RADIOGRAPHIE DE LA DÉFAITE, SISMOGRAPHIE DE LA BATAILLE

Par Jesús Sebastián Lorente, directeur du magazine numérique Elinactual.com

Regard droito-sceptique sur les élections espagnoles

Lorsque les Espagnols attendaient tous une victoire comme celle de Las Navas de Tolosa, ils subirent une cuisante défaite comme celle de Guadalete. Parce qu’il y a des traîtres et qu’il y en a depuis toujours. Il paraît évident que les batailles électorales ne sont gagnées ni par les réseaux sociaux ni par des sièges de partis confortables, mais toujours par les affrontements idéologiques … mais cet affrontement, en ce moment crucial de l’Europe, opposant le conservatisme libéral au libéralisme libéral, n’est pas gagné parce qu’il semble aussi qu’en dernière analyse, le libéralisme gagne toujours. C’est, à mon avis, la principale raison du résultat catastrophique du Parti Populaire et des résultats modestes obtenus par Vox. Nonobstant, la souveraineté populaire, le mal qui nous pèse, a parlé catégoriquement: il y a une majorité de citoyens – des atomes individualistes, des monades progressistes mûs par l’intérêt marchand – qui parient sur la liquidation de l’Espagne, pour son démembrement et sa désintégration, plus que pour une refondation et une réunification de la nation. Or, nous ne pouvons pas prétendre à la revendication de l’identité nationale en faisant appel à une idéologie, le libéralisme, qui est fondamentalement anti-national, anti-communautaire et anti-identititaire. Si, en outre, nous passons du « libéralisme classique » (philosophique) à l’ultralibéralisme néo-conservateur (politique, économique et social), comme Vox l’a souligné avec trop d’emphase, les odes à la nation espagnole deviennent des toasts au soleil.

Je ne parlerai pas du Parti populaire qui, avec Aznar, Rajoy et maintenant avec Casado, a toujours cédé ses missions à l’idéologie progressiste et s’abandonne aux terroristes et aux séparatistes. Je vais parler de Vox. Peut-être l’extême droite a-t-elle eu raison d’aborder des sujets qui sont déjà très discutés dans la population espagnole (et européenne) en décadence, comme la soi-disant violence familiale, l’avortement et la famille traditionnelle (d’ailleurs combien de familles de ce type reste-t-il réellement ?), et a-t-elle oublié de parler plus de justice sociale, de protection des classes moyennes et ouvrières, d’un projet futur pour les jeunes … Vox ne peut pas devenir un mouvement populaire en réduisant les impôts (ou en les éliminant directement) des citoyens les plus riches, en proposant la capitalisation privée des futures retraites ou en privatisant tous les services publics pour les remettre entre les mains de multinationales ou de fonds d’investissement. La souveraineté nationale ne se défend pas seulement contre les sécessionnistes, elle se défend également contre les puissances économiques étrangères et les groupes de pression, les lobbys de la société. Cela s’appelle le protectionnisme.

Si Vox veut faire la différence avec la droite libérale représentée par le Parti Populaire et Ciudadanos (quelle idiotie de considérer de droite un parti libéral-progressiste comme Ciudadanos !), il devrait regarder l’évolution idéologique des autres partis de la droite radicale européenne, comme ceux dirigés, par exemple, par Le Pen, Salvini ou Orbán, qui ont renoncé – ou pris en tout cas leur distance – avec le libéralisme, se proclamant directement « antilibéraux » ou « illibéraux » selon la nouvelle mode terminologique et accordant une priorité idéologique à un populisme qui n’est pas un pragmatisme nationaliste, mais un engagement envers les classes moyennes et populaires, celles dont Orwell a loué la « décence commune ».

Nous avons parlé de Guadalete, oui, mais après cette défaite, il y avait aussi Covadonga (toutes les batailles citées sont celles de la Reconquista contre les Sarrasins). Le triomphe du progressisme libéral, de la social-démocratie (le socialisme post-marxiste couplé au libéralisme) et des micronationalismes (qui répudient l’État-nation mais sont menottés à l’Union européenne et au Nouvel Ordre Mondial) nous offre cependant, une magnifique opportunité pour la catharsis. Les actes de trahison suivront: pardon aux putschistes, amnistie pour les terroristes, concessions d’un statut national aux régions montantes, concessions d’accords fiscaux avantageux aux indépendantistes, subventions massives aux groupes LGTB et néoféministes, promotion de l’immigration clandestine, soumission à la gouvernance néolibérale de Bruxelles … une opportunité pour Vox et pour une Espagne authentique.

Avec les élections de dimanche dernier, une bataille a donc été perdue en Espagne, mais pas la guerre.

Traduit de l’espagnol par Michel Lhomme.