FAUSSE DÉCENTRALISATION : UN COUP DE GUEULE DE JUPPÉ ?

Franck BULEUX

Edouard Philippe a déclaré, lors du Congrès de l’Assemblée des Départements de France, à Marseille, le 20 octobre 2017 : « La nouvelle étape de décentralisation ne sera pas celle de grandes transformations institutionnelles appliquées uniformément sur le territoire national. Il s’agira d’une étape où l’uniformité des organisations n’est plus la condition de l’unité de la Nation.

Une étape qui laisse place, non seulement à l’expérimentation, mais à la différenciation. Une étape où de nouvelles organisations voient le jour, en se fondant à la fois sur un cadre législatif national, qui les autorise, et des initiatives locales, qui les rendent possibles ».

Tout esprit sensé ne peut que souscrire à un tel programme et, en Normandie plus que partout ailleurs, les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle attendaient des plus hautes autorités de l’État la concrétisation d’un nouvel état d’esprit éminemment favorable à une vraie décentralisation, reposant sur une application réfléchie du principe de subsidiarité et, surtout, sur une confiance réciproque entre le pouvoir central et les collectivités territoriales concernées.

Hélas, et le cas de la Normandie constitue un véritable cas d’école, il n’en a rien été depuis le printemps 2017 jusqu’en ce début d’année 2019.

1.- L’État – et Matignon en l’occurrence – s’est arrogé la gouvernance du développement de l’Axe Seine. Le Préfet Philizot y règne, par délégation du Premier ministre, en quasi marionnettiste, intervenant sur tout, y compris sur les dossiers des mobilités (Ligne nouvelle Paris-Normandie, modernisation du tronçon de la ligne de fret Serqueux-Gisors, contournement Est de Rouen, etc.) … avec toutes les lenteurs que l’on connaît d’ailleurs ! (les fonctionnaires préfectoraux sont eux aussi de plus en plus en sous-effectifs!)

2.- L’État – Bercy en particulier – a refusé une régionalisation des ports du Havre et de Rouen et organise lui-même l’évolution du G.I.E. Haropa… au point que l’on se demande aujourd’hui s’il n’a pas la prétention de diriger la politique portuaire à partir d’un bureau parisien !

3.- L’État – par on ne sait quel organisme – a mis la main sur l’apprentissage ne voulant pas laisser aux Régions son financement et associant – avec réticence – à la gestion de ce secteur d’avenir les collectivités territoriales, pourtant plus à même de « coller » aux besoins des économies locales.

4.- L’État – tout dernièrement – veut reprendre aux Régions la gestion des fonds agricoles européens, alors que, dans le cas de la Normandie par exemple, une véritable dynamique s’est enclenchée entre le monde agricole et les autorités régionales…

Ces quatre exemples montrent, s’il en était besoin, d’une part la méfiance de l’État central à l’égard des Régions (qui, chaque jour davantage, font pourtant de plus en plus la preuve d’une gestion maîtrisée, contrôlée d’ailleurs par les Chambres régionales des comptes) et, d’autre part, le désir de la haute administration de se substituer aux pouvoirs locaux démocratiquement élus.

Nous assistons en fait à une recentralisation, que rien ne justifie

1er mars, coup de tonnerre : Alain Juppé, qui n’est pas un opposant de M. Macron, s’étonne que l’État veuille gérer le port de Bordeaux… On attend avec impatience la réponse du Chef de l’État !