L’AUTRE GRANDE ROUTE CHINOISE

Michel LHOMME

La vision de la Chine One Belt One Road, la «nouvelle route de la soie» tend à occulter la vraie offensive chinoise du moment, celle qui est matériellement en cours  au cœur de l’Afrique noire.  En fait, la Chine met actuellement les bouchées doubles pour  construire deux routes commerciales transocéaniques reliant l’océan Indien et les côtes atlantiques, d’où sa présence par exemple à Moroni ou sur l’île d’Anjouan aux Comores pour la construction d’un grand CHU au vu et au su d’une France humiliée et paralysée par la stupidité politique de la départementalisation de Mayotte pour de simples raisons électoralistes (merci Sarkozy !). 

En effet, pour assurer sa puissance économique mondiale et surtout son approvisionnement en matières premières, la Chine a besoin de contrôler deux grandes routes africaines :

La NTAR ou RouteTransocéanique Nord Africaine

La NTAR ou route du nord devrait être une voie intermodale intégran les infrastructures ferroviaires et fluviales, reliant le port de Mombasa, situé dans l’océan Indien au Kenya, au port atlantique de Matadi au Congo ou au port de Pointe-Noire de la République du Congo. Un chemin de fer est actuellement prévu pour aller de Mombasa à la capitale ougandaise de Kampala. Il serait ensuite prolongé sur la ville de Kisangani, au nord-est du Congo, sur les rives du fleuve Congo car de là, le fleuve le plus profond du monde est navigable jusqu’à la capitale congolaise, Kinshasa, et Brazzaville. Cette route du nord a une signification supplémentaire en raison de sa proximité avec le futur barrage Inga 3 construit par la Chine, que TheGuardian estime être le plus grand du genre au monde. Selon TheGuardian, le mégaprojet chino-congolais Inga 3 pourra fournir 40% des besoins en électricité de l’Afrique avec un potentiel énergétique équivalent à vingt réacteurs nucléaires. La Chine souhaite commencer les travaux au plus vite avant la fin de l’année, juste après les élections congolaises. Une telle prouesse colossale de l’ingénierie chinoise permettra à l’Empire du Milieu et à son partenaire congolais d’exercer une influence multipolaire sur la majeure partie de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Actuellement, le projet fait l’objet de lourdes critiques de la part des ONG en raison de son impact environnemental et du fait que plus de 35 000 personnes pourraient être déplacées. Ces Ong sont occidentales et révèlent la position américaine qui a forcé Kabila à démissionner à la fin de son mandat, pour permettre son remplacement par un leader pro-occidental plus fiable, un homme-lige, pas vendu aux Chinois, l’actuel candidat de l’opposition aux élections présidentielles.

Deuxième route : la STAR ou route africaine transocéanique méridionale (STAR) :

La route du sud (STAR) est déjà partiellement couverte par le chemin de fer de Tazara construit par les Chinois dans les années 1970, qui relie la côte tanzanienne près de la plus grande ville de Dar es Salaam aux régions riches en cuivre du centre de la Zambie. De là,d’autres infrastructures ferroviaires ont été construites de manière indépendante à travers la région congolaise du Katanga, riche en ressources minérales. Les chemins de fer du Katanga étaient reliés au chemin de fer angolais de Benguela mais il est actuellement hors service suite aux guerres civiles. La Chine le remet actuellement en marche. La Chine envisage également d’étendre le chemin de fer Tazarz du centre de la Zambie au carrefour angolais-congolais via son projet NorthWest Railroad. Pas moins de 7 pays africains seront ainsi connectés à ces deux projets, 3 autres (Rwanda, Burundi et Malawi) étant si étroitement liés que leur stabilité est essentielle à leur viabilité. Mais curieusement depuis quelques mois semaines, un groupe armé islamiste a fait son apparition au Nord du Mozambique. Des Islamistes qui semblent bien armés mènent actuellement des raids dans la région de Moçimba de Praia à l’extrême nord du pays qui rappellent totalement le mode opératoire de Boko Haram au Nigeria.Ce sont de jeunes musulmans radicalisés, la population locale les nomme comme en Somalie les « chabab »(« les jeunes », en arabe).Ils affirment combattre l’État et vouloir l’application de la charia, de la loi islamique. Leurs premières cibles sont les fonctionnaires – policiers, leaders communautaires, infirmiers,professeurs – et on compte déjà plusieurs morts parmi les élites dirigeantes cultivées de la région. Mais le reste de la population est aussi visé, même si les autorités évitent de l’admettre. Les habitants parlent d’assassinats à la machette dans les champs, d’enlèvements de femmes et de maisons sauvagement brûlées. Dans le village de Makulo, à une trentaine de kilomètres de Moçimba, les assaillants ont brûlé une église et hissé le drapeau de l’État islamique,avant d’être délogés. Bizarre car on a vu traîner aussi dans la région des mercenaires privés américains. Les conseillent-ils ? Déstabiliser le nord du Mozambique, ce serait aussi casser d’une certaine manière la seconde route chinoise.

Enfin, les Routes Africaines Transocéaniques du Nord et du Sud sont des projets purement chinois et il importe qu’une fois construite ces routes soient contrôlées d’où l’importance pour la Chine d’avoir dans la région des alliés fiables, des Etats-amis comme l’est actuellement le Congo de Kabila. Pour d’autres puissances, les Etats-Unis, il importe de déstabiliser au contraire ces régions, quitte à les islamiser ou à utiliser l’arme des migrations de masse.

Et c’est là que nous retournons à Mayotte et en France. Dans le laxisme de nos dirigeants et la bêtise de nos hauts fonctionnaires se trouve cette ignorance crasse : les flux de populations sont presque toujours politiques et sont utilisés aujourd’hui par beaucoup d’Etats comme des armes nouvelles, qu’on appelle d’ailleurs maintenant dans le jargon militaire « les armes des migrations de masse ».

Déstabiliser le Congo peut donc s’avérer profitable afin de contenir la menace que représenterait le développement des Routes Africaines Transocéaniques. Une guerre au Congo mettrait en péril le commerce de cobalt en Chine handicapant l’ambition actuelle de Pékin de faire de la Chine le leader mondial de la technologie des batteries électriques. D’autres plans peuvent être aussi réactualisés comme la sécession du Katanga mais par les positions influentes prises dans les mines au Congo, une nouvelle donne d’importance pourrait  apparaître. La Chine a dorénavant des investissements miniers lourds dans les quatre provinces du sud-est du Congo et il paraît improbable qu’elle ne souhaitera pas les défendre s’ils viennent à être sérieusement menacés, ce qui constituerait une rupture majeure avec la politique normalement passive et de non intervention militaire  de la Chine dans le domaine international.

On aura donc compris, qu’en raison de l’ampleur des enjeux géostratégiques et économiques du Congo, le renouvellement des conflits dans la région du Katanga et des Grands Lacs risque fort de devenir dans les mois qui viennent une crise mondiale. Le changement de régime attendu au Congo en 2018 s’y prête. Les États-Unis ont plusieurs raisons de vouloir que se produise un effondrement du Congo à la manière irakienne afin de perturber le flux minéral existant au Congo, affaiblir la capacité industrielle de la Chine et prendre le contrôle de cette zone si riche en minerai rare et afin de consolider pour leur propre compte le contrôle hégémonique des technologies du futur.