Par Bernard PLOUVIER
Il est évident que la réduction d’un individu ou d’un groupe d’individus à l’état d’esclaves, c’est-à-dire de choses négociables, dépourvues de droit, est souvent associée au racisme, soit l’idéologie grotesque de supériorité d’une race ou d’une ethnie sur ses voisines ou ses rivales.
Le racisme – sentiment de supériorité, qui s’apparente à une paranoïa collective, donc très différent de la xénophobie, qui relève d’un sentiment de crainte – est une réalité universelle et diachronique.
Si l’on ignore tout des pratiques économiques et sociales de la préhistoire – et il est peu probable que l’on en connaisse jamais grand-chose -, l’on sait que toutes les sociétés antiques connues ont été fondées sur l’esclavage des prisonniers de guerre et des peuples soumis par droit de conquête ainsi que sur la servitude des débiteurs insolvables. C’était notamment le cas des Arabes et des Juifs de la Péninsule arabique quand Mahomet vint au monde, l’an vers 570, à La Mecque (Watt, 1958).

En revanche, en Égypte antique, même durant la période de domination grecque puis romaine, seuls les prisonniers de guerre, les criminels et les voleurs récidivistes étaient traités en esclaves, mais ils restaient des personnes, non des choses, et avaient des droits, voire un statut familial : ils ressemblaient davantage aux serfs médiévaux qu’aux esclaves stricto sensu (Montet, 1946 ; Biezunska-Malowist, 1973). Les sottises sociologiques et historiques de l’Exode ont longtemps induit en erreur les historiens, gens appartenant à une corporation où l’on aime répéter ce qu’ont écrit les « grands maîtres » qui étaient souvent de grands fantaisistes… entre autres exemples possible, on peut citer Hérodote ou Jules César, dont les estimations chiffrées étaient aussi outrancières que le restent d’autres estimations, jugées « intouchables » sous peine de poursuites judiciaires en notre époque d’obscurantisme historiographique pour raisons politico-économiques.
Certes, l’Ancien Testament est un document irremplaçable, empli de renseignements de nature religieuse, poétique, législative ou sociologique, mais ses données factuelles sont entièrement erronées : l’histoire du peuple hébreu, celle de l’Égypte ou du Moyen-Orient présentées par ses livres est à peu près aussi fiable qu’une chanson de geste pour qui veut connaître l’époque carolingienne ou féodale.
S’il faut en croire le Coran, Mahomet a beaucoup admiré Moïse et Jésus de Nazareth. Hélas, il a adopté la tradition esclavagiste mosaïque, en la remodelant, et s’est détourné du commandement d’amour général du Christ.

Si le Deutéronome fait des peuples vaincus les esclaves naturels du peuple hébreu, le Lévitique ordonne de libérer les esclaves juifs, pour raison de dettes, lors de l’année sabbatique, tandis qu’il n’est pas prévu de libérer les esclaves razziés lors d’une guerre.
Pour les esclaves « frères de race » (les Juifs), les choses se sont aggravées dans la seconde moitié du 1er siècle avant Jésus-Christ, quand Hillel l’ancien, le réputé « bon pharisien », a proposé la clause du prosbul – ou prosbol : à l’époque d’Hillel, on ne notait pas les voyelles dans les écrits rédigés en hébreu ou en araméen, chacun est donc libre d’écrire ce mot à sa guise. Selon cette clause, lors de l’année sabbatique – soit, tous les sept ans -, les biens prêtés et les esclaves qui avaient accepté cette clause, du fait de l’ampleur de leur dette ou de leur incurable stupidité, passaient sous l’administration du Sanhédrin de Judée ou du tribunal juif provincial pour les Juifs de la diaspora, puis étaient rendus, l’année suivante, à leur propriétaire.
En son temps, le délicieux Ben Maïmon ou Maïmonide, protégé du Kurde Saladin, lui-même grand assassin de prisonniers de guerre chrétiens, a encouragé le trafic d’esclaves ni-juifs, ni-mahométans (in Shahak, 1996, comblant singulièrement les curieuses « lacunes » de la réédition de 1979 de l’œuvre la plus connue de Ben Maïmon).
Mahomet a été formel : aucun croyant en Allah, ne peut être l’esclave d’un autre mahométan – ce qui réalise un progrès par rapport à la religion juive -, mais pour les autres individus (prisonniers de guerre non exterminés après une victoire, individus capturés lors d’un rezzou, famille d’un apostat ou d’un homme qui a combattu l’islam), il n’est pas prévu d’affranchissement, tout au plus une rançon, s’il s’agit d’un riche chevalier (sourate 47).
Par ses sourates 2, 6, 16, 24, 29, 30, 31, 33, 47, le Coran légalise l’esclavage (Chebel, 2007, non exhaustif). Il est précisé, dans les sourates 6 et 33, que l’esclave féminine doit satisfaire toutes les exigences de son maître.

Toutefois, les relations homosexuelles sont absolument prohibées, ce qui n’empêche nullement qu’elles n’aient été fort pratiquées par les maîtres et les gardes-chiourmes sur les Européens des bagnes du Maghreb (Davis, 2003) et de Turquie.

On châtrait même les éphèbes ou les jeunes mâles fort beaux : ils devenaient des « sauterelles », dans le cas de Blancs ainsi traités par les honorables mahométans ou des « corbeaux », dans le cas des Noirs (Lewis, 1982). En principe le Coran exclut tout racisme à l’intérieur de la Oumma (la communauté mahométane) ; en réalité, les arabes sont fort racistes vis-à-vis des Noirs ou des Blancs (Lewis, 1982). Il n’y a guère, au Maghreb, le terme « Abid » désignait indifféremment Noir et esclave (Matringhem, 2002).

Il est important de noter qu’en terres d’islam (le Dâr al-Islam), les dhimmis, en pratique dépourvus de droits civiques, pressurés d’impôts et soumis à de multiples vexations, ne sont pas des esclaves, mais des individus simplement « inférieurs » (Fattal, 1958).

L’esclavage des VII-XIXe siècles conservera les deux caractéristiques initiales, la juive et la mahométane, enrichie d’un apport de très mauvais chrétiens – coptes, monophysites éthiopiens, catholiques et réformés de toutes les variétés, à l’exception des quakers.
Il a existé, en Afrique ou en provenance de ce continent, trois courants esclavagistes. Les bons auteurs n’insistent guère que sur la Traite négrière vers les Amériques, ce qui est une façon fort réductrice de considérer le phénomène, à la fois dans les dates et dans les effectifs.
à suivre
