QUAND LES LIBERAUX DETESTENT LA LIBERTE

Par Rémi TREMBLAY

Nous saluons par ce premier texte pertinent l’arrivée à métainfos d’un nouveau correspondant étranger pour le Canada. Rémi Tremblay est sans doute bien connu de nos lecteurs pour être le rédacteur en chef de l’excellente revue des québécois de souche Harfang (https://quebecoisdesouche.info/le-harfang/). ML.

La première mention du terme libéralisme en français fut le fait de Maine de Biran, dans son journal publié en 1819. Le mot se référait alors à une « doctrine favorable au développement des libertés, » dans l’esprit de John Locke, puis des « penseurs des Lumières ». Le terme « libéraliser » a conservé cette connotation; on parle ainsi de « libéralisation des mœurs », dans le sens où la morale et la loi ne contraignent plus les individus. Toutefois, le terme libéral appliqué en politique, particulièrement au Canada, n’a plus aucun lien avec cette recherche de liberté.

Si le Parti libéral du Canada de Justin Trudeau a certes légalisé la marihuana et envisage de déjudiciariser les drogues dures, s’il a permis l’euthanasie, il reste foncièrement opposé à la liberté première, celle que les pères fondateurs des États-Unis considéraient comme essentielles au bon exercice de la démocratie : la liberté d’expression.

Depuis son arrivée au pouvoir le 4 novembre 2015, le premier ministre canadien, bien qu’il cultive une image extérieure d’homme ouvert et capable de débattre, a multiplié les entorses à la liberté d’expression, sans laquelle aucun exercice démocratique ne peut s’effectuer. Comment débattre, proposer des alternatives, quand le débat est verrouillé?

Fin mars, alors que tous s’inquiètent de la censure des GAFAM depuis la liquidation du compte de l’ex-président américain alors qu’il était encore à la Maison blanche, le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, un ancien activiste de Greenpeace, annonçait joyeusement aux médias que de nouvelles restrictions sur la liberté d’expression sur Internet serait imposées dès le printemps. La censure des GAFAM, c’est bien, mais pas assez.

Le Canada possède des lois « contre la haine ». Imposées dans les années 60 en réaction à un parti nazi aussi marginal que folklorique, ces lois interdisent à quiconque de fomenter la « haine » contre un groupe ethnique ou religieux. Loi relativement vague, elle permet de poursuivre quiconque franchit une certaine ligne qui n’est pas définie précisément. Mais pour Trudeau et les Libéraux, elle ne va pas assez loin, d’où l’ajout d’une nouvelle législation qui pourrait être plus contraignante que la Loi Avia d’Emmanuel Macron.

Pour les Libéraux, ce n’est pas un changement de cap. Trudeau ne croit pas à la liberté d’expression et au droit d’émettre des opinions divergentes. Il a multiplié les atteintes à la liberté d’expression et même d’opinion, obligeant notamment les récipiendaires de certaines subventions à signer une Charte pro-choix en matière d’avortement. Assujettir une mesure économique à un point de vue moral était quelque chose de jamais vu au Canada. Il a aussi ajouté des organisations comme les Proud Boys à la liste des entités terroristes, bien que ces derniers ne soient en réalité coupables que de divergence.

Outre l’arsenal judiciaire que Trudeau met au service de son idéal de pays « post-national », il a également employé allègrement les techniques de diabolisation pour faire taire toute critique. Sachant que des termes sidérants comme « suprématiste blanc » permettent de faire taire tout débat, donc de brimer la liberté d’expression réelle, il a employé l’expression de façon libérale, l’appliquant même à son opposant conservateur Andrew Scheer qui visiblement n’avait rien d’un klaniste ou d’un raciste. Qu’importe, en utilisant une telle insulte et en se servant de son statut de premier ministre, il parvient à étouffer ses opposants. Il devra d’ailleurs répondre en cour de ses outrages verbaux après avoir insulté une citoyenne qui posait des questions embarrassantes sur l’immigration illégale. À ses yeux, cette dame, n’avait rien à faire ici dans ce pays nouveau qu’il bâtit. Plutôt que de se taire, Diane Blaine décida de poursuivre. Il reste à savoir si l’appareil judiciaire donnera raison à la citoyenne brimée publiquement par le premier ministre.

Le contraste est grand entre le premier ministre canadien, apôtre du wokisme, et les premiers ministres des provinces, notamment Jason Kenney de l’Alberta, Doug Ford de l’Ontario et François Legault du Québec, qui en ce moment même tentent de trouver des solutions pour permettre la liberté d’expression dans le monde académique. À Ottawa, on clame qu’il y a trop de liberté, alors qu’au niveau provincial, on s’inquiète justement du manque de liberté notamment dans le monde universitaire, où quiconque déroge un tant soit peu des règles non-écrites imposées par l’intelligentsia woke se voit limogé sur le champ. Nous assistons à un paradoxe : pendant que les Libéraux font des pieds et des mains pour réduire le domaine du discours « acceptable » et légal, les conservateurs provinciaux tentent de tout mettre en œuvre pour libéraliser le débat public et permettre l’expression d’idées contradictoires. La situation canadienne démontre donc une chose : le glissement de l’axe politique vers la gauche fait en sorte qu’aujourd’hui les conservateurs sont libéraux et que ceux qui continuent d’employer le terme libéral pour vendre leur programme sont beaucoup plus près des apôtres du totalitarisme stalinien, version soft et moderne, que de John Locke et de ses adeptes.