Michel LHOMME (avec l’apport d’un correspondant Metainfos sur place)
Le gouvernement du Burkina Faso a annoncé vendredi la mort de douze civils dans une attaque terroriste ayant frappé un village du nord du pays, un bilan très lourd qui a justifié immédiatement le prolongement de l’état d’urgence de six mois. Les douze civils ont été tués le 10 janvier à Gasseliki, village de la région du Sahel (nord), dans une « attaque terroriste » perpétrée par « une trentaine d’individus armés ». Le groupe a aussi saccagé des boutiques de commerçants et a tiré sur les gens qui s’étaient réunis pour le marché hebdomadaire. En réaction, le chef d’état-major général des armées, Oumarou Sadou, a été limogé jeudi et remplacé par le colonel-major Moise Minoungou, précédemment commandant du groupement central des armées, selon un décret présidentiel lu à la télévision publique.
Cela fait maintenant trois ans que le Burkina Faso est confronté à des attaques djihadistes récurrentes de plus en plus fréquentes et meurtrières. D’abord concentrées dans le nord du pays, ces attaques se sont ensuite étendues à d’autres régions dont celle de l’Est, frontalière du Togo et du Bénin. Attribuées aux groupes djihadistes Ansaroul Islam et au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et à d’autres groupuscules, elles ont fait plus de 270 morts depuis 2015. Il y a eu dans le Nord (région de Damba et Bourro) 80 attentats ayant entraîné la mort de 133 personnes de 2015 à octobre 2017. Ouagadougou, la capitale, a été frappée à trois reprises, avec un bilan total de près de 60 morts. La dernière, en mars 2018, avait dévasté l’état-major général des armées, en plein centre-ville. Autrement dit la situation au Burkina Faso s’envenime.
En fait au Nord du pays, c’est plus de 24 500 burkinabés qui ont fui leur village (chiffres fournis par l’OCHA, l’Agence de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies) mais ils sont non seulement terrifiés par les djihadistes mais aussi par les forces de sécurité déployées sur place. En fait tout le Nord semble déstabilisé. La plupart des Burkinabés du Nord fuient vers le Mali, pays limitrophe. Ils y recherchent la paix ce qui peut paraître un peu paradoxal quand on sait comment le Mali lui aussi est instable et d’ailleurs plus en guerre que le Burkina. (Cf nos articles sur le Mali publiés sur l’ancien Métamag et repris dans les sites et quotidiens maliens).
Il y a en tout cas un réel problème de maintien de l’ordre au nord du pays avec des forces de sécurité (le GFAT, le Groupement de des forces antiterroristes) elles-mêmes quelque peu « troubles » par leurs exactions avérées sur les villageois parfois liquidés ou torturés parce que réputés complices des terroristes du fait de la loi du silence pratiquée par les villages sahéliens. Dans la Soum, effectivement, la population n’a jamais collaboré avec l’armée. De l’autre côté, ces forces gouvernementales ont souvent été livrées seules aux terroristes sans soutien aérien et sans renfort quand c’était parfois nécessaire. L’attaque de vendredi surprend en tout cas car jusqu’alors les djihadistes faisaient attention à ne pas s’en prendre aux civils privilégiant justement pour le recrutement local la dénonciation des abus criminels des forces de sécurité dans les opérations antiterroristes. Les jeunes suivaient.
Or, prenant le problème à bras le corps et conseillées par la France, les forces de sécurité nationales se sont professionnalisées un peu plus l’année qui vient de s’écouler avec la présence de prévôtés, c’est-à-dire de gendarmes et de greffiers militaires qui accompagnent toujours les opérations du GFAT. Les militaires ont tous reçu une formation aux Droits de l’Homme. Les djihadistes ne cherchent-ils donc pas maintenant à provoquer les GFAT, à provoquer la panique dans la population pour semer le chaos dans le Nord qui entraînerait du coup de violentes représailles de l’armée régulière ? Et n’importerait-il pas alors que l’armée française intervienne maintenant peut-être plus directement au Nord du Burkina afin d’enrayer les terroristes et de démanteler au plus vite la reprise des activités du groupe Al-Mourabitoune ou du GSIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans), la nouvelle coalition mafieuse d’Al-Qaïda pour le Sahel ?