special economie : LE GOUVERNEMENT VEUT-IL VRAIMENT EVITER L’EFFONDREMENT ECONOMIQUE DU PAYS ?

Par Michel LHOMME

750 Md€ : c’est le montant global du plan de relance européen adopté par les dirigeants des pays de l’Union européenne le 21 juillet dernier. Ce plan a souvent été présenté comme une avancée majeure pour l’Union Européenne, la Commission pouvant désormais  emprunter pour l’Union sur les marchés financiers pour ensuite accorder des subventions ou des prêts aux pays qui en ont le plus besoin. Les pays les plus libéraux, menés par le Danemark, faute d’un droit de veto, ont facilement obtenu que l’attribution de ces aides soit conditionnée à la mise en œuvre des sempiternelles réformes structurelles libéralisant les systèmes de retraites (la retraite par points pour la France), de protection sociale et de soins (la suppression des lits qui continue dans les hôpitaux) ainsi que le droit du travail (la fin par exemple des commissions paritaires dans la fonction publique). Sous l’affichage de la solidarité, le contrôle sur les choix politiques nationaux par la Commission a en fait été renforcé d’où d’ailleurs, un délai de six mois donné aux gouvernements européens pour recevoir l’argent.

Résultat : en fait, le plan de relance de 750 Mds€, voté à grand peine le 27 juillet dernier, est en rade. Chaque pays a jusqu’à fin avril pour transmettre à Bruxelles son programme de relance, les premières subventions ne devant pas être débloquées avant… l’été 2021 ! Et la France traîne les pieds étant incapable de proposer la suppression de milliers de postes de fonctionnaires pourtant réclamés par la Commission. Du coup, la France sans aide européenne touchée pour l’instant réellement se demande  combien de salariés et d’entreprises vont se retrouver sur la touche d’ici-là ?

Le gouvernement se fixe alors un objectif ambitieux : retrouver en 2022 le niveau de production d’avant la crise. Sans s’en donner réellement les moyens d’autant que depuis des décennies, les équipes successives ont tout fait pour casser l’industrie française.

Dans les faits, l’activité s’est contractée pendant le confinement mais les revenus se sont maintenus  pour  71 %  des  ménages. Parmi les trente millions de ménages en France, 1,6 million (pour l’essentiel des  non-salariés,  des  contrats  courts et  des  intérimaires, les « jobs de merde »)  a  vu  ses  revenus chuter lourdement. Une épargne considérable  s’est  constituée  (autour  de 100 Md€). Cette épargne d’abord forcée par  l’impossibilité de consommer est en train de se transformer en épargne de précaution, notamment  par  crainte  du chômage et d’un vrai krach financier. Du côté des entreprises,  l’incertitude et la faiblesse des carnets de commandes s’ajoutent aux pertes de la période de confinement, de sorte qu’elles renoncent – et c’est inquiétant pour l’avenir –  à  leurs  investissements, annoncent régulièrement des plans de licenciements et pour certaines, se préparent à déposer leur bilan ou sont  déjà  en  faillite. 

Tout concourt donc malgré les dénigrements à une crise économique prolongée. La crainte d’une spirale déflationniste  est  majeure avec ses risques d’inflation. La  montée  du chômage réduit à nouveau la demande qui à son tour pousse les entreprises à revoir à  la  baisse  leur  activité  et  les emplois. Les choix politiques seront donc dans les mois qui viennent déterminants.

Or, on le voit, le gouvernement est contraint de prolonger certaines mesures du plan d’urgence pour maintenir les capacités de production et limiter l’explosion du chômage. Mais il lui faudrait aussi se substituer à une consommation et des investissements  privés  défaillants. Et là, se considérant en faillite et sans raisonnement économique de partage, les annonces sont claire et poursuivent la même voie que celui du plan de relance de 100 Md€ (soit 4 %du  PIB  sur  deux  ans) à savoir qu’il s’agit  de  poursuivre  et  renforcer  la politique dite de l’offre et de soutenir les  finances  des  entreprises, alimenter indirectement les banques  sans rien du côté de la demande. Alors qu’un plan de relance de l’activité consiste classiquement en dépenses budgétaires supplémentaires (investissements et développement des services publics), en coup de pouce sur les salaires, baisse de la tva (comme l’a fait l’Allemagne) pour soutenir à fond la consommation, le gouvernement programme surtout et encore une fois des aides  financières  aux  entreprises  par des baisses d’impôts sur la production (qui inquiètent d’ailleurs les collectivités locales qui  en  tirent  un  tiers  de  leurs  ressources) et par des primes à l’embauche à destination des jeunes  (4 000 euros pour  toute  embauche  d’un  salarié  de moins  de  25  ans,  primes  pour  l’embauche  de  jeunes  en alternance,  contrats d’insertion ou service civique  étendu) qui en réalité ne servent qu’aux patrons, à l’Etat pour embaucher à moindres frais, et à alimenter en particulier tout un système de fraudes aux aides, le patronat n’ayant depuis plus de dix ans jamais en réalité jouer le jeu du donnant-donnant sans qu’on ne trouve rien à lui redire.  Ces mesures vont donc encore plus creuser le  déficit  budgétaire mais ne constituent pas à proprement parler un plan de relance car rien n’assure  qu’elles  déboucheront  sur  des investissements et des emplois. Il s’agit en fait et surtout de rétablir une fois de plus la rentabilité du capital, de nourrir les vautours, les « saigneurs de la phynance ».

De dépenses supplémentaires véritables, on ne trouve, outre le plan ferroviaire dont on ne sait pas grand-chose, que les 6 milliards d’investissement du Ségur de la santé que la majorité des personnels des hôpitaux estime largement insuffisants, la suppression des lits et de certains services médicaux continuant de plus belle alors qu’on ne touche toujours pas aux administratifs pléthoriques de l’hôpital public.

De plus, la  sortie  de  crise  est  largement conditionnée par l’utilisation de l’épargne accumulée pendant le confinement par les ménages les plus aisés or rien dans les plans du gouvernement n’y incite. Pourtant, il suffirait, pour le moins, comme le propose un économiste de la très respectable  Toulouse  School  of  Economics, d’instaurer, même provisoirement, une taxe sur le patrimoine pour en prélever une partie et la redistribuer ou l’investir et éviter un effondrement  prolongé  de  l’activité.  Le gouvernement ne semble pas s’y résoudre, tout comme il n’envisage absolument pas de s’attaquer enfin de manière pérenne à l’inflation des fonctionnaires dans des postes inessentiels, à la dérive technocratique et managériale de la fonction publique, et à la nécessaire augmentation de salaires des postes essentiels (profs les plus mal payés d’Europe par exemple).