupéfiant des forces de l’ordre (effectifs réduits pour cause de mobilisation sur le terrain en métropole contre les gilets jaunes, prisons surpeuplées), tout ceci joint à la vie de plus en plus chère, l’Outre-mer français est bien malade. Mais pourquoi la vie est-elle si chère en outre-mer ?
Les territoires ultra-marins dépendent quasiment totalement des importations pour l’alimentation de leurs habitants, et à l’heure où les conflits internationaux, l’Ukraine, la guerre économique contre la Chine, la pandémie mondiale et le cours des matières premières pèsent sur les prix et perturbent les liaisons maritimes, la question devient cruciale et il paraît urgent pour ces territoires de reconquérir au plus vite l’autonomie alimentaire.

On assiste en effet en ce moment à une explosion des coûts à tous les niveaux : l’alimentation, l’électricité, les engrais, les semences, le matériel agricole avec l’augmentation des métaux, tout explose. Le deuxième problème et il est nouveau et touche par exemple la collectivité de Saint-Martin, c’est la disponibilité de ce qu’on veut acheter. Et le troisième c’est la livraison des containers, aléatoire parce qu’il n’y a plus assez de place dans les bateaux, et que la Chine pour des raisons de confinement bien orchestré bloque le transport maritime et ainsi le marché de l’offre et de la demande.
Or, pour ces territoires souvent éloignés de plusieurs milliers de kilomètre de l’hexagone, tous les biens transitent par bateau, avec les contraintes que cela génère, y compris les biens essentiels comme l’alimentation car l’agriculture locale ne suffit pas aujourd’hui à nourrir les près de 2,2 millions de personnes qui y habitent.
Les cinq départements d’outre-mer (la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte), où les terres arables subissent une forte pression foncière, ont une agriculture dominée à tort depuis des années par les cultures d’exportation. Sur 135.000 hectares de surfaces agricoles recensés en 2020, 38.300 seulement étaient dédiés à la culture de la canne à sucre et 7.700 à la banane. Le nombre d’exploitations est globalement en baisse de 10% sur 40 ans, sauf en Guyane, mais département vaste et peu peuplé.
Obstacles fiscaux et financiers

L’amélioration de la trajectoire d’autosuffisance alimentaire devrait logiquement passer par la production locale d’un certain nombre de fruits et légumes importés, indique de fait le Cirad, dans un rapport paru en début d’année qui proposait 23 leviers pour atteindre cet objectif dans les cinq départements d’outre-mer. Ces mesures concernent l’agriculture, l’agronomie, mais aussi l’emploi, la formation et les politiques publiques, car il importe de bouleverser au plus vite des habitudes d’assistanat et des situations de privilèges fiscaux établis depuis trop longtemps et qui empêchent de faire bouger les choses. Il existe en effet de nombreux obstacles fiscaux et financiers à la production locale. Par exemple en Guadeloupe, le problème, pour atteindre la sécurité alimentaire provient de deux choses : d’une part, des mécanismes du marché qui font que les importateurs et les consommateurs iront toujours au moins cher, mais aussi le statut de département qui ne permet pas aux élus locaux d’avoir une réelle politique de prix qu’il contrôlerait. Pour protéger les productions locales, il existe par exemple dans les départements d’outre-mer une taxe locale sur les importations, « l’octroi de mer », spécifique aux Outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte, La Réunion). Mais cette taxe est à la fois considérée comme responsable de la cherté de la vie et totalement inefficace. Faut-il donc s’attaquer immédiatement à l’octroi de mer et trouver pour ces territoires d’autres moyens de répartir la richesse ? Les prix des produits alimentaires importés dans les départements d’outre-mer sont si bas au départ que même avec la taxe d’octroi de mer, ils restent plus bas que les prix locaux et ce en raison aussi des dumpings pratiqués par les grands groupes de la distribution (Carrefour, Casino) qui s’accaparent le marché. C’est aussi à eux qu’il faut s’attaquer.
De fait, toutes les politiques publiques en matière de souveraineté alimentaire, dans le contexte départemental, prônées durant le quinquennat ne sont restés que des vœux pieux qui semblent ne devoir jamais aboutir d’où peut-être, oui, la nécessité de l’autonomie pour envisager la fin de la départementalisation jointe à une refonte totale de la fiscalité locale, notamment sur les questions d’importations.
En complément :
Pour la Réunion : https://www.tahiti-infos.com/A-La-Reunion-l-autosuffisance-alimentaire-en-question-face-aux-guerres-et-aux-maladies_a209089.html
Pour la Polynésie française : https://www.tahiti-infos.com/En-Polynesie-la-securite-alimentaire-depend-de-la-desserte-maritime_a209092.html
Couverture : photo de Mayotte.