CRISE EN MER DU JAPON

Rémi VALAT-DONNIO, de notre correspondant metainfos au Japon

Tôkyô renforcera son potentiel de défense de Porte-avions et de chasseurs furtifs et polyvalents nord-américains d’ici cinq ans ans. Abe Shinzô tient ainsi la dragée haute à la Chine, et même si sa marge de manœuvre reste étroite, celle-ci est bien réelle. La double menace chinoise et nord-coréenne sert de levier à une politique d’armement digne de la 3e puissance économique mondiale (mais seulement le 7e potentiel militaire). Cette décision s’intègre dans un processus de temps long (depuis 1954), mais le Pays du Soleil Levant a sensiblement renforcé sa politique de défense depuis 2014 (consécutivement à l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, qui mène une politique ouvertement impérialiste, hostile au Japon et aux puissances occidentales).

Plus proche de nous (ce mois d’octobre), le discours martial du président de la République chinois aux armées (retransmis en direct à destination de l’ensemble des personnels) invitant l’Armée populaire de Chine à renforcer son entraînement et de se préparer à l’éventualité d’une guerre n’a rien de rassurant, d’autant que Pékin (qui n’a pas oublié le passé, à savoir la présence occidentale et japonaise sur son sol) mène une politique commerciale de conquête à l’égard de l’Europe et du continent africain, poursuit sa politique de revendications territoriales et d’occupation illégale d’îlots en mer de Chine aux mépris du droit international et travaille avec une ardeur à son élévation à la première place mondiale pour 2049, sans considération aucune pour le bien-être de sa population, qui a connu d’autres marches forcées du même genre sous Mao (l’environnement et les libertés publiques restent les grandes perdantes de cette folle course en avant).

Face à la montée de ce péril, la diète japonaise a adopté un nouveau plan quinquennal envisageant le développement de la marine, des forces aériennes, des moyens de cybersécurité
et de surveillance spatiale du Japon pour un budget de l’ordre
de 27 470 milliards de yens (environ 215 milliards d’euros). Deux porte-avions avec la banière du Soleil Levant ont été budgétairement actés, les deux portes-hélicoptères initialement prévus vont être transformés afin d’accueillir des chasseurs à décollages courts et verticaux. La marine japonaise qui a toujours pris pour modèle la Royal Navy britannique va donc s’équiper de portes-aéronefs remplissant les mêmes fonctions que le Queen Elisabeth entré en service il y a un an (décembre 2017), armé d’avions F-35B américains. Selon le ministère de la Défense nippon, les deux navires
serviront de relais et n’hébergeront aucun avion dans leurs soutes. Tôkyô envisage également dans le cadre de son partenariat économique avec les États-Unis l’acquisition de 42
chasseurs furtifs F-35B, compatibles avec ce type de bâtiment,
et 105 chasseurs polyvalents F35A. 

Cette décision complète la panoplie défensive japonaise en cas d’invasion de son territoire ou de l’archipel des Senkaku par Pékin. En effet, depuis le 27 mars de cette année, les forces d’autodéfense japonaises disposent d’une brigade de déploiement rapide amphibie (cette création a été programmée en 2014), stationnée dans la préfecture de Nagasaki (ce qui lui permet un engagement rapide vers les îles japonaises du sud-ouest, mais pourquoi pas intervenir si nécessaire dans les îles Kouriles face à la Russie), composée de 2 100 hommes et équipée de matériel lourd américain (aéronefs Osprey et véhicules amphibies AAV-7). Leministère de la Défense travaille par ailleurs sur une réorganisation de l’infanterie de laquelle émergera à terme huit divisions de déploiement rapide.

Depuis 2014, le Premier ministre japonais bataille ferme contre l’opposition et l’opinion (attaché au pacifisme de l’après-guerre, mais qui sous-estime encore la dangerosité de la politique étrangère chinoise ) pour modifier l’article 9 de la constitution qui prive son pays du libre emploi de ses forces armées, lesquelles participent avec des règles d’usage restrictives à des opérations de maintien de la paix. La loi du 19 septembre 2015 a élargi les prérogatives des forces d’auto-défense, une clause « d’autodéfense collective » leur permet d’intervenir pour protéger une puissance alliée engagée dans un conflit, et ceci sans qu’il n’y ait aucune menace directe sur le territoire japonais. Cette panoplie de décision va dans le bon sens, car outre le renforcement des moyens de sa défense, le Japon grignote du terrain pour son accession au rang de puissance militaire de plein droit (qui passera inévitablement par une révision de l’article 9 de la Constitution de
1946) accession qui permettrait à la 3e puissance économique
mondiale (et acteur politique majeur de la scène politique internationale) de négocier son entrée au Conseil de Sécurité de l’ONU.

Ce processus est inévitable, car la population japonaise vieillissante modifiera peu à peu sa perception de la menace chinoise, et finira par convenir de la nécessité d’une politique de défense forte, de tourner la page avec le passé et permettra aux gouvernements japonais de demain de renégocier (plus équitablement) le partenariat militaire de leur pays avec les États-Unis ou d’autres puissances.