L’ALLIANCE A DROITE COMME SOLUTION POLITIQUE

Par Franck BULEUX

Les « politistes » ont coutume d’affirmer que le Rassemblement national (RN) est un parti de premier tour, pratiquant un « effet bœuf » avant de s’effondrer au second tour. En se limitant à la comparaison des taux des suffrages exprimés, on se souviendra, comme exemple emblématique des 17 % de Jean-Marie Le Pen au premier tour de 2002 qui se transformeront en un modeste 18 % au second. Bien évidemment, cette faible augmentation d’un point ne prend pas en compte les mouvements d’électeurs, dont beaucoup sont passés de Le Pen à Chirac entre les deux tours et d’autres, au moins autant, sont passés d’un autre candidat à Le Pen. Mais c’est un autre débat.

Depuis, Marine Le Pen a affronté le second tour de la « mère des batailles » et a réussi à faire progresser son score, de 21 % à 34 % en deux semaines, mobilisant notamment, mais pas seulement, les électeurs de Nicolas Dupont-Aignan (près de 5 % des suffrages exprimés). Ce soutien de Debout la France (DLF) a eu son importance car il a aidé au désenclavement politique, à droite, du FN, devenu depuis RN.

Ce désenclavement n’est pas nouveau. Dès les législatives de 1986, le Centre national des indépendants et paysans (CNIP) s’était divisé (mais sans se scinder) entre le soutien aux listes Rassemblement national-Front national (RN-FN) de Jean-Marie Le Pen et celui aux listes de la droite chiraquo-barriste de l’époque. Aussi, des élus CNIP dont le plus emblématique député de Paris (élu depuis les années Trente), Édouard Frédéric-Dupont, figurait en deuxième position sur la liste Le Pen à Paris. Il ne fut pas le seul élu CNIP sur les listes du Front, il y eut aussi Yvon Briant, dans le Val d’Oise et Guy Le Jaouen, dans la Loire. Sur les 35 élus estampillés FN, trois étaient adhérents au CNIP.

Cette alliance entre le RN et un parti de droite conservatrice est un élément fondamental pour montrer aux électeurs le simple fait qu’il peut y avoir une gouvernance ouverte sur une droite de conviction. D’ailleurs, on l’oublie mais le second tour des élections législatives de juin 2017 a prouvé, dans la foulée de la présidentielle, que les candidats soutenus ou issus du RN pouvaient dépasser le fameux « plafond de verre » des 50 % alors que leur score du premier tour restait éloigné du « 50 % + 1 voix ».

Jugez-en vous-mêmes : à Denain, dans le Nord, Sébastien Chenu est passé de 33 % à 55 % ; à Bruay-la-Buissière, dans le Pas-de-Calais, le futur benjamin de l’Assemblée, Ludovic Pajot, a doublé son score en 7 jours, passant de 26 % à 52 % (!) ; à Perpignan, Louis Aliot avait préparé sa victoire municipale passant déjà de 31 % à 51 % ; à Béziers, Emmanuelle Ménard a bondi de 36 % à 53 % tandis que dans la circonscription de Lens, dans le Pas-de-Calais, José Évrard a su passer de 27 % à 53 %. Toujours dans le Pas-de-Calais, dans la circonscription de Liévin, Bruno Bilde est passé de 33 % à 53 % et, enfin, Marine Le Pen passa de 46 % à 59 % dans la circonscription d’Hénin-Beaumont et Gilbert Collard, dans le Gard, passa de 32 % à un peu plus de 50 %.

D’autres candidats battus firent passer leur score du premier tour à une quasi-élection, Valérie Laupies, depuis passée au CNIP, fit passer son score, en Arles, dans les Bouches-du-Rhône, de 28 % à 49 %, maquant un siège à l’Assemblée nationale de quelques centaines de voix.

Ces quelques exemples répandus sur le territoire, au nord comme au sud, montrent la fin du « plafond de verre » qui éloignait le parti de Le Pen d’une victoire potentielle. Certes, les voix engrangées par les candidats FN (devenus RN) ne proviennent pas toutes de la droite, mais les Français doivent sentir qu’il existe autour d’un leader, une nébuleuse de mouvements et de partis prêts à pratiquer une alliance politique, y compris au plus haut niveau.

Alors demain, le RN ne doit pas se retrouver sans alliés. La redynamisation ou la mise en place de structures comme « La Droite populaire » de l’ancien ministre des Transports, Thierry Mariani, ou le « Parti localiste » du député européen Hervé Juvin et de l’ancien élu régional « Insoumis » Andréa Kotarac est un pas vers cette institutionnalisation politique globale mais l’alliance politique doit aussi se développer avec des mouvements politiques existants comme DLF, la Voix du Peuple (VP) de Frédéric Poisson (l’ancien Parti chrétien-démocrate) ou le CNIP de Bruno North.

Aussi, la récente désignation d’une tête de liste CNIP dans l’Aisne, Philippe Torre, maire de Berlancourt depuis 2014, pour conduire la liste RN-CNIP aux élections régionales est une avancée politique, réelle symbole d’ouverture.

Cette désignation doit permettre une alliance plus large entre des mouvements dont la défense de l’identité et de la souveraineté française est essentielle, sans exclusive. C’est cette démarche, déjà identifiée par le passé, qui permettra aux mouvements nationaux de passer la barre des 50 % qui leur permettra de diriger le pays. La victoire est à ce prix. La fin des querelles de chapelles est un nécessaire préalable pour conquérir le maillage électoral français et les électeurs soumis à une politique éloignée de leurs préoccupations depuis – au moins – 2017.