par Eric Valin
Des élus rouennais s’opposent à la réouverture de l’usine Lubrizol, leur position est stupide parce que cette usine est indispensable à l’économie locale (emplois, création de richesses, recettes fiscales), à l’écosystème industriel régional, à l’économie nationale.
Mettre les usines et les villes à la campagne est une formule d’humoriste mais pas digne d’un élu prétendument responsable. A force de regarder leur nombril depuis la Région croupion de Haute-Normandie dont ils ont pris les pires routines certains élus rouennais n’ont pas vu qu’avec la mondialisation nous vivions la concurrence internationale des territoires.
Quand le problème des aménageurs est d’attirer les entreprises (comme le fait Hervé Morin avec ses agences d’attractivité et de financement des investissements) afin de les ancrer sur le territoire pour les raisons vues supra, la position de ces élus serait comique si elle n’était pas si grave.
Lubrizol est un révélateur des carences d’une technocratie d’Etat qui a mal évalué les risques technologiques et le niveau des moyens nécessaires pour y faire face. Madame N. Ameline en son temps projetait la création d’un master de gestion des risques industriels à Deauville dans le cadre des enseignements de l’Intelligence Economique qui aurait été opportunément territorialisé et de bon conseil dans une Normandie riche en sites Seveso.
On peut aussi douter de la préparation à la communication de crise pour informer la population : alerte puis passage de consignes de comportement et de sécurité, gestion des déplacements et des évacuations.
Ces sujets étaient pourtant présents dans la réflexion des états-majors des régiments de réserve chargés de la Défense Opérationnelle du Territoire, en arrière plan des manœuvres militaires, avant qu’ils ne disparaissent pour toucher les dividendes d’une paix rompue par l’émergence du péril islamiste.
Que de savoir-faire perdu, ignoré ou mal maîtrisé ….
Lubrizol est également un révélateur de l’inadaptation des départements pour les enjeux de sécurité industrielle. L’axe Seine est une vaste zone de dimension régionale avec des usines à risques multiples, la sécurisation et les secours devraient être traités à cet échelon et non au niveau départemental, soit par une politique en propre, soit par une mutualisation judicieuse des moyens départementaux ; la pollution ne s’arrêtant pas aux limites administratives trop restreintes.
Cela relève d’une claire conscience de la nature, des fonctions et des limites (champ de compétences, moyens, espaces concernés) entre les administrations de gestion et celles de mission.
Un département concentrant des sites Seveso n’a pas les moyens budgétaires de financer la protection de tous ses voisins à cause de son champ de compétences digne d’une foire à tout (collèges, routes, protection infantile et dépendance, aide aux mineurs migrants, aménagement du territoire, …..) générant des arbitrages à caractère surtout social (car visibles immédiatement par l’électeur) au détriment des besoins en infrastructures économiques qui devraient être du ressort exclusif de la Région, laquelle est en concurrence juridico-statutaire sur certains sujets avec les métropoles dont celle de Rouen qui était sur le point de construire un éco-quartier à moins d’un kilomètre de Lubrizol !
Dites « Vive la France », tout va bien dans le mille-feuilles institutionnel des bricoleurs des dimanches électoraux si on se réfère à la déclaration du Président Macron (comique malgré lui et se référant peut être au nombre de ministres venus faire leur numéro compassionnel) sur l’exemplarité de l’Etat dans cette affaire ; « Vive la Normandie » à la fois nécessaire et suffisant me comblerait plutôt, c’est une institution humainement de proximité permanente (la rotation des préfets est de l’ordre de deux à trois ans) et économiquement de taille pertinente.
NB : On ne peut que conseiller pour l’affaire Lubrizol la lecture du Sciences et Vie de décembre 2019.