special taiwan : LA GUERRE POUR TAIWAN ? NAVIRES americains DANS LE DETROIT DE TAIWAN 3/4

par Michel LHOMME

La guerre avec la Chine serait-elle plus proche qu’on ne le pense, surtout depuis ce vendredi 15 octobre où deux navires de guerre, le destroyer américain USS Dewey suivi de la frégate canadienne HMCS Winnipeg, ont pénétré dans des eaux territoriales chinoises en passant du sud au nord dans le détroit de Taïwan.

Cette action militaire a été vivement dénoncée par la Chine alors que Washington parle d’une « percée » (« breakthrough »). En effet, c’est la première fois de l’histoire qu’une action militaire coordonnée par deux pays alliés a été effectuée dans des eaux chinoises. De fait, on peut se demander comment réagiraient le Canada et les États-Unis si des navires de guerre chinois pénétraient dans le Golf du Saint-Laurent en passant par le détroit de Cabot entre Terre-Neuve et le Cap Breton?

Bien sûr toujours féru de bons sentiments humanistes, les militaires américains ont déclaré que leur objectif était de démontrer leur engagement pour « un Indo-pacifique libre et ouvert ».

Ce « néologisme » Indo-pacifique n’est pas aussi nouveau qu’on le pense. Il s’agit d’un concept géographique mis au point au début du 20e siècle par l’Allemand Karl Haushofer qui était devenu une stratégie géopolitique très prisée par les Nazis et les leurs alliés japonais avant et durant la Seconde guerre mondiale. Il s’agissait à l’époque de sortir les Britanniques, Américains et Français de cette région d’Asie. Le sénile Joe Biden avec les néo-conservateurs qui en réalité l’entourent le reprend à son compte avec pour objectif déclaré d’empêcher la Chine de dépasser les États-Unis comme puissance économique. Comment ? Par des moyens militaires.

L’armée chinoise a en tout cas condamné le dimanche 17 octobre les États-Unis et le Canada estimant à juste titre que ces initiatives représentaient « une menace pour la paix et la stabilité dans la région ». Tous s’accordent (voir l’article de Yves Montenay ici-même ou celui de Bonnie Glasser du Center for Strategic Studies : https://www.gmfus.org/find-experts/bonnie-s-glaser) que si Taïwan est attaquée, nous allons vers un conflit majeur entre les Etats-Unis et la Chine, qu’il sera difficile de contenir avec à la fois un risque d’escalade nucléaire ou un risque de mondialisation du conflit.

Diplomatiquement, toutes les grandes puissances dont la France ont admis le postulat chinois « d’une seule Chine » qui se concrétise par l’absence d’un ambassadeur de France à Taipé où la France n’est représentée que par un bureau français (BFT) ; de même les Etats-Unis ne le sont que par l’« American Institute ». Malgré les déclarations martiales récentes de Joe Biden et ses démonstrations de force dans le détroit, il convient de souligner qu’aucun traité de défense mutuelle ne lie les Etats-Unis à Taïwan (contrairement par exemple au Japon où des forces américaines sont présentes sur le territoire ou la Corée du Sud qui le prévoit, la guerre de Corée n’étant en plus pas juridiquement terminé). Il n’y a pas de stationnement de forces américaines sur l’île même si l’on sait bien que des forces spéciales américaines participent à l’entrainement des forces terrestres taiwanaises. Aucun traité n’oblige donc les Etats-Unis à secourir Taïwan en cas d’agression chinoise. De plus, le discours de Biden n’a pas valeur d’engagement pour les Etats-Unis puisque c’est le congrès qui est le seul habilité à déclarer la guerre même si depuis 1973, en vertu du « War Power Act », le Président a le droit d’engager les forces armées pendant un délai de 60 jours sans son autorisation préalable.

Stratégiquement, si la Chine entreprenait de vouloir reprendre Taïwan par la force est-ce que les conséquences sont de nature à rendre inéluctable l’engagement des Etats-Unis ? Evidemment cela serait inquiétant car cela signifierait au monde que la Chine ne recule plus à utiliser la force quand il s’agit de protéger ce qu’elle considère comme ses intérêts vitaux mais surtout cela inidiquerait une rupture radicale dans sa politique étrangère puisqu’elle romprait alors avec sa doctrine d’un néo-impérialisme pacifique et strictement économique, une globalisation en quelque sorte non hégémonique.

Nonobstant, l’entreprise est pour la Chine dopée par la non-affaire hong-kongaise allèchante car cela lui permetttait d’avoir le contrôle total de la mer de Chine orientale. Même si cette mer n’a pas la même valeur stratégique que la mer de Chine méridionale, une telle intervention lui permettrait en tout cas  d’asseoir sa puissance thalassocratique sur lequel elle semble vouloir désormais asseoir toute sa puissance dans une logique géopolitique parfaitement cohérente de contrôle du monde capitaliste.

De plus, une des  valeurs stratégiques de Taïwan pour la Chine (comme pour les Etats-Unis d’ailleurs) est celle liée à l’industrie des semi-conducteurs puisque Taiwan en est le premier producteur mondial, par l’avance technologique de TSMC, l’acteur central des semi-conducteurs.

Alors n’est-ce pas suffisamment vital – comme hier l’était pour la Seconde guerre mondiale le pétrole – pour déclencher une guerre ?

Enfin, militairement, certains se demandent ( en en doutant toujours) si la Chine a réellement les moyens de s’emparer de Taiwan ? Pour faire franchir à leurs forces les 160 km du détroit de Taiwan les Chinois auraient en effet besoin de disposer d’une supériorité aérienne totale de deux ou trois jours. Cette supériorité aérienne est facilement réalisable si les avions américains basés au Japon et à Okinawa (460km) et à Guam (2700km) n’interviennent pas. En effet, Taïwan dont le budget annuel de défense est de l’ordre de 10 milliards d’euros ne possède pas de forces capables de s’opposer à une invasion chinoise. Ses forces terrestres sont composées d’appelés peu motivés qui font quatre mois de service militaire depuis 1994 et elles disposent d’armement qui pour la plupart sont anciens. Ses forces aériennes ne sont pas équipées d’avions de la cinquième génération comme le F35 Lightning américain.

Les experts de la Rand corporation estiment que par des frappes combinées de missiles et d’avions venant du continent, la capacité de résistance des forces taiwanaises serait anéantie en quelques heures. Ces experts pensent aussi que les Chinois frapperaient sans doute alors simultanément les bases américaines d’Okinawa et de Guam. Ce scénario d’une montée immédiate aux extrêmes est logique sur un plan de la tactique strictement militaire mais constituerait une grave erreur stratégique.

Les dirigeants chinois peuvent penser à juste titre que les Américains qui ne sont liés par aucun traité et qui n’ont officiellement déployé aucune force à Taiwan, n’interviendront pas.

Sauf qu’ils peuvent très bien rejouer en prévention un tout autre scénario, le scénario de Pearl Harbor, de « fausse » attaque japonaise, les attaques terroristes sous fausse bannière c’est-à-dire celui d’une opération drapeau dont ils sont plus que coutumiers pour déclencher les guerres, (l’Us-Maine contre les Espagnols, Pearl Harbor, les avions du 11 septembre contre l’Afghanistan ou les fausses fioles chimiques du défunt Colin Powell).

TWE Remembers: The Sinking of the USS Maine | Council on Foreign Relations
US MAINE 1889

Une telle opération que semble réclamer l’Etat profond américain entraînerait alors obligatoirement la Chine dans la guerre (la fierté et l’humiliation comptent aussi dans les décisions militaires) et certains experts chinois pensent qu’il y aurait alors une étape intermédiaire qui concernerait les îles appartenant à Taïwan comme Kinmen, Liechuy (Little Kinmen), Tatan et Ertan, îles contrôlées par Taipei qui ont une superficie totale de seulement 150,46 km².

Crise entre les deux Chine – Pékin met le cap sur Taïwan | Tribune de Genève

Enfin, il y a les capacités de riposte économique de la  Chine sur les marchés financiers puisqu’elle est maintenant détentrice d’une grande partie de la dette américaine et même aujourd’hui française. Reste donc à savoir si les Etats-Unis n’estiment pas aujourd’hui qu’il faille frapper et stopper la Chine dès maintenant car demain il serait trop tard !

Cela semble le cas après leur repositionnement rapide suite non pas à leur défaite, trop souvent applaudie mais à leur retrait stratégiquement concerté d’Afghanistan comme du terrain proche-oriental ?

En tout cas, la situation dans le détroit de Taïwan est de plus en plus préoccupante et il est vrai que  depuis le début de l’année 2021, « gonflé » par l’absence stupéfiante de réaction occidentale après la prise en main de Hong-Kong et la violation du traité anglo-chinois, les opérations chinoises dans le détroit de Taïwan et tout autour de l’île sont pratiquement quotidiennes mais tout comme les violations américano-canadiennes de l’espace aérien.

Vente d'armes à Taïwan : Pékin dénonce la décision de Trump | Les Echos

Le vice-ministre taïwanais de la Défense Chang Che-ping, en s’adressant à ses soldats cet été n’avait pas pesé ses mots en annonçant qu’un conflit imminent était hautement probable et il leur avait expressément demandé de faire preuve de la plus grande prudence et de redoubler de vigilance afin d’éviter toute erreur tactique ou de manœuvre lors de leur sortie face aux provocations chinoises.

De son côté, la Chine a annoncé la mise en service de nouveaux sous-marins nucléaires chinois de type 094A dotés de missiles balistiques capables d’atteindre l’ensemble des États-Unis à une distance de 10 000 kilomètres. il s’agit du « sous-marin le plus puissant de Chine » selon l’agence russe  Sputnik, doté des systèmes « hydrocinétiques et turbulents », lui permettant de transporter de nouveaux missiles balistiques avec plus de puissance » avait rapporté pour sa part le South China Morning Post, (dimanche 2 mai). Selon tous les experts militaires, les capacités militaires chinoises sont sans doute en fait largement sous-estimées et pourraient donner à la Chine la possibilité de riposter immédiatement même à une attaque nucléaire.

Type 094 — Wikipédia
Sous marin chinois 094 A

En tout cas, dans la perspective probable d’une mondialisation totale du conflit, Pékins se prépare tous les jours et envisage de construire une importante base navale en Afrique de l’Ouest, une base capable d’accueillir des sous-marins ou des porte-avions au large de la côte ouest de l’Afrique.

La Chine est désormais très présente dans divers pays africains, de la Mauritanie au sud de la Namibie, effectivement dans la réelle intention  d’établir ses propres installations navales. Or, si cette perspective se concrétisait, la Chine serait alors en mesure d’étendre la portée de ses navires de guerre à la fois dans l’Atlantique ainsi que dans le Pacifique. La Chine en achetantpar ailleurs toute une série de ports commerciaux des pays européens endettés(le Pirée en Grèce, Marseille), et en réalisant ainsi tout un chapelet côtier jusqu’à Hambourg est en train d’établir des comptoirs où elle pourrait réarmer et réparer ses navires de guerre en vue de les utiliser militairement en temps de conflit. Là-dessus, les Chinois ont réellement pris de l’avance sur les États-Unis dans un certain nombre de pays sélectionnés en Afrique comme si les dirigeants chinois étaient en sorte déjà convaincus d’une mondialisation imminente du conflit.   

Les Chinois testent partout et à grande échelle leurs capacités mondiales, misant tout à la fois sur l’Amérique latine et gros sur l’Afrique qui de fait ne sera pas exclu du champ de bataille d’une prochaine troisième guerre mondiale, qui nous semble, oui, de plus en plus imminente après la parenthèse pandémique qui n’a fait que la retarder sans réellement provoquer le grand reset tant attendu.

Source (en partie) : https://geopragma.fr/la-question-taiwanaise-peut-elle-declencher-la-troisieme-guerre-mondiale/