MICHEL LHOMME
Les kwassas-kwassas de Mayotte réservent parfois quelques surprises comme par exemple la présence dans ses « cales » d’un congolais politisé, membre de l’opposition et menacé dans son pays qui nous permet de posséder des informations de dernière main sur le Congo de ces derniers mois. Qui sait en effet qu’une crise diplomatique d’importance oppose aujourd’hui le président en exercice Kabila à l’ancienne puissance coloniale, la Belgique et pas seulement sur la tenue démocratique ou non des prochaines élections où Kabila souhaitait à la manière africaine devenir un président à vie, briguer un troisième mandat ce que finalement il ne pourra pas faire ? En effet dans le dos de la Belgique, le président congolais a offert ses mines en particulier de cobalt et de métaux rares à la Chine et pour cela, il s’en est pris ouvertement aux intérêts occidentaux en réformant totalement le code minier en vigueur. Ce nouveau code minier, véritable cadeau aux sociétés minières chinoises fut à l’origine de la détérioration en 2018 des relations diplomatiques du Congo avec la Belgique et l’UE au point que fut fermée la maison Shengen de Kinshasa et les visas congolais bloqués. Mais qu’en est-il exactement de cette réforme du code minier congolais qui ne vise officiellement qu’à augmenter les impôts et les redevances pour le bien officiellement il va sans dire du peuple congolais ?
En janvier 2018, Kabila avait fait voter une loi minière qui permettait la taxation à 10 % des « minerais stratégiques » tels que le cobalt, métal rare utilisé aujourd’hui pour la fabrication des téléphones portables, des missiles et des batteries des futurs véhicules électriques mais aussi d’autres métaux comme le niobium, le germanium, l’antimoine, le tantale, le tungstène, le graphite, tous vecteurs essentiels des nouvelles technologies, celles qui nous permettront de dépasser l’ère du charbon, celle du pétrole, voire même l’ère du nucléaire. (https://www.mondialisation.ca/ruee-sur-le-cobalt-le-sous-sol-congolais-continue-a-aiguiser-les-appetits-des-multinationales/5624187). La taxe minière en question est passée de 2% à 10% et a donc fait hurler les géants miniers internationaux parce qu’ils devront inévitablement répercuter les nouveaux coûts sur les consommateurs afin de maintenir leurs marges bénéficiaires.(http://lesakerfrancophone.fr/code-minier-du-congo-kabila-contre-les-compagnies-miniere-du-cobalt) L’initiative de Kabila qui rapporterait au gouvernement plus d’un milliard de dollars de recettes a donc fait l’objet d’une levée de bouclier de toutes les compagnies minières parce qu’elle changeait unilatéralement la donne de l’extraction minière dans le pays.
Le Congo est le plus grand producteur de cuivre d’Afrique mais aussi la plus grande source de cobalt au monde et sa production a bondi de 15,5% l’année dernière à 73 940 tonnes. La nouvelle loi minière congolaise l’a comprise qui a transformé le colbalt en minerai stratégique.
Dans les médias occidentaux, on sent qu’on prépare le terrain dans la manière de couvrir les élections présidentielles congolaises: Kabila est le méchant, le gouvernement congolais ferait face à une crise de légitimité, souhaitant presque en sous-main là bas aussi une « révolution colorée » en gilets jaunes. Certes cette année des manifestations politiques dans le pays ont entraîné des centaines de morts, une marche pacifique de l’église catholique a été sévèrement réprimé, et de nouvelles rébellions armées ont éclaté dans l’est et le sud-ouest du pays. Mais qui arme l’Ouganda aux frontières ?
Taxer les mineurs au nom du nationalisme économique serait en tout cas le moyen qu’aurait choisi Kabila pour réunir nourrir son peuple, investir dans les infrastructures tout en ayant à la fois suffisamment de fonds pour rester au pouvoir, affronter son principal adversaire Felix Tshisekedi qui dirige le principal parti traditionnel de l’opposition.
Nonobstant,ce nationalisme économique apparent est à juger à l’aune d’un autre événement d’importance : la vente à la Chine de l’un des contrats les plus importants de ce siècle, un contrat de 2,65 milliards de dollars pour la mine de Tenke dans le sud-est de la République démocratique du Congo. C’est un accord révolutionnaire qui fera de la Chine le leader mondial de la technologie des batteries électriques en lui permettant de contrôler plus de 62% du marché mondial du cobalt sachant que la demande de cobalt augmentera des deux tiers dans les dix prochaines années. Ainsi, par la mine de Tenke, la Chine se retrouve grâce à Kabila à l’avant-garde du mouvement mondial vers les véhicules électriques, disposant d’un avantage exceptionnel sur les États-Unis pour prendre le contrôle des systèmes de transport personnels, commerciaux et militaires du futur. Sauf que pour asseoir cette nouvelle puissance, la position industrielle de la Chine va dépendre en grande partie de la stabilité politique du Congo d’où l’intérêt pour certains sans doute à le déstabiliser.
N’oublions pas le Congo fut le pays de la première guerre mondiale de l’Afrique celle des années 1990 où furent tués près de 5 millions de personnes dans la quasi indifférence générale. Le Congo risque d’être à nouveau en 2019 le grand champ de bataille de la prochaine rivalité africaine des années 2020, celle des Etats-Unis contre la Chine et ceci paraît évident pour les plus éclairés de ses habitants, fussent-ils arrivés aujourd’hui en loques dans des embarcations clandestines à Mamoudzou. Le Congo doit certainement se préparer à ce qui pourrait s’avérer être une période de conflit de basse intensité catastrophique, de guerre hybride à l’américaine, ce pays-continent demeurant pour des raisons minières le cœur géostratégique de l’Afrique.