par Jordi Garriga
« Ce n’est pas l’homme, mais, au contraire, l’abondance, le surplus d’énergie, qui provoque la guerre » José Ortega y Gasset.
La récente éruption d’un volcan sur l’île de La Palma, après des milliers de mouvements sismiques, montre encore plus le signe des temps. Un signe qui se manifeste par une énorme explosion d’hostilités à droite et à gauche.
Cela fait 50 ans qu’un volcan est apparu aux îles Canaries, à part celui qui est né sous les eaux d’El Hierro, et c’est quelque chose qui ne devrait pas nous surprendre quand dans une autre des îles ils font rôtir des poulets sur un gril sur le dessus de magma…
Et puis vous obtenez partout, dans ce non-lieu appelé cyberespace, divers essaims allant de ceux qui nient directement l’existence dudit volcan, ceux qui disent qu’il a été causé, ceux qui invoquent le changement climatique comme conséquence de celui-ci, ceux qui se soucient du logement des victimes, de ceux qui se demandent comment éteindre un volcan… Et dans un monde si interconnecté, où nous emportons tous, toujours avec nous une caméra photo et vidéo, nous profitons d’images en temps réel et en accumulant les anecdotes autour de l’éruption.
Quelque chose d’aussi banal qu’une activité volcanique sur des îles d’origine volcanique, où une telle activité est manifeste et quotidienne, au-delà du caractère spectaculaire d’une éruption, est utilisée pour revendiquer, attaquer ou défendre des positions politiques, idéologiques ou autres. La question peut être saugrenue mais ne sommes-nous pas en train de devenir fous ?
Si le monde est un théâtre, nous en sommes certainement arrivés au stade d’une immense farce. La grande illusion qu’on se faisait sur l’éducation, la diffusion du savoir, le dernier remède contre l’obscurantisme ou l’outil ultime pour faire de nous des êtres humains rationnels, s’est révélée comme ce qu’elle était vraiment : une illusion.
L’être humain, comme tous les animaux, ne serait-il pas malléable et apprivoisable ? Il y a beaucoup d’espèces qui l’ont été, mais pas en si peu de temps et par un acteur extérieur, qui n’est autre que nous-même. Je doute que notre espèce soit apprivoisable aussi par elle-même. L’étendue et l’utilisation de la technologie ne nous ont pas du tout changés. Les technologies nous ont simplement ÉLARGI et cela avec toutes les conséquences.
Au niveau individuel et collectif, l’objectif est de survivre, et lorsqu’un niveau de sécurité vital est atteint, l’étape suivante est la maîtrise. Et si un volcan explose ou qu’un navire coule, s’il y a des messieurs qui portent des jupes ou des vaches qui pètent, la réalité c’est le fait : un nouveau champ de bataille s’est ouvert.
Car sans lutte ni sentiment de danger, il semble que nous ne puissions pas vivre, aussi irrationnel que cela puisse paraître.
En complément de la rédaction :
Un petit rappel des faits tout de même pour le lecteur français : un regain d’activité du volcan Cumbre Vieja a entraîné l’évacuation de 500 personnes supplémentaires dans la nuit de lundi à mardi, portant le total à 6.000 déplacés sur l’île espagnole de La Palma, où des coulées de lave sont attendues sur la côte. Selon les scientifiques, la rencontre de la lave avec l’océan dans cette île de l’archipel des Canaries pourrait entraîner le dégagement de gaz toxiques, amenant les autorités à instaurer une zone d’exclusion pour éviter tout danger. Au total, environ 6.000 personnes ont donc été évacuées depuis le début de l’éruption du volcan dimanche. Comme Israel Castro Hernandez, dont le domicile a été détruit : « C’est pratiquement toute ta vie qui part comme ça… Le volcan se réveille, il dit « Je sors par là » et il met pratiquement toute ta vie en l’air », se désole-t-il. A ses côtés, son épouse Yurena Torres Abreu ne réalise toujours pas : « On n’arrive pas à y croire. On se dit que notre maison est désormais sous ce volcan. Il n’y a rien à faire, c’est la nature », lâche-t-elle, désabusée. Si cette éruption n’a fait aucune victime – elle est la première depuis 1971 sur cette île peuplée de près de 85.000 habitants -, elle a provoqué d’énormes dégâts. Les images diffusées par les médias, les autorités et les riverains ont secoué l’Espagne et montré des coulées noires et oranges dévalant lentement les flancs du volcan et engloutissant arbres, routes et maisons sur leur passage. Le volcan a détruit au total 166 bâtiments et la lave recouvre 103 hectares, selon le système européen de mesures géospatiales Copernicus, qui a publié sur Twitter une image satellite de l’île montrant les zones touchées. La rencontre de la lave avec la mer est redoutée en raison de sa dangerosité potentielle car elle peut donner lieu à des explosions, des vagues d’eau bouillante et l’émanation de gaz toxiques, selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS). Le gouvernement régional des Canaries a donc demandé aux curieux de ne pas se rendre sur la zone et a décrété un « rayon d’exclusion de 2 milles marins » autour de l’endroit où est prévue l’arrivée des coulées. Le Cumbre Vieja crache des colonnes de fumées atteignant plusieurs centaines de mètres de haut et entre 8.000 et 10.500 tonnes de dioxyde de souffre par jour, selon l’Involcan. L’espace aérien n’a toutefois pas été fermé. Tous les vols prévus lundi à l’aéroport de La Palma sont bien arrivés ou partis et 48 autres sont programmés mardi, a annoncé mardi matin le gestionnaire espagnol d’aéroports Aena. Le Cumbre Vieja était sous haute surveillance depuis une semaine en raison d’une intense activité sismique et selon Involcan, l’éruption pourrait durer « plusieurs semaines voire quelques mois ». Comme le dit le bon sens d’un habitant : « On sait quand ça a commencé, mais on ne sait pas combien de temps ça va durer ». ML.