par Jordi GARRIGA, notre correspondant sur place
Vendredi 13 mars dernier, le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, a annoncé une allocution officielle à 14h30 pour annoncer, selon toutes les rumeurs, qu’il allait décréter « l’état d’urgence » en Espagne. En fait, avec retard, il a annoncé qu’il allait le décréter le samedi 14. Cette démarche est due au fait que les cas de coronavirus ont en Espagne doublé en 24 heures pour atteindre 5 000 cas officiellement déclarés.
Les gens ont alors paniqué et beaucoup sont allés dans les supermarchés pour s’approvisionner compulsivement, dans un moment total d’hystérie collective. Samedi matin, l’hystérie a continué, malgré les appels au calme insistant sur le fait qu’il n’y avait pas, et qu’il n’y aurait pas, de problèmes avec la distribution des produits dans les magasins. La déclaration gouvernementale prévue à 14 h, reportée à 15 h, eut finalement lieu à 16 h. Puis, il y a eu une autre allocution après 20h00, soit après plus de sept heures de rencontre et de discussion entre la coalition gouvernementale (les socialistes et Podemos). Les rumeurs suggèrent que Pablo Iglesias, chef de Podemos, a exigé la nationalisation immédiate des soins de santé privés et que les positions des pouvoirs régionaux de Catalogne et du Pays Basque pour gérer l’épidémie étaient différentes. Il semble que sur la question de la nationalisation, la thèse contraire ait prévalu.
Enfin, un ensemble de mesures a été annoncé, dans lequel le Chef du Gouvernement et quatre de ses ministres (Santé, Intérieur, Transports, Défense) assument le commandement direct et centralisé de toutes les structures et pouvoirs afin de faire face à cette crise. Dorénavant, tous les établissements de santé publics et privés sont subordonnés à l’État, toute la police et l’armée sont déployées, les établissements touristiques et d’accueil, les musées, les théâtres et tous les lieux non prioritaires sont fermés. Les magasins d’alimentation, les pharmacies et les télécommunications restent ouverts et l’industrie continue de fonctionner. Tous les centres éducatifs sont comme en France fermés. Les citoyens sont obligés de rester chez eux pendant au moins deux semaines en confinement total comme s’ils étaient en quarantaine, ils ne peuvent sortir que pour acheter des produits de première nécessité, aller à la pharmacie, aller travailler ou promener leur chien … Un fait anecdotique peut-être typiquement hispanique est que les coiffeurs pourraient ouvrir, mais sous la pression du gouvernement de la Communauté de Madrid, ils ont décidé de fermer également.
Toutes ces mesures ont commencé à entrer en vigueur samedi à minuit. Dimanche, les randonneurs, les cyclistes, les simples marcheurs étaient déjà prévenus ou condamnés à une amende, les bars fermés et les touristes expulsés de certaines zones. De chez eux, les gens sortent maintenant au balcon à 20 heures pour applaudir les agents de santé qui travaillent sans relâche. Les séparatistes catalans sont très en colère contre ce qu’ils considèrent comme une ignoble intervention de l’État, comme les Basques, mais leur verbiage reste vain devant le fait accompli.
Ce lundi, premier jour ouvrable de la quarantaine, des images des trains, des bus et des métros ont été vues avec des foules de gens qui vont travailler … On ne sait pas quand la fermeture du pays sera encore plus restreinte. Ce lundi également, l’Espagne a fermé la frontière terrestre, mais pas l’air ni la mer …
Il semble très sérieusement que le gouvernement espagnol ait largement sous-estimé la menace et réagisse désormais tard, trop tard et qu’il soit dépassé par la réalité: il y a actuellement, selon les données officielles, plus de neuf mille infectés et 340 morts.