Par Michel LHOMME
Une nouvelle fois le ministère de l’Intérieur tente une opération de déminage pour renouer les fils d’un « Islam de France ». Peine perdue, les trois sensibilités – marocaine, algérienne et turque -, qui dominent sont difficilement conciliables. A la base de ce conflit, les propos de Macron exigeant un Islam à la française sur la base de « soit vous êtes avec la République, soit vous n’y êtes pas ». Ce qui a provoqué l’explosion d’une unité de façade. Il faut savoir qu’il y a 2 400 lieux de culte musulmans en France avec à leur tête 1 800 imams dont 20% seulement sont français et un tiers sont turcs !
Mais c’est bien l’exigence de laïcité, exigée par la signature d’une « charte de référence » qui a mis le feu aux poudres. Et révélé ce que l’on sait : l’islam n’est pas soluble dans la République et vu l’inassimilation structurelle des émigrés français ne le sera jamais.
Pourtant, au final les instances musulmanes du Conseil français du culte musulman (CFCM) ont fini par accoucher au forceps, le samedi 16 janvier d’un accord avec le ministère de l’Intérieur, Gérard Moussa Darmanin. Le président de la République a salué l’adoption par les fédérations composant le Conseil français du culte musulman (CFCM), de la « charte des principes pour l’Islam de France », y voyant un « engagement net, clair et précis en faveur de la République ». Sauf qu’il n’y a aucune unanimité, notamment de la part des Turcs.
89 lieux de culte seraient actuellement soupçonnés de séparatisme et dans le collimateur des autorités. A la demande de Moussa Darmanin, l’Etat accélèrerait la cadence de leur fichage et une dizaine d’associations risqueraient la dissolution.
Les députés LREM Aurore Bergé et Jean-Baptiste Moreau ont déposé des amendements au projet de loi confortant le respect des principes de la République» visant à interdire le port du voile par des mineurs. « Cela s’appliquerait aux kippas, à des croix très visibles, il n’y a pas de raison de faire de distinction », explique Moreau en toute logique laicarde.
La macroniste et grande arriviste Aurore Bergé (elle rêve depuis toute petite d’être ministre !) qui souhaite interdire le port du voile par les mineurs, a été mise sous pression pour retirer ses propositions – elle a même reçu un appel de l’Elysée, histoire de l’acheter et elle est largement achetable même si pour l’instant, la députée ne compte pas pour autant renoncer à ses amendements.
Là encore, la loi sur le séparatisme déposé et discuté à l’Assemblée nationale, a pour objectif de sortir du non-dit face à l’Islam radical et ses dangers et elle a suscité de nombreux amendements mais pour Annie Genevard (LR) « la majorité a largement taillé dans les amendements dont il ne veut pas, au prétexte de l’irrecevabilité. Je dénonce l’usage politique de l’article 45 de la Constitution. »
Et Annie Genevard de poursuivre : « Certains points essentiels manquent ! Voile, immigration, monde associatif… De nombreux sujets ne sont pas suffisamment traités (…) Le voile en France nous montre que l’islam radical est engagé dans la conquête de l’espace public mais le gouvernement ne souhaite pas aborder cette question, ni celle de l’immigration, alors que tout le monde sait que le communautarisme, le séparatisme et l’islamisme y sont directement liés. »
En matière de laïcité, les professeurs s’autocensurent par crainte de stigmatiser. Pas moins de 49 % des enseignants du secondaire affirment s’être déjà autocensurés dans leur enseignement des questions religieuses, pour ne pas provoquer de possibles incidents dans leur classe. Un chiffre qui atteint 70% dans les banlieues populaires, style Seine-Saint-Denis. Quatre professeurs sur cinq disent avoir été confrontés, au cours de leur carrière, à des revendications religieuses. Des revendications présentes aujourd’hui dans tous les espaces, à la cantine, avec les demandes de repas confessionnels mais aussi en cours. 57% des jeunes musulmans placent la loi islamique au-dessus de la République. Le lycée Pierre-Joël-Bonté de Riom (Puy-de-Dôme) a été fermé lundi 11 janvier en raison « d’insultes et menaces de mort » visant des enseignants. Un élève de 15 ans est en garde à vue. Devinez sa nationalité et sa religion !
Lors des cérémonies du 11 novembre, le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Pierre Vandier, avait indiqué au président Macron que le groupe aéronaval formé autour du porte-avions « Charles de Gaulle » mettrait le cap vers la Méditerranée orientale, puis vers le golfe Persique lors de son prochain déploiement, en février 2021. Ce qu’a confirmé la ministre des Armées, Florence Parly, devant les députés, ce 12 janvier.
Évidemment, eu égard aux évènements de ces dernières semaines, avec les activités de prospection turques dans des zones maritimes revendiquées par la Grèce et la République de Chypre, on pouvait penser que la présence du porte-avions Charles de Gaulle en Méditerranée orientale allait être présenté comme une marque de soutien à l’endroit d’Athènes et de Nicosie, que Paris soutient face à Ankara. Mais tel n’est pas l’angle qu’a choisi la ministre pour présenter ce futur déploiement.
« La prochaine mission du porte-avions Charles de Gaulle sera de renforcer notre dispositif, dans le cadre de l’opération Chammal », a affirmé Mme Parly, en évoquant la participation française à la coalition anti-djihadiste dirigée par les États-Unis.
Actuellement, la force Chammal compte quatre Rafale déployés en Jordanie, ainsi que sur ceux de l’escadron de chasse 1/7 Provence, basé aux Émirats arabes unis [Base 104 d’al-Dhafra, avec 6 appareils].
Si l’année 2020 a été marquée par quelques frappes réalisées par ces chasseurs-bombardiers notamment depuis le territoire jordanien, l’activité de la force Chammal est, en moyenne, d’une quinzaine de sorties par semaine… Aussi, et même si la France évoque une « forme de résurgence » de Daesh au Levant, la présence du porte-avions avec son groupe aérien embarqué en Méditerranée orientale devrait surtout donner lieu, comme l’an passé, à des interactions avec les forces grecques, chypriotes et israéliennes et donc en réalité surveiller la Turquie.
D’ailleurs, en terminant son tour d’horizon des opérations en cours, Mme Parly a tenu à « réaffirmer toute la vigilance des armées françaises en mer Méditerranée. » Et d’ajouter : « Nous avons constaté en 2020, qu’elle était devenue le théâtre de nombreuses tensions, rivalités, de convoitises, devrais-je même dire. Par ses actions nationales comme à travers l’opération IRINI, conduite par l’Union européenne, la France défend le respect du droit international, la France défend le principe de libre navigation face à des acteurs qui n’hésitent pas à les remettre en cause. Avec nos partenaires, nous redoublerons d’attention dans cette zone en 2021. »
Ce déploiement du groupe aéronaval français devrait de fait coïncider avec la reprise des discussions entre Athènes et Ankara au sujet de leurs différends territoriaux et de l’exploitation des ressources gazières. Ces pourparlers avaient été interrompus en 2016.
Par ailleurs, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, semble avoir changé de ton depuis le début de cette année. Ce 12 janvier, il s’est dit prêt à « remettre sur les rails » les relations entre son pays et l’Union européenne, tumultueuses depuis plusieurs mois : « Faire de 2021 une année de succès pour les relations entre l’UE et la Turquie est à notre portée. Nous pouvons y arriver en travaillant avec une vision à long terme, loin des préjugés et des appréhensions », a-t-il dit.
Plus tôt, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, avait affirmé que la Turquie était prête à « normaliser » ses rapports avec la France, alors que les sujets de contentieux se sont accumulés entre les deux pays. « Au final, nous avons eu une discussion téléphonique constructive, avec mon homologue Jean-Yves Le Drian, et nous nous sommes mis d’accord pour travailler sur une feuille de route pour normaliser nos rapports », avait affirmé M. Cavusoglu.