DÉFAITE DE SALVINI EN ITALIE : QUELLES LEÇONS EN TIRER ?

Par Michel LHOMME

Dimanche dernier, deux importantes élections régionales ont eu lieu en Italie. D’une part, dans le sud de la Calabre, où la Ligue (ex-Lega Norte …) a remporté, avec d’autres partis de droite, notamment Fratelli d’Italia, une victoire retentissante. D’autre part, au nord, en Émilie-Romagne, où l’on espérait que la même coalition pourrait prendre le pouvoir d’une gauche qui a fait de cette région l’un de ses bastions traditionnels indécrottables a râté son pari. Malgré 32% des votes, la victoire de la Lega n’a pas été atteinte. Pourquoi ? Les  »Sardines » auraient-elles gagné ? Finalement ce mouvement n’est-il pas finalement si météorique que cela ? Ne le pressentions-nous pas ? (https://metainfos.com/2020/01/02/les-sardines-italiennes-et-la-banlieue-francaise/)

En tout cas, c’est un fait le candidat du parti démocrate (centre gauche) a largement battu, en Emilie-Romagne, la candidate de la « Lega », infligeant un camouflet au chef du parti populiste, Salvini qui du coup s’est trouvé éloigné durablement – mais en Italie, rien n’est jamais vraiment sûr ! – du pouvoir central, même si, comme prévu, la Ligue l’a bien emporté en Calabre, région stratégiquement moins importante. Salvini a d’ailleurs utilisé la vitoire de Calabre pour minorer sa défaite à la fois sur les réseaux sociaux et c’est vrai qu’elle est relative. Cependant, il ne faut pas le cacher: l’implication personnelle du secrétaire de la Lega en Émilie-Romagne a été telle qu’en tout cas, il faut bien parler d’un sérieux camouflet. Et là-dessus, il nous convient d’analyser succintement ce qui s’est passé parce qu’être vaincu n’est pas une faute en soi ou une tragédie. C’est quelque chose qui se produit dans toutes les guerres, et qui peut même parfois être fructueux pour une éventuelle revanche plus tard.

La clé de la défaite de la Ligue de dimanche dernier ne se trouve pas fondamentalement dans la candidate Lucia Borgonzoni, que beaucoup ont eu tendance effectivement à critiquer. Un autre candidat, peut-être issu des cercles bolognais d’avocats, d’hommes d’affaires, voire un technicien ou un professeur d’université, n’aurait pas non plus obtenu plus de 40% des suffrages, mais peut-être moins de la moitié. Il n’est en effet pas facile de trouver de bons candidats dans une région qui a toujours été dominée par la gauche et avec laquelle l’opposition, d’abord la Démocratie Chrétienne puis le Berlusconisme, ont toujours été forcé de parvenir à un accord avec les gauchistes.

Certains ont ensuite imputé la défaite à Salvini lui-même, dans sa manière d’être omniprésent, médiatique et non institutionnel. On lui demanderait maintenant d’être plus «modéré» même si l’on ne comprend pas trop ce que cela signifie « être modéré » face à l’invasion migratoire, au dépouillement de la nation. 

De fait, la polarisation, le culte de la personnalité est la figure du style politique propre au populisme de droite comme de gauche, que ce soit celui de Salvini, de Trump, de Bolsonaro ou de Boris Johnson avec pour les plus bêtes ou les plus obtus la diabolisation qui l’accompagne. C’est le charisme des leaders populistes qui permet aux gens de se soulever, d’être emmenés dans la rue et de voter. En France, le Rassemblement National manque par exemple cruellement d’un tel « charisme ». Bien sûr, le risque et même la certitude d’une polarisation politique sur une seule personne est que tout le monde va s’unir contre vous, Macron en France en fait aujourd’hui les frais. Mais dans le cas italien, c’est un mouvement curieux, très suspect et artificiel, les « Sardines » au nom d’ailleurs absurde allant jusqu’à se comparer à un banc de poissons qui a réussi à rebattre pour un temps les cartes politiques italiennes.

Alors quelles leçons tirer d’une telle défaite? La première est que dans toute élection, on ne doit jamais sous-estimer l’adversaire. Personne n’aurait pu prévoir que du cœur de la province surgirait en Italie un mouvement social type « révolution orange ». Deuxièmement, et comme l’enseignent les manuels de tactique, il vaut mieux ne pas coincer l’adversaire en le plaçant dos au mur car devenant alors une bête qui se sent traquée, le désespoir le pousse, d’une part, à la férocité et, d’autre part, à la ruse, à l’invention politique. Troisièmement, le chef charismatique doit diriger les troupes, mais il ne doit jamais rester seul à tout faire derrière un appareil politique qui se reposerait trop sur le chef en croyant d’emblée que tout est déjà gagné. Enfin, il ne faut pas non plus ignorer les recompositions sociologiques de l’électorat et la force des manipulations médiatiques avec toute la classe des journaleux et des experts politiques en rang de bataille prêts à toutes les approximations et insultes. 

Ces leçons sont certes à méditer en vue des prochaines élections régionales et nationales en Italie mais aussi pour la France mais là c’est une toute autre histoire quand on voit par exemple l’indigence politique des cadres du Rassemblement national.