RN-DLF : LES FAUX AMIS

Franck BULEUX

Depuis l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de mai 2017, il est de bon augure de souligner la proximité politique, voire probablement idéologique, entre le mouvement Debout la France, fondé et dirigé par le député de l’Essonne, Nicolas Dupont-Aignan et le Rassemblement national, fondé et dirigé par Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais.

En effet, DLF aurait brisé le cordon sanitaire qui séparait les partis dits républicains et le mouvement national, par nature exclu du partage des postes électoraux et administratifs qui en découlent. Admettons ce principe, même si pour la gauche, une partie de la droite et du centre et surtout les médias, toute proximité avec le mouvement national vaut contamination ad vitam aeternam, c’est-à-dire sans possibilité de retour dans l’arc républicain. C’est ainsi. La dédiabolisation a les limites que les médias lui imposent. En 1983, il était possible aux partis de droite et du centre (RPR et UDF) de s’allier avec le Front national (FN) à Dreux et ailleurs, mais cela n’est plus possible en 2018. Il faudra nous expliquer ce qui a pu se passer entre ces deux dates, a priori rien.

DLF a une particularité, c’est qu’il appelle les élus RN qui quittent ce mouvement (et il y en a pléthore à travers la France) à le rejoindre. C’est un travail systématique… et qui fonctionne fort bien. Des députés européens comme Bernard Monot, économiste élu au Parlement européen en 2014 ou des conseillers régionaux comme Yasmine Benzelmat, élue conseillère régionale FN des Yvelines en 2015, nombre d’élus « marinistes » rejoignent le combat du désormais dénommé NDA.

D’autres cadres ou élus intègrent la structure des Amoureux de la France (alliance en vue des élections européennes entre DLF, le Centre national des indépendants et paysans –CNIP et le Parti chrétien-démocrate-PCD) sans opter pour un des trois partis qui composent l’alliance conservatrice, tout en acceptant le leadership incontesté de Nicolas Dupont-Aignan (NDA) sur les présidents du CNIP, Bruno North et du PCD, Jean-Frédéric Poisson.

DLF semble donc avoir le vent en poupe. Sa liste créditée de plus de 7 % des suffrages exprimés lors des élections européennes de mai prochain, pourrait même se rapprocher, comptablement parlant, de celle des Républicains, leLR de Wauquiez aux positions illisibles et en pleine déconfiture. Les plus optimistes parlent de la dépasser…

Mais dans ses relations avec le RN, un nouveau problème -humain- se pose. Certes, de nombreux électeurs de droite sur les réseaux sociaux appellent à l’unité des mouvements, qui, à eux deux, ont réuni plus de 28 % lors des dernières européennes, plus de 31 % aux régionales de décembre 2015 et 26 % au premier tour de la présidentielle (soit plus que le candidat Macron). La stratégie d’union semble bien se porter. En effet, mis à part le CNIP en 1986, qui avait autorisé ses membres à figurer sur les listes emmenées par le FN, seul DLF a « osé » appeler à voter Marine Le Pen au second tour de l’élection, face à Emmanuel Macron. Signe de courage, certes mais qui donne droit, aussi, à récupération des ex-élites frontistes.

Déjà, aux législatives de 2017, des candidats venaient du FN comme, par exemple, Cendrine Blot, aujourd’hui veuve de l’ancien député RPR et ancien député européen FN, Yvan Blot et divorcée de l’ancien maire FN de Toulon, Jean-Marie Le Chevallier, entre 1995 et 2001.

Mais un problème se pose, les vases communicants ne sont pas sans danger pour des bonnes relations inter-partisanes. Le RN commence à reprocher, et le terme est mesuré, ce « pompage » systématique de ses anciens élus et cadres par les équipes de DLF. Marine Le Pen n’indiquait-elle pas, récemment, que si DLF voulait des élus, qu’il les fasse élire en son propre nom.

Bien évidemment, la permanence (quoi qu’on en dise) de la diabolisation du RN permet à d’anciens de ses cadres d’intégrer l’arc républicain tout en conservant la même rhétorique idéologique sur l’Union européenne et l’immigration abusive. Même si comme je l’ai indiqué plus haut, il est probable que la diabolisation de DLF soit en cours.

Le RN, en mettant en garde DLF, pose le principe suivant : il n’y aura pas d’union possible si, au sein de votre mouvement, figure tel ou tel individu. Ainsi, tout récemment, dans la livraison du quotidien bien-pensant Le Monde du 29 décembre 2018, la fondatrice du RN demande à Nicolas Dupont-Aignan de faire attention à ses recrutements… qui sont ses propres élus ! En voulant à son tour diaboliser les futurs représentants de DLF, l’élue du Pas-de-Calais diabolise ses propres troupes, qui plus est dans son propre département d’élection.

Pour en revenir à notre thème, l’union entre deux mouvements politiques n’est possible qu’en cas de complémentarité, entre un PS social-démocrate et un PCF collectiviste voici quelques décennies, entre un RPR national-gaulliste et une UDF centriste et européenne par exemple, mais pas entre deux mouvements dont les cadres de l’un sont issus de l’autre.

DLF pense qu’en pompant les cadres du RN, il en ramassera les voix. Qui sait ? Nous en reparlerons. N’est pas « national » qui veut… Mais à ce jour, l’union entre ces deux mouvements n’est plus à l’ordre du jour. Parce que l’union est un rassemblement, pas une OPA.