DES ERREURS GEOPOLITIQUES A LA MORT DES CIVILISATIONS EUROPEENES 2/3

par Bernard PLOUVIER

B – La lente décadence de Rome

Au 1er siècle avant J.-C., l’héritage hellénistique fut romanisé et leur double marque disparut aux VIIe–VIIIe siècles, quand la déferlante islamique détruisit tout sur son passage. Deux civilisations auront imposé leur impérialisme politique, urbanistique, économique et culturel à l’Orient des rivages méditerranéens, sans y laisser autre chose que de superbes ruines architecturales.

Ruines Romaines à Rome, Italie Banque D'Images Et Photos Libres De Droits.  Image 44901181.

Une association de peuples sans communauté de race est vouée à la stérilité sur le long terme. Telle est la grande leçon à tirer des conquêtes d’Alexandre, puis de l’empire romain.

L’apogée des Ier et IIe siècles du Grand Empire fut bref, comme tous les apogées, et suivi d’une rapide dégringolade. Trop de bien-être amolli ; les fils de citoyens ne daignèrent plus servir dans l’armée, pour défendre les frontières de l’Empire et l’on dut enrôler des auxiliaires barbares, appartenant aux peuples qui, au-delà du Limes, attendaient l’occasion pour entrer en force : non plus piller au cours de razzias, mais se tailler des royaumes aux dépens de Rome.  

L’apogée avait été prodigieux : urbanisme sublime (cf. infra), établissement d’un cadastre dans les provinces occidentales avec estimation prévisionnelle des récoltes et vendanges, commerce international avec la Scandinavie et la Germanie, mais aussi avec la Mésopotamie, l’Inde et Ceylan et, par eux, des relations épisodiques avec la Chine, sa porcelaine et ses soieries : dès la fin du Ier siècle, on connaissait la Mousson qui réglait les échanges océaniques dans les deux sens.  

Apogée de l'Empire romain - Antiquité, Rome - Histoire

Ce fut le fils de Septime Sévère (un petit juriste gringalet, d’origine berbère) et d’une Syrienne, l’Imperator Caracalla, un demi-fou assassin de son frère et de bien d’autres, qui en 212 sapa définitivement les fondations de l’Empire en attribuant le titre de citoyen romain à tous les hommes libres. La raison de cet édit célèbre était fiscale (et nullement « humanitaire » comme le brament les auteurs qui font de l’Empire une « première mondialisation ») : il s’est agi d’améliorer, au moins dans l’immédiat, les finances impériales grâce au prélèvement de 10 % de la valeur de l’héritage laissé à sa mort par tout civis romanus.

Caracalla imita son père en lançant de la fausse monnaie : Septime Sévère avait diminué de 50% la teneur en or de l’aureus et en argent du denier. Sous son fou débauché de fils, les pièces contiennent 98,5% de plomb ou de cuivre !

CARACALLA

Caracalla, fourbe, meurtrier, incapable est exécuté en 217 par le préfet du prétoire, un Maure dénommé Macrin, qui se fait acclamer Imperator par les prétoriens grassement rémunérés. Un an plus tard, un cousin de Caracalla, le Syrien Héliogabale le fait assassiner et prend sa place : cet adolescent dément et inverti, parfait exemple de cosmopolite luxurieux et dégénéré, prêche un culte mixte, judéo-syrien, celui de Yawhé et d’El.

Lawrence Alma-Tadema, Les roses d’Héliogabale, 1888, 132x214cm, Collection privée, Mexico
HELIOGABALE

Hélas, aucun des successeurs de Caracalla ne revint sur son édit qui procurait des privilèges et un titre prestigieux à des populations exotiques, qui ne firent rien pour s’en montrer dignes. Au IIIe siècle, Rome sembla prise d’une folie multiculturelle et multiraciale. Entre 192 et 284, se succédèrent 70 Imperatores, dont 25 usurpateurs, généralement assassins de leur prédécesseur : la décadence du Bas-empire.

L’empire fut attaqué de partout du IIIe au Ve siècles. À l’Ouest, dès le IIIe siècle, Francs et Alamans attaquent les Gaules, ravagées au siècle suivant par des bandes de pillards (les bagaudes, formées de déclassés) ; au Ve siècle, l’assaut final est donné par les Francs, les Burgondes, les Wisigoths, puis les Huns.

Batailles historiques : pourquoi les Barbares ont-ils gagné contre les  Romains, mettant fin à leur empire ?
Représentation du déclin de l’empire au moment du sac de Rome (455), Thomas Cole, 1836, New York Historical Society

Au IIIe siècle, toutes les grandes villes en Italie, Gaules, Ibérie et Rhénanie, s’entourent de remparts, à l’imitation de Rome, fortifiée dès 270 sur l’ordre d’Aurélien, excellent Imperator, né en Illyrie : l’Urbs redevient un castrum (un camp militaire), ce qui n’était plus le cas depuis la fin des guerres puniques au 3e siècle avant notre ère. De 259 à 274, un « empire gaulois » fait même sécession. Dès que les invasions auront créé l’insécurité des communications à l’intérieur de l’Empire, chaque villa deviendra un village quasi-autonome.  

Sur les frontières du Danube, Goths, Alains et Sarmates effectuent des raids en Dacie, en Illyrie, en Norique (l’actuelle Carinthie autrichienne) et en Savie (l’actuelle Slovénie). Sur la frontière entre Syrie et Perse, les Sassanides ont pris le relais des Parthes et ridiculisent régulièrement les troupes impériales. Mais les Numides sont facilement écrasés en Maurétanie. Aurélien, excellent général, écrase les troupes de la reine de Palmyre, Zénobie, mais il respecte les œuvres architecturales qu’elle a édifiées : un Romain est un civilisateur, pas un barbare, comme le veulent les scénaristes des nanards judéo-hollywoodiens !

À la fin du IIIe siècle, Dioclétien est contraint de diviser l’empire en deux zones pour mieux l’administrer – la limite passant entre les actuelles Herzégovine et Monténégro. Il s’oppose aux chrétiens, ces utopistes qui défendent la « valeur de la vie humaine » et refusent le service armé.    

Au début du IVe siècle Constantin Ier, soldat fruste, s’avère efficace dans la défense de l’empire, mais il introduit le christianisme, religion de mollesse et de complaisance envers tous, canailles et envahisseurs inclus, jusqu’à ce que, bien trop tard, à la fin du IVe siècle, Ambroise le Milanais reconnaisse que pratiquer la charité et l’amour avec des envahisseurs barbares est stricto sensu une imbécillité… dommage que le pape François Ier (et peut-être dernier) ne connaisse pas les écrits du prélat milanais !

Au milieu de ce IVe siècle, un grand soldat et grand lettré a tenté de combattre le christianisme pour ramener les Romains d’Italie et des Gaules à une saine conception de la vie terrestre : on ne bénit pas les envahisseurs, on les combat ! Ce Julien dit l’Apostat mourut trop vite pour inverser la décadence, du moins mourut-il en combattant.

La leçon fut retenue à Byzance et le clergé fut asservi au Basileus : bien avant Jeanne d’Arc, les patriarches de Constantinople inventèrent un christianisme patriotique. Et l’Empire « Romain » d’Orient survécut (difficilement), jusqu’en 1453, succombant sous la barbarie turco-mahométane.          

En ces IIIe et IVe siècles, marqués par la déchéance politique et militaire, les grandes villes occidentales de l’empire avaient atteint un apogée dans l’urbanisme et l’hygiène, avant la débandade du siècle suivant. On généralisait dans toutes les grandes villes ce qui avait été réalisé dès le Ier siècle en Italie : trottoirs et passages protégeant les piétons des chars et des voitures de livraison (qui, depuis un édit de Jules César, ne pouvaient circuler à Rome que de nuit), égouts, adduction d’eau captée dans des zones non polluées par les déjections urbaines, chasse d’eau permanente dans les latrines, théâtre, amphithéâtre, thermes et bibliothèque publique, en plus de nombreux bâtiments administratifs (dont le tribunal  : la basilique) et de nombreux temples. Il faudra attendre le XIXe siècle pour retrouver des conditions d’urbanisme et d’hygiène identiques dans les grandes villes d’Europe occidentale.

Qui saura reconnaître cette ville antique de l'époque romaine ?
VILLE ROMAINE

Du IIIe siècle au milieu du Ve, l’on assista à une hausse continue des prix due à de mauvaises conditions climatiques : une période de refroidissement diminuait les rendements agricoles. Le brigandage rendait dangereux le voyage des marchandises : chaque province commença ce repli sur elle-même qui fut la conséquence durable des grandes invasions, jusqu’à la Renaissance carolingienne et le rétablissement transitoire de la sécurité.

VILLA GALLO-ROMAINE

On fixa un prix plafond pour les denrées de première nécessité, par l’édit du maximum de 301, ce qui fit fleurir le marché parallèle, que l’on nommera « marché noir » en d’autres époques : la mesure sera souvent reprise lors des périodes de malheurs publics et toujours avec la même inefficacité. On retrouve les mêmes jérémiades chez les auteurs latins du Bas-Empire que chez les contemporains français des années 1793-96 ou des deux guerres… et déjà, les auteurs du Bas-Empire romain accusaient des « Levantins » et autres « Syriens » de diriger ce marché parallèle : vile calomnie assurément !

On augmenta les impôts, parce que l’Empire était riche (ce que nos bons universitaires n’écrivent pas toujours, se contentant de lamenter la pression fiscale comme de vulgaires candidats à une élection de la Ve République française) et que la défense des frontières et la répression du banditisme coûtaient très cher.

Finalement, l’Empire d’Occident croula pour diverses raisons : les citoyens d’origine européenne étaient devenus mous, peureux et les « vertus chrétiennes », notamment l’interdiction de tuer, n’arrangeaient pas les choses. On avait introduit dans l’empire, en leur allouant le titre de citoyen romain et les privilèges y afférant, une multitude d’extra-Européens qui ne se mobilisèrent nullement pour défendre un Bien commun qui ne les concernait guère et l’on avait même introduit dans les légions une effarante quantité de volontaires étrangers, appartenant aux peuples qui lorgnaient des provinces impériales : ce que, bien plus tard, on nommerait une 5e Colonne.

Les analogies entre la décadence de l’Empire Romain d’Occident et notre lent processus de pourrissement occidental saute aux yeux, enfin aux yeux de certains !  

Regards d'historiens - De la chute de Rome au déclin de l'Occident -  Herodote.net