ELECTIONS EUROPÉENNES 2019 EN ESPAGNE

Par Jordi GARRIGA, notre correspondant en Espagne

En Espagne, plusieurs élections ont eu lieu le 26 mai. Sur tout le territoire, il y a eu à la fois les élections au Parlement européen et les municipales. En outre, les Parlements de 12 des 17 communautés autonomes espagnoles ont également votés.

En résumé, on peut dire que ces élections ont globalement confirmé la montée du Parti Socialiste, le retrait des conservateurs, la défaite des populistes de gauche de PODEMOS et la stagnation de la droite populiste de CIUDADANOS. De plus, nous assistons à la consolidation d’une base sociale radicale de droite qui soutient VOX.

En ce qui concerne les élections au Parlement européen, comme vous le savez sans doute, la victoire revient au Parti Socialiste, qui a obtenu 20 (+6 en 2014) des 54 sièges de l’Espagne à Strasbourg avec plus de 30% des voix. Son candidat, le Catalan Josep Borrell, est un vieux poids lourd de la politique espagnole et européenne, actuel ministre des Affaires étrangères et président du Parlement européen de 2004 à 2007. Il s’est récemment distingué pour avoir efficacement attaqué la propagande du séparatisme catalan en Europe.

Le Parti Populaire occupe la deuxième place avec 12 sièges (-4 en 2014) et 20% des suffrages. Sa tête de liste était également Catalane, en la personne de l’ancienne ministre de la Santé, Dolors Montserrat, porte-parole actuel du groupe parlementaire du PP au Parlement espagnol.

En troisième lieu, le parti CIUDADANOS. Il a connu une hausse spectaculaire, peut-être en raison de sa faible représentation antérieure, qui est passé de 2 à 7 députés européens avec plus de 12% des voix. Son candidat, Luis Garicano, est un économiste libéral prestigieux, le vice-président de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, et le principal responsable du saut de CIUDADANOS qui est passé d’une sociale-démocratie diffuse à un libéralisme politique sans complexe.

Quatrièmement, il reste les populistes de PODEMOS, qui perdent près de la moitié de leurs sièges précédents, passant de 11 à 6 sièges avec 10% des voix. En outre, lors des élections régionales, ils ont perdu 75 des 115 députés et des milliers de conseillers municipaux. Son candidat était María Eugenia Rodríguez, professeure de philosophie du droit et spécialiste des Droits de l’homme. Son dernier livre s’intitule: Révolution féministe et politiques du commun contre l’extrême droite. (tout un programme politiquement correct).

En cinquième place, le parti émergeant c’est bien sûr VOX, qui n’avait jusqu’alors aucune représentation, bien qu’il se soit déjà présenté aux élections européennes en 2014 où il avait été sur le point de disposer d’un député avec plus de deux cent mille voix. Cette année, ce sera trois députés, qui ont obtenu plus de 6% des voix. Bien qu’il soit décrit comme « d’extrême droite », les députés de Vox ont tout de même déjà précisé qu’ils ne feraient pas partie du même groupe que Le Pen et Salvini. Ils voudront donc sûrement s’asseoir avec un groupe conservateur, à côté du PP dont ils sont en quelques sorte en Espagne l’aile dure officieuse. Son candidat était également un autre Catalan, Jorge Buxadé, avocat qui, en 1995 et 1996, était candidat dans deux partis falangistes. Plus tard, il avait rejoint le Parti populaire, puis VOX.

En sixième position se trouve la candidature « Ahora Repúblicas », formée par les partis nationalistes « Esquerra Republicana » de Catalogne (ERC), Euskal Herria Bildu (EH Bildu) du Pays basque et le Bloc nationaliste galicien (BNG) de Galicia. « Ahora Canarias » des îles Canaries, ainsi que le parti asturien « Andecha Astur » et le groupe aragonais « Puyalón de Cuchas » s’étaient en effet unis. Ils se définissent comme républicains, souverainistes et progressistes. Leur principal candidat, Oriol Junqueras, est actuellement en procès pour rébellion à Madrid, pour la tentative de coup d’Etat d’octobre 2017 visant à proclamer l’indépendance de la Catalogne, et que le procureur de la République veut condamner à 25 ans de prison. Pour cette raison, il ne pourra pas être député au Parlement européen. Le numéro 3 de la candidature (ils ont remporté 3 sièges) est l’épouse d’un autre accusé de la rébellion, Raúl Romeva, qu’ils veulent également condamner à 17 ans de prison en tant que membre du gouvernement catalan impliqué dans ces événements.

La candidature « Lliures per Europa », classée septième, est dirigée par le célèbre fugitif et ancien président catalan, Carles Puigdemont. Il a obtenu 2 députés, entendu que tous deux se sont enfuis de la justice espagnole et se trouvent actuellement en Belgique. Récemment, ils ont tenté d’accéder au bâtiment du Parlement européen, se voyant refuser l’entrée jusqu’à ce qu’ils prouvent leur statut de députés élus. Pour ce faire, ils devraient se rendre à Madrid pour recueillir leurs procès-verbaux. Le problème est qu’ils seraient arrêtés dès leur entrée en Espagne … Ces deux sièges seront donc assurément occupés par deux autres personnes de la liste.

Enfin, la candidature « Coalition pour une Europe solidaire » a obtenu 1 député (en perdant 2) et moins de 3% des voix. Il est formé par le Parti nationaliste basque (PNV), la Coalition des Canaries (CCa), l’Engagement pour la Galice (CxG), Proposta per les Illes (Le Pi) des Îles Baléares, Demòcrates Va lenciens (DV) et Atarrabia Taldea (ATALADEA) de Navarre. C’est un amalgame de nationalistes et de régionalistes de centre-gauche et de centre-droite. Au départ, le parti de Puigdemont devait être là aussi, mais les Basques l’ont rejeté pour son radicalisme.

Parmi les groupes extraparlementaires, encore une fois, les animalistes ont obtenu près de 300 mille voix. Presque tous les autres ont obtenu des résultats inférieurs à 30 000 voix. L’un des cas les plus frappants a été la coalition ADÑ, formée de « Falange Española de las JONS », « La Falange », « Démocratie nationale » et « Alternative espagnole », regroupant les cellules traditionnelles des « forces nationales ». Leur résultat a été désastreux avec seulement 11 000 voix, bien en deçà des 21 000 voix détenues par la seule Falange de las JONS espagnole en 2014. L’effet VOX est évident dans ce résultat, de même que les moyens limités disponibles pour se faire connaître.

La conclusion est que rien n’a changé dans le paysage politique espagnol orienté vers l’Europe. Les Socialistes, qui forment désormais le grand parti du centre politique espagnol, vont dominer les prochaines années, avec une droite provisoirement divisée entre un courant centriste et un autre plus proche du populisme, bien qu’économiquement libéral et pro-Trump. Les social-patriotes espagnols sont en réalité aujourd’hui un mouvement presque mort, vivant de la nostalgie et d’épopées vides. Si sa mort survient dans les prochaines années, personne en fait ne le remarquera.