JOSEPHINE Baker et la Guerre d’Éthiopie 1/2

Par Bernard PLOUVIER

Décidément, Grand Président Macron n’en rate pas une quand il y a une ânerie à faire, donc une occasion de se ridiculiser. Ce meneur de la nouvelle revue à grand spectacle Antifa vient de faire, par son ignorance crasse, un énorme pied de nez aux Antifas historiques… car le jeune et brillant chef de l’État ignore absolument tout de l’histoire réelle (les Res gestae des Romains – une expression qu’il ne connaît peut-être pas), ses conseillers se contentant de survoler les blogs débiles du Net spécialisés en histoire BCBG. 

Sa cause était l'universalisme»: Joséphine Baker est au Panthéon - Le Temps

Tous ceux qui ont étudié la biographie de Joséphine – l’égérie du nudisme de l’entre-deux-guerres, qui était aussi une femme dotée d’un cerveau – savent que cette amoureuse de la civilisation française était une discrète honorable correspondante du SR français avant l’An 1939.

En 1935, elle soutient – avec des arguments fort pertinents – l’action italienne en Abyssinie. 

Josephine Baker: Exotic Showgirl and Clandestine French Operative -  WednesdaysWomen

 

1 – Préhistoire :

Dominant l’Érythrée et la majeure partie de la Somalie, le gouvernement italien lorgne l’Éthiopie, un peu pour ses richesses supposées, singulièrement minières (or, platine, fer, cuivre, potasse et charbon), beaucoup pour venger l’humiliation d’Adoua, une localité près de laquelle un corps d’armée italien avait été battu, mais non anéanti, en 1896, par les 100 000 hommes de Ménélik II, tyran moderniste qui, de 1870 à 1913, avait quadruplé la taille de son empire.

Depuis le milieu des années vingt, les Français s’opposent au tracé d’une voie ferrée qui unirait Massaouah en Érythrée, à Mogadiscio en Somalie italienne (Gentizon, 1936). A contrario, les Britanniques ont renouvelé en 1925 l’accord du 24 mars 1891 autorisant les Italiens à réunir l’Érythrée et la Somalie italienne par une route ou une voie ferrée passant par l’Éthiopie – qui n’appartient ni aux Britanniques ni aux Italiens ! -, à l’unique condition que les Italiens restent éloignés des sources du Nil et ne passent pas à l’Ouest du 35e méridien (Vibert, 1936).

Livre: Face A L'Angleterre, Henri Vibert, Baudiniere / La Vie Documentee,  2000053651929 - Leslibraires.fr

Le 225e – 226e selon une autre numérotation, car les usurpations et assassinats d’empereurs ont été nombreuses – Négus nigesti (ou « roi des rois »), Taffari (« le féroce ») Makonnen-Hailé Sélassié (« force de la trinité divine », rien que cela !), fut un nabot sanguinaire et mégalomane, un usurpateur n’appartenant qu’à l’une des nombreuses branches cadettes de la maison impériale. Il n’est parvenu à imposer la souveraineté de sa tante Zaouditou en 1916, que grâce à la terreur entretenue par sa garde d’assassins, écartant l’empereur légitime Yassou, qui régnait assez calmement depuis 1913. En 1930, à la mort de l’impératrice Zaouditou, Taffari Makonnen est devenu empereur par les mêmes moyens.

Haile Selassie | The Last Ethiopian Emperor And Rastafarianism -  HistoryExtra

Il commence son règne par un voyage en Italie et semble fort bien s’entendre avec le Duce (Rachele Mussolini, 1948). En fait, il révèle très vite sa nature de tyran féroce, parfaitement inefficace dans la répression des guerres tribales et des razzias menées au Soudan égyptien et au Kenya qui alimentent le commerce d’esclaves vers les États de la péninsule arabique. Car ce trafic d’esclaves reste autorisé par la loi éthiopienne (Leroux, 1938), demeurant même la principale ressource des grands feudataires – les ras. L’Édit de 1924 n’a interdit que l’esclavage à l’intérieur du pays ; il n’est d’ailleurs pas appliqué.

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À la SDN, l’Éthiopie a été la recrue de choix de l’année 1923, dont la candidature a été soutenue par la France et l’Italie, en dépit de divers remous chez les Britanniques religieux (dont Lord Halifax et l’épouse très médiatique de John Simon) : l’esclavagisme et le brigandage des Abyssins sont alors des évidences (Leroux, 1938). Les soi-disant démocraties soutiennent ce noble personnage parce que sa tante et lui ont toujours combattu l’influence allemande dans cette partie de l’Afrique.

Le conflit Italo-Ethiopien devant la S.D.N. / Eugène Louis Leroux. - Paris  : Librairie technique et économique, 1938 - Aux trois lacs d'Orient -  Livres anciens
Le conflit Italo-Ethiopien devant la S.D.N. / Eugène Louis Leroux. - Paris  : Librairie technique et économique, 1938 - Aux trois lacs d'Orient -  Livres anciens
Le conflit Italo-Ethiopien devant la S.D.N. / Eugène Louis Leroux. - Paris  : Librairie technique et économique, 1938 - Aux trois lacs d'Orient -  Livres anciens

2 – Premiers méfaits d’un mondialisme avant la lettre :

En dépit du traité italo-éthiopien politique et commercial signé le 2 août 1928, les Éthiopiens multiplient depuis 1931 les razzias pillardes et meurtrières en Somalie et en Érythrée (Leroux, 1938). En 1932, le colonel Alfredo Peluso est assassiné lors d’une mission d’achats en Éthiopie et les autorités locales évoquent l’exécution d’un espion ! En 1933, on enregistre une vingtaine d’attaques de petites colonies d’Italiens, dont l’une occasionne la mort de 10 femmes et enfants (Lormier, 1989). Au printemps de 1935, une troupe régulière de l’Armée du Négus assassinera un administrateur de la Côte Française des Somalis, dénommé Bernard… les Français protesteront, mais les Britanniques recommanderont d’abandonner les poursuites, pour des raisons géopolitiques que l’on va développer.

Seconde guerre italo-éthiopienne — Wikipédia

En 1934, surviennent trois gros accrochages, toujours déclenchés par les Abyssins, dont celui du 5 décembre à Oual-Oual – une oasis de l’Ogaden, occupée par les Italiens depuis 1928, mais convoitée par les Britanniques, dans une zone où les limites sont indéterminées entre la Somalie et l’Abyssinie. Cette attaque occasionne la mort d’environ 30 soldats italiens et d’une centaine d’agresseurs (Gentizon, 1936), en plus de blessés : 60 chez les italiens, un nombre indéterminé chez les Abyssins. Le Négus a le culot d’attaquer l’Italie devant la SDN le 14 décembre ; sa requête est rejetée le 11 janvier 1935, officiellement parce que la frontière est en cours de rectification par une commission internationale d’arbitrage.

Mussolini et l'Éthiopie – Les éditions des Chavonnes

Une nouvelle attaque contre une position italienne, celle d’Afdub, survient le 19 janvier 1935 (Leroux, 1938). On a accusé des agents du MI-6 (le Special Intelligence Service britannique) d’avoir poussé les Abyssins du Nord à s’attaquer aux oasis du Sud de l’Érythrée (Schiavon, 2016). Mais à l’époque, le Duce en accuse le gouvernement japonais (Leroux, 1938 ; Demaison, 1942) et c’est là où l’affaire devient amusante !

Le sens du conflit de André Demaison - PDF - Ebooks - Decitre

En février 1935, l’ambassadeur nippon à Rome, Iotaro Sughimura, déclare que « des négociants juifs ont acheté de grosses quantités de marchandises japonaises, puis les ont exportées par le port de Kobé à destination de l’Éthiopie, via le port de Djibouti » (Leroux, 1938) et nul ne s’est jamais intéressé à la nationalité de ces Juifs, dont on parle pourtant beaucoup à l’époque, ce qui fait un plaisant contraste avec le silence des « grands historiens » à leur propos !

En janvier 1935, à la suite du dernier incident de frontière, Mussolini fait savoir aux gouvernants français et britanniques qu’il entend réagir. Pierre Laval, en février 1935, ne le dissuade pas d’une pénétration économique en Éthiopie. Mussolini reconnaîtra qu’il a trompé Laval sur ses intentions (Mack Smith, 1985), ce que nombre d’auteurs font mine d’ignorer, Laval appartenant depuis 1944 à la classe des personnages maudits, voire « diaboliques ».

Mussolini, Denis Mack Smith, Flammarion 1985

Au ministère français des Affaires Étrangères, l’inamovible Secrétaire-général, le hautain poète Alexis Léger, dit (en toute modestie) « Saint-John Perse », s’emploie à torpiller tout rapprochement franco-italien, puissamment aidé par le patron du Parti Socialiste, Léon Blum, qui « ne peut oublier l’assassinat de Matteotti » (Noël, 1975) : entre grands bourgeois socialistes, il semble exister une solidarité de caste qui surpasse l’intérêt national.

Les illusions de Stresa (L'Italie abandonnée à Hitler): NOËL, Léon:  Amazon.com: Books

En mars 1935, à la suggestion de Laval, la SDN propose un contrôle international sur la zone contestée, ce qui est accepté le 10 avril par le Duce. Anthony Eden, secrétaire d’État au Foreign Office, qui jouit d’une excellente réputation auprès des historiens, après avoir fait la joie des midinettes, se prononce en mai 1935 pour la concession de l’Ogaden aux Italiens, pour faire expier par le négus les faveurs accordées aux Japonais lors du traité commercial nippo-éthiopien de 1927, dont les conséquences commencent à menacer les intérêts européens.

Entre autres concessions chèrement acquises par les Nippons, figure celle qui accorde au trust Mitsui 1 à 2 million(s) d’hectares, dans les provinces de Gondar et de Godjam, pour y installer des plantations de coton qui risquent de concurrencer la production égyptienne ( Eugène-Louis Leroux, 1938 écrit « un million d’ha » mais on trouve un chiffre double dans le N°215, de mai 1935, de La Science et la Vie ; ce dernier chiffre est repris par André Demaison, en 1942, qui était un grand spécialiste de l’Afrique noire et qui bénéficiait des confidences d’Albert Sarraut, grand manitou de la radicale-maçonnerie du Sud-Ouest). (https://asialyst.com/fr/2020/03/14/quand-histoire-begaie-japon-afrique-debut-xx-siecle/)

Quand l'histoire bégaie : le Japon en Afrique au début du XXe siècle -  Asialyst
L’empereur éthiopien Haile Sélassié rencontre l’empereur japonais Hirohito lors de sa visite à Tokyo, le 19 novembre 1956

Le commerce nippo-éthiopien, dominé par des négociants juifs, porte sur des armes et des objets usinés au Japon, exportés de Kobé et réceptionnés à Djibouti : il perturbe les circuits traditionnels anglo-éthiopiens et italo-éthiopiens.

En ce mois de mai 1935, le Négus, dont les tribus agressent depuis quatre ans les soldats italiens, déclare à un journaliste du Daily Mail que « Mussolini menace la paix du monde entier » (Leroux, 1938).  Les 24 et 25 juin 1935, les entrevues Mussolini-Eden se passent fort mal : « Les deux hommes se sont entretenus avec une franchise qu’il était difficile de dépasser » (Samuel Hoare, 1954) ; c’est une façon diplomatique d’écrire que les deux Divas se sont injuriées, lorsqu’Eden a exigé du Duce qu’il limite sa conquête à l’Ogaden (Kirkpatrick, 1967).

Mussolini portrait d'un démagogue: KIRKPATRICK, Ivone: Amazon.com: Books

Le Duce fait rappeler en service actif 60 000 réservistes des classes 31 et 32 (Leroux, 1938). Les 6 membres de la commission d’arbitrage (dont le Français Gaston Jèze, un conseiller du Négus) ne parviennent pas à s’entendre en juin-juillet. FDR refuse d’être médiateur cet été de 1935, durant lequel, pour se concilier les bonnes grâces des Nord-Américains, le Négus concède l’exploitation minière et la prospection pétrolière dans la moitié de son empire à une filiale du holding Rockefeller (Leroux, 1938)… l’impérial nabot ignore les curieuses relations à éclipses entre les familles Roosevelt et Rockefeller : en 1935-37, elles ne sont guère bonnes (selon le Dr Emanuel Josephson, 1948).

The Strange Death of Franklin D. Roosevelt; History of the Roosevelt-Delano  Dynasty, America's Royal Family: Emanuel M. Josephson: 9781588402851:  Amazon.com: Books

Le 3 septembre, la commission d’arbitrage rend son rapport sur l’affaire d’Oual-Oual : « Malheureux concours de circonstances… Le premier coup de feu pourrait avoir eu un caractère accidentel », mais conclut sur de « plausibles intentions agressives éthiopiennes » (Leroux, 1938).

Quand l'Érythrée était une colonie italienne - Erythree-voyage.fr

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