par Michel LHOMME
Comme nous le rappelions hier en milieu de journée du scrutin, les électeurs de l’archipel des Comores étaient appelés à élire le président de l’Union des Comores. Notre article a pu paraître favorable au Président Azali Assoumani, il l’était du point de vue des standards internationaux de bonne gouvernance mais ces standards n’ont souvent rien à voir avec la démocratie ou le respect du peuple. Nous en savons d’ailleurs quelque chose avec la présidence-dictature en France d’Emmanuel Macron. De fait, nous devons rajouter ce matin que le scrutin a finalement été entaché de nombreuses irrégularités, de violents incidents et on parle même de morts sur l’île d’Anjouan. Déjà, la plupart des candidats ne reconnaissaient pas le pouvoir en place qu’ils estiment illégitime en raison de sa conduite et de ses pratiques jugées inadmissibles. Ce sera pire demain avec l’évident bourrages des urnes à Anjouan, la présence d’assesseurs n’ayant pas reçu leurs accréditations à la Grande Comore et à Mohéli ainsi que de multiples autres incidents qui ont émaillé tout le processus électoral du premier tour du dimanche 24 mars qui marquera du coup une date honteuse pour l’histoire de la République islamique.
Dès hier devant le palais du peuple, les 12 adversaires d’Azali avaient fait savoir qu’ils rompaient avec le code de bonne conduite qu’ils avaient pourtant co-signé et avaient lancé un appel discutable à l’ensemble de la population à détruire les urnes et empêcher par tous les moyens leur acheminement à Moroni. Des jeunes ont alors mis le feu devant le palais du peuple et ont érigé un barrage pour empêcher toute circulation des véhicules créant un véritable climat d’insurrection dans le pays. Mais faut-il croire absolument l’opposition ? Certaines images diffusées hier sur les réseaux sociaux en début de journée étaient des images des dernières élections congolaises ! Reste qu’effectivement l’armée comorienne a envahi la place du marché à Sima sur l’île d’Anjouan. Par endroit et même à la Grande Comore, des urnes ont été effectivement saccagées par la population notamment à Mbeni et à Oichili effectivement fiefs de l’opposition.
Il
est exact de remarquer que le scrutin a été plus que chaotique à
Anjouan et que là-bas le vote n’a pas pu se dérouler normalement
dans plusieurs localités. De plus, il y a eu effectivement des tirs
à balles réelles et au moins trois blessés graves par balles
puisqu’ils ont été évacués par « kwassa » vers
Mayotte aujourd’hui et que ce soir vers 17 un autre kwassa de blessés
ou d’insurgés est arrivé sur une plage du Sud. Une source militaire
à Moroni (l’attaché défense de l’Ambassade de France ?)
a indiqué trois morts à l’envoyé spécial de Réunion la 1ère.
A Ouani, des grenades lacrymogènes ont été lancées pour empêcher
les électeurs d’assister au dépouillement. Le consulat de France
à Anjouan demandait hier soir à tous ses ressortissants de ne pas
sortir de chez eux.
Il y a eu aussi de graves incidents en Grande Comore, à Mitsamiuli au nord et là aussi les militaires auraient tiré alors que des électeurs s’amassaient devant les bureaux de vote parce qu’on voulait interdire l’accès aux représentants de l’opposition. C’est aussi un fait constaté par des journalistes et quelques observateurs indépendants sur place. A Moroni, des pneus brûlaient hier soir sur la chaussée aux abords du palais du peuple, le siège du parlement où sont compilés les résultats.
La Commission électorale a maintenant légalement cinq jours pour proclamer les résultats. Il va sans dire qu’ils seront légitimement contestés, ce qui indéniablement va poser une question embarrassante pour la France qui comme en Algérie semble ici soutenir le pire.
Pourtant ne fallait-il pas s’attendre à ce qui vient de se passer lors de ce premier tour électoral aux Comores ? En provoquant des élections anticipées afin de tenter un deuxième mandat, le président Azali Assoumani pouvait être suspecté de vouloir mettre toutes les chances de son côté par tous les moyens. N’est-ce pas ce qu’il vient de faire en utilisant la force contre son propre peuple ? Certes, il avait effectivement un programme économique qui se tenait mais rien pour l’unité et la stabilité du pays puisque le président en exercice a cassé la tournante qui avait ramené la paix dans l’archipel, en permettant depuis 2001 aux trois îles de l’Union des Comores d’être représentées par un élu de leur cru. Nous avons discuté avec des partisans d’Azali Assoumani : ils refusent tous de revenir sur les tournantes et refuseront de céder la présidence à l’île d’Anjouan contre laquelle ils ont un ressentiment féroce. Pour arriver à ses fins, l’actuel président avait modifié la Constitution, ce qui avait provoqué des émeutes à Anjouan, notamment dans la médina de la capitale Mutsamudu, en octobre dernier, entraînant là encore des évacuations de blessés par balles vers Mayotte, épisode que nous avions relaté.
Avant le premier tour de la présidentielle ce 24 mars, les deux principaux opposants de l’actuel président avaient été écartés par la Cour suprême comorienne, Mohamed Ali Soilihi, dit « Mamadou », et Ibrahim Mohamed Soulé, candidat du parti Juwa. Deux journalistes de Facebook FM, avaient par ailleurs été arrêtés.
Les douze candidats d’opposition se sont rassemblés et appellent au « soulèvement populaire ». Une fois de plus et comme en Algérie, les Comores peuvent dire merci la France, pays des droits de l’homme, pays immergent, dictature en déshérence de lécher depuis des mois les babouches d’Azali pour avoir une paix civile qui sera de plus improbable à Mayotte avec l’arrivée permanente de kwassas et une nouvelle crise sur l’île sœur d’Anjouan.