D’UN EDITEUR SUEDOIS MECONNU

par Dionysos ANDRONIS et complément par Michel LHOMME

A propos de Finis / Fin (2009) performance filmée de Bo Cavefors

Ce chef d’œuvre de Bo Cavefors (1935-2018) vient s’ajouter à sa série de performances filmées. C’est lui-même l’auteur de cette performance corporelle qui a un titre français où les quatre actants vont finir dans une impasse anticipée de passions et d’extase.

Le film est divisé en trois parties numérotées. Les dessins de biches et faons sont sur les trois débuts. Mais pourtant les trois suites ne seront pas du tout innocentes. Les quatre actants ne vont pas finir leurs prestations mais ils seront « finis » eux-mêmes.

Le dessin d’André Masson avec le personnage d’Acéphale sert d’introduction. Il vient des années 30 et de la collaboration du peintre Masson avec le magazine « Acéphale », édité par Georges Bataille.

La première partie commence avec les quatre corps masculins nus en tableaux vivants. Un homme masqué est allongé par terre. Nous n’allons pas tarder à comprendre que c’est Cavefors lui-même. Un coeur charnel gît sur le sol entre Cavefors et un jeune homme nu resté lui assis sur une chaise. Les deux autres restent debout. La musique de Martin Bladh commence à souffler lentement. La caméra se met à observer les parties des quatre corps.

Une voix masculine se livre à une confession de phantasmes homosexuels en anglais. La voix est modifiée et les images sont sautillantes. Cavefors au milieu de la troisième partie du film commence à se caresser. Un homme-gardien nu vient de lui enlever le bonnet noir couvrant sa tête. Ce bonnet noir sera maintenant introduit à la tête de l’homme assis. Les ombres des performers et de leurs jeux érotiques sont projetés sur les murs. Cavefors fouette le jeune assis et se met à se masturber.

Sans point culminant, les actants seront « finis » et « achevés » dans une impasse d’extase. Ils seront consolés avec le dessin de Masson qui revient à la fin des 27 minutes du film. L’image en noir et blanc onirique, rétro et fanée du film nous fait penser à Ernst Rohm, le ministre homosexuel de Hitler qui était très ambitieux (puisqu’il visait à assassiner Hitler) et qui l’a payé de sa vie.

====================================================================

En complément :

Mais qui était donc Bo Cavefors (1935-2018) ?

Un auteur, un cinéaste certes mais d’abord un très grand éditeur suédois.

Sa maison d’édition fondée en 1959 à Lund, à seulement 23 ans publia pendant une période de vingt ans, plus de 620 titres dans plusieurs genres différents. C’est elle qui présenta en Suède la nouvelle littérature africaine (c’est par ce biais que d’ailleurs personnellement nous avons eu connaissance de son nom et de sa personnalité). C’est Cavefors qui lança le livre de poche en Suède avec entre autres la série BOC, pour la philosophie contemporaine et les problèmes de société. Il a également publié des livres sur l’art et l’on compte parmi ses auteurs les suédois ( non traduits en français) Mats B., Torsten Weimarck, Ragnar von Holten.

Cavefors est ce que l’on pourrait appelé un anti-conformiste type qui s’est toujours écarté des chemins obscurs de son époque, non seulement en termes de forme, d’esthétique, mais aussi en termes de contenu des idées. Dans son catalogue d’édition,on retrouvera ainsi pêle-même Ernst Jünger, Karl Marx, Lautréamont, Roland Barthes et Per Engdahl, entre autres. 

In the Eye of the Beholder" (film #3) By Lena Mattsson with Bo Cavefors -  YouTube

On jugera peut-être Cavefors particulièrement excessif et il ne connaissait sans doute pas les limites de ce qui pouvait être dit et imprimé. Il fut d’ailleurs attaqué entre autres pour l’édition complète des écrits du groupe terroriste de Baader-Ulrike Meinhoff auquel il rend hommage dans une vidéo (https://vimeo.com/156653034).

SAMTAL KRING UTGIVNINGEN AV DEN NYA RAF-BOKEN, RAF:STADSGERILLA, MED BO  CAVEFORS, PÄR THÖRN & OLA STÅHL - KRETS

 Le catalogue de l’éditeur régulier était souvent plus qu’un simple dossier publicitaire, plutôt un fanzine artistique, notamment grâce au dessin à l’encre noire de Carsten Regild qui est devenue une sorte de logo non officiel de l’éditeur.

Bo Cavefors förlag – A Boundless History of Culture

Dans les années 1990, il a fondé le magazine de guerre chrétien-conservateur Svarta Fanor. La plupart du matériel du magazine, ainsi que celui précédemment non publié, a été publié sous forme de livre au début des années 2000 dans la série de livres Svarta Fanor .

En 2004, la collection Cavefors a été inaugurée au Centre Culturel de Lund, collection complète des titres publiés par la maison d’édition Cavefors. De cette personnalité peu orthodoxe, beaucoup croyaient en Suède qu’il était situé à gauche alors qu’il était en fait un catholique ultra-conservateur et qu’il s’était lui-même défini comme « anarchiste conservateur », un peu mais attention toutes proportions gardées comme le grand colombien Nicolas Gomez Davila.

Deux films sur Bo Cavefors de Lena Mattsson

L’artiste Lena Mattsson a pendant de nombreuses années documenté et filmé de manière artistique Bo Cavefors. Maintenant, ses versions cinématographiques de deux de ces œuvres sont présentées, In the Viewer’s Eye (2014) et The Cultural Masturbator (2015). 

Le triptyque vidéo synchronisé In the viewer’s eye de Lena Mattsson a été présenté en 2014 au Moderna Museet Malmö et éclairent le mythe Bo Cavefors, pour la vie et la vie. Le film est sous-titré en anglais et dure 35:29 minutes. La musique est spécialement composée par Conny CA Malmqvist.

Dans le film The Cultural Masturbator, Lena Mattsson concentre la caméra sur des questions sur la censure, la censure est quelque chose à laquelle elle et Bo Cavefors ont été en permanence exposées. Elle met en avant de manière artistique et poétique, le droit de s’exprimer en mots et en images. Mattsson pense que c’est la tâche d’un artiste dans la société d’aujourd’hui, car les médias sociaux et les « facilement offensés » tentent de faire taire les gens. Le film est sous-titré en anglais et dure 34:20 minutes. La musique est composée par Conny CA Malmqvist et Andi Almqvist.

Photo: Bo Cavefors. Image fixe du masturbateur culturel de Lena Mattsson, 2015 

En 2004, la collection Cavefors a été inaugurée au Centre Culturel de Lund, collection complète des titres publiés par la maison d’édition Cavefors. De cette personnalité peu orthodoxe, beaucoup croyaient en Suède qu’il était situé à gauche alors qu’il était en fait un catholique ultra-conservateur et qu’il s’était lui-même défini comme « anarchiste conservateur », un peu mais attention toutes proportions gardées comme le grand colombien Nicolas Gomez Davila.