COREE DU SUD : LE PETIT GEANT

Par Michel LHOMME

Poursuivons notre petit tour asiatique en complétant les deux articles de Yves Montenay : https://metainfos.com/2021/06/03/coree-du-sud-succes-economique-naufrage-demographique/ et special-corée-2-2-la-corée-sur-place

Carte Corée du Sud | Korea, South korea, Learn korean

Considérée comme « le miracle économique de l’Asie de l’Est », la Corée du Sud est devenue le pays le plus innovant de la planète, malgré qu’elle soit entourée de deux puissances économiques, comme la Chine et le Japon, et menacée par les missiles nucléaires coréens du Nord.

En règle générale, les Sud-Coréens n’ont pas tendance à faire preuve d’optimisme quant aux progrès de leur pays. Ils sont toujours préoccupés par l’évolution de leur économie et craignent qu’elle ne s’aggrave. C’est un sentiment assez répandu au sein de la population, quel’on retrouve après l’épidémie du Covid-19. Pourtant, la Corée du Sud est l’un des pays qui se sort le mieux de la pandémie mondiale.

Suite au coronavirus, la contraction de l’économie sud-coréenne s’est limitée à 1% du PIB. Un résultat qui a renforcé la politique sanitaire intelligente de son président, Moon Jae-inqui qui pour contenir l’épidémie s’est refusé à tout fermer afin d’éviter justement l’effondrement de l’économie ou l’endettement massif.

Le succès coréen ne se limite toutefois pas au seul domaine de la santé. La Corée du Sud est un pays leader en technologie, un pays parmi les plus  innovants au monde, ayant même réussi à détrôner l’Allemagne, selon Bloomberg (voir le graphique ci-dessus). Et tout cela malgré le fait d’être entouré de deux colosses, deux puissances économiques: la Chine et le Japon tout en restant constamment sous la menace des missiles nucléaires de la Corée du Nord.

Faut-il revoir les cours ultra-libéraux de nos grandes écoles ?

Ne faut-il pas donner dès maintenant des retraites anticipées aux professeurs souvent issus des années Thatcher et Sarkozy c’est-à-dire des Club de l’Horloge libéraux et autres officines atlantistes ? En effet, la position de leader de la Corée du Sud, ce pays la doit en réalité à une économie dirigée, rigoureusement planifiée, à coopération étroite entre l’ Etat et les grands groupes industriels privés qui feraient frémir ici nos patrons prédateurs. Cette collaboration étroite s’est traduite par le développement de technologies de pointe, le dépôt de brevets et d’énormes investissements dans la recherche, le développement et l’innovation. Ces efforts ont conduit la Corée du Sud à devenir la 11e économie mondiale et la quatrième puissance régionale, derrière la Chine, le Japon et l’Inde, avec un revenu par habitant qui est passé de 103 dollars en 1962 à 31 500 dollars aujourd’hui.

Cependant, ce « miracle de la rivière Han », comme les économistes locaux l’appellent n’est pas seulement dû aux investissements persistants de plusieurs millions de dollars réalisés au fil des années. Ils l’attribuent aussi à la volonté d’amélioration de la société sud-coréenne et à sa rigidité éducative. Les clés du succès coréens doivent aussi être recherchées dans l’éducation, sa capacité d’organisation et le respect hiérarchique de sa société à l’opposé du fiasco éducatif français des pédagogies différenciés des « compétences ». Les écoliers coréens peuvent suivre des cours de renforcement jusqu’à dix heures du soir dans la discipline la plus stricte.

En Corée du Sud, le salaire moyen fera rêver tout français puisqu’il est d’environ de 2 800 euros par mois.

Certes le problème de la collusion entre le privé et l’étatique, entre l’Etat et les grands groupes industriels connus sous le nom de « chaebol » existe avec la corruption inévitable qui résulte d’un tel modèle. Une telle relation suspecte a émergé de manière scandaleuse en 2016, lorsque la présidente du pays d’alors, la conservatrice Park Geun-hye, a été accusée de trafic d’influence. Le processus s’est soldé par sa destitution et sa condamnation à 25 ans de prison pour corruption et abus de pouvoir. Le processus a touché plusieurs des grandes familles du chaebol y compris directement le grand groupe international Samsung, dont l’héritier a été condamné à des peines de prison pour corruption.

Au milieu de cette tourmente politique et sociale, Moon, chef du Parti libéral démocrate, a remporté les élections présidentielles de mai 2017 sur la promesse de mettre fin à la corruption et de restaurer l’image du pays. Depuis, son combat s’est concentré sur la réduction de l’influence des chaebol, qui représentent pourtant 60 % de la capitalisation boursière, et celle de Samsung, groupe qui représente à lui seul 20 % du PIB national. En parallèle, Moon se bat également pour l’autonomisation des femmes dans les entreprises et pour réduire le chômage des jeunes, qui s’élève à 9 % (bien que certains économistes estiment qu’il dépasse en réalité les 20 %), contre une moyenne nationale de 4 %. À cela, s’ajoute un plan pour freiner le faible taux de natalité qui comprend des incitations pour les familles, après avoir révélé que 2020 était la première année dans l’histoire du pays où le nombre de morts dépassait celui des naissances, la Corée du Sud étant à son tour frappé par le « baby buster ».

Moon cependant n’a jamais été trop populaire et il a sans doute essayer de compenser cette perte de popularité par sa politique extérieure, domaine où il a engrangé des succès en imposant son plan de dénucléarisation de la péninsule coréenne. Il faut saluer à ce titre son rôle de médiateur dans le dialogue entre la Corée du Nord et les Etats-Unisqui avait été décisif dans la tenue des sommets entre les deux pays, Trump en tête.

Corée du Nord, Corée du Sud : un rapprochement historique ? - France Culture