par Franck BULEUX
Les résultats des élections municipales ont été totalement occultées dimanche 15 mars et les débats supprimés. Certes, il a été dénombré beaucoup d’absentions. On peut tout de même rappeler qu’aux législatives de 2017, voici moins de trois ans, plus de 51 % des Français s’étaient abstenus au premier tour… et 58 % au second tour. Encore plus que dimanche !
Pourtant, les soirées ont été longues en juin 2017, les médias n’ayant de cesse de nous présenter ici un élu En marche ! issu du PS, là, un autre élu En marche ! issu, quant à lui, des Républicains. Oui, ce n’est pas nouveau que l’abstention gagne en France. Le premier parti de France.
Pourquoi ? Parce que nos dirigeants, comme leurs oppositions, ne mobilisent plus les citoyens. Pis encore, le quinquennat voulu par le néo-gaulliste Chirac (70 % d’abstentions en ce dimanche de septembre 2000 !) a eu pour conséquence qu’une fois le Président élu, les Français se désintéressent totalement des élections à la Chambre basse et favorisent l’élection de nombreux députés favorables et labellisés par le pouvoir en place. 70 % d’absentions pour cette réforme institutionnelle qui entraine 58 % d’abstentions lors des élections à l’Assemblée nationale…
Alors, bien évidemment, les 55 % d’abstentionnistes du premier tour des municipales ont laissé jouer le parti de la peur. Beaucoup de Français, peu intéressés par le résultat du vote et apeuré d’être contaminé par le Covid-19, n’ont pas pris la peine de se déplacer. Rappelons-le, cette mascarade démocratique n’est pas une exception mais ce qui peut étonner ici, c’est, qu’en règle générale, les élections des édiles locaux mobilisaient un peu plus que les autres élections, sauf la présidentielle, les citoyens. Le virus a eu raison de l’envie (sic) de réélire un élu local !
Sur les écrans dimanche soir, peu de politiques, sans doute déjà confinés, mais une kyrielle de pontes médicaux qui expliquent les conséquences potentielles de l’avancée du virus, mais jamais les causes. Qu’importe, c’est une vertu de la société moderne, il n’y a jamais de cause aux effets, c’est ainsi, il faut s’y habituer. Nous sommes rentrés dans une sorte de société soumise à des superstitions : attentats, risque technologique, virus. C’est comme cela. Ce procédé évite de rechercher des responsabilités. Je ne suis pas scientifique mais si cette contamination est née en Chine, c’est bien que le foyer infectieux d’origine se trouve là-bas. Mais cela ne se fait pas, vous n’allez pas mettre en cause, stigmatiser une population. Donc, les Chinois sont blancs (sic) comme neige, l’air est connu. Ainsi soit-il. Nous ne rechercherons aucune responsabilité, les fous de Dieu évoquent déjà la « châtiment suprême ». C’est sûr, sur ce terrain, les islamistes comme les évangélistes en Amérique latine ont trouvé un sérieux concurrent, dont on a l’impression à lire certains commentaires, qu’ils aimeraient en faire un partenaire.
Et nous avons vu dimanche 15 mars, via les spécialistes médicaux qui, à l’instar des politiques, qu’ils suppléaient fort aisément et de bonne grâce, voltigeaient de chaîne en chaîne, l’arrivée du parti de la peur.
Bien sûr que les Français ont peur. Ceux qui ont le moins confiance au pouvoir ne se déplacent même pas pour voter, ils ont laissé les candidats En marche ! se faire massivement élire députés, ils ont laissé, généralement, réélire les maires sortants ou les ont placés en tête. La prime au sortant. La prime à la peur, plutôt.
Les maires élus (pas tous car il y a tout de même quelques milliers de second tour, notamment dans les communes importantes), le président Macron s’est imposé à l’aide des médias. Il n’y avait plus de place pour l’élection de Béziers, seule comptait l’évolution des contaminés et des décédés. Triste spectacle !
Les chaînes de télévision voient défiler depuis une semaine Macron, Philippe, Castaner et Véran. Chacun son jour, chacun son tour. Une disposition par jour. Puisque l’on parle des maires, ceux qui ont élus en 2014 (pour les autres, ce sera plus compliqué) ont le droit de durcir ce qui a été mis en place. Les maires LR (soutenus par LREM) de Nice, Menton ou Perpignan ne s’en sont pas privés. La sécurité, c’est nous ! Je croyais qu’il ne fallait pas jouer sur les peurs…
Je n’ose imaginer si cette crise sanitaire avait eu lieu juste avant un premier tour des élections présidentielles. Ou si elle avait lieu en 2022, en avril.
Les médecins de La Pitié-Salpêtrière ou de Bichat sont devenus l’opposition au pouvoir. Bien sûr, cette opposition se limite au manque de masques. Pas de grand débat idéologique, où sont les masques ? En Chine, peut-être car ils en ont eu besoin. Et nous ? C’est la mondialisation, monsieur, le Village planétaire. J’avais oublié.
« La France a peur », titrait déjà Roger Gicquel, au 20 heures, le 18 février 1976 au lendemain de l’arrestation de l’assassin du jeune Philippe Bertrand, Patrick Henry. Et pourtant, ce soir-là, l’ennemi dormait en prison. On attendait Robert Badinter pour qu’il échappe à la guillotine.
La peur a jeté un voile sur la France : les cadres de La République en marche (LREM) n’ont donc eu aucun mal à faire oublier leur défaite annoncée aux municipales, ils n’ont même eu aucun mal à disparaître devant les urgentistes ou autres chirurgiens. Les Français, d’ailleurs, ne reconnaissent pas plus un élu LREM qu’un médecin de Cochin. L’abus médiatique nous a fait oublier l’image de nos représentants. Dimanche, dans le bureau où j’ai voté (je n’ai pas eu peur), une déléguée municipale interpelle un jeune homme pour savoir ce qu’il fait aussi, c’était le député de ma circonscription, jeune trentenaire sans charisme, venu voir. Elle ne l’a pas reconnu, tout un symbole.
La gestion de cette crise sanitaire montre clairement les limites de l’expression démocratique. Les libertés publiques s’amenuisent de jour en jour, de décret en décret et à 20 heures, comme dans un pays totalitaire, les Français sont tenus d’applaudir. Réflexe pavlovien.
L’ennemi a changé l’espace d’un printemps. Ce n’est plus l’extrême droite, dont les résultats sont décevants aux municipales (probablement l’électorat qui a le moins confiance aux institutions, donc pourquoi voter si c’est pour… tomber malade ?). Barrons la route au virus, Macron a trouvé sa « guerre », c’est lui qui le dit. Ce n’est pas Verdun.
Laissez-le faire, restez dans vos canapés. Si vous sortez, il envoie la police. Ne sortez plus, vous ne votiez déjà plus.
L’an dernier, avec la crise des Gilets jaunes, on se posait légitimement la question de savoir si le président Macron allait pouvoir, et comment, « reprendre la main ». C’est fait, la peur a fait le nécessaire.
Bien sûr, la crise est internationale, Macron n’en est pas la cause. Mais de toute façon, comme je l’ai écrit plus haut, notre société ne se préoccupe pas des causes mais uniquement des conséquences.
Et, pour gérer les conséquences de la peur, on peut faire confiance à Macron, héritier d’Attali et consorts. On n’a jamais vu une crise sanitaire faire tomber un pouvoir. Ils n’ont pas peur, eux.