INQUIÉTANT CONGO

Michel  LHOMME

Métainfos vise la publication quotidienne de deux articles à chaque fois inédits et couvrant toute l’actualité en n’oubliant jamais bien sûr l’actualité internationale et en particulier africaine ou latino-américaine. Quant les collaborateurs ne répondent pas à l’appel, le rédacteur en chef s’y colle  lui-même tout simplement ! Cet article doit  beaucoup à nos amis congolais de Mayotte. Et d’ailleurs dans ce spécial Congo, nous remettons en ligne comme deuxième texte du jour un article que nous avions publié avant l’été sur le regretté Metamag. 

L’épidémie de virus Ebola qui sévit dans l’est de la République démocratique du Congo depuis août et qui a fait 271 morts « va encore durer quelques mois », a estimé jeudi 6 décembre le ministre congolais de la Santé. En réalité c’est au mois de mai 2018 que l’OMS avait lancé l’alerte et déjà signalé trente-deux cas en se préparant disait-elle à l’époque « au pire des scénarios » ( LeMonde du13-14 mai 2018).L’épidémie ne fut pourtant déclarée officiellement que le 1er août !

C’est la dixième épidémie Ebola qui sévit dans les provinces troublées par la guerre civile du Nord-Kivu (est du Congo) et de l’Ituri (Nord-est).Depuis le début, le cumul des cas est de 458, dont 410 confirmés et 48 probables. Au total, il y a eu 271 décès et 146 personnes guéries. La maladie touche actuellement quatorze zones de santé. En 2014, l’épidémie d’Ebola avait fait 11 000 morts en Afrique de l’Ouest et l’OMS avait alors été accusée d’avoir réagi tardivement et pris la maladie à la légère.

Les médecins sur place se heurtent à la difficulté de pouvoir réellement désinfecter les villages faute de pouvoir interdire de laver les corps lors des enterrements rituels. Or, il faut retracer les contacts qu’ont eus les personnes infectées, les suivre, les mettre en quarantaine dans des centres d’isolement et de prise en charge et ce, dans des régions paysannes et isolées qui croient encore trop souvent aux guérisseurs traditionnels. Médecins sans frontières a délégué une équipe sur place qui renforce le « pool urgence Congo »(PUC) créé par l’OMS. Cette fois ci, l’épidémie d’Ebola inquiète plus car elle est signalée dans des centres urbains à forte densité.

La région concernée est aussi une zone de grande insécurité, en raison de la présence de dizaines des groupes armées. Quatorze casques bleus ont en effet été tués et 53blessés dans une attaque jeudi dernier sur une une base de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco), dans la province du Nord-Kivu. Par ailleurs, la République démocratique du Congo, le plus grand et le plus instable des pays d’Afrique subsaharienne, est entré dans une période incertaine amplifiée par l’approche des élections prévues le 23 décembre, déjà deux fois reporté, un scrutin présidentiel à un seul tour. Redoutant de sérieux troubles, les États-Unis ont ordonné vendredi le départ des équipes jugées non essentielles de leur ambassade à Kinshasa.

L’actuel chef de l’État, Joseph Kabila, fils et successeur du président tué le 16 janvier 2001, s’est résigné à quitter le pouvoir, contraint par la Constitution qui lui interdisait un troisième mandat mais aussi sous la pression certaine de l’Occident avec lequel il a pris de plus en plus ses distances en devenant même aujourd’hui l’homme africain à abattre pour les largesses qu’il aurait accordé à la Chine. Kabila a néanmoins désigné un « dauphin »dans la course à sa succession, l’ex-ministre de l’Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary de 58 ans. Ramazani a face à lui une opposition divisée entre deux têtes d’affiche : Félix Tshisekedi, 55 ans de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et Martin Fayulu. L’élection se jouera donc entre ces trois candidats principaux parmi 21 candidats inscrits qui font campagne aux quatre coins d’un pays-continent de 2,3 millions de km2. Dans un communiqué commun, les Nations unies, l’Union européenne,la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada et la Suisse se sont inquiétés cette semaine des violences pré-électorales sur fond de machines à voter suspectes. Un incendie d’origine criminelle a détruit en effet jeudi 80% des machines destinées à la capitale. Mais l’élection aura bien lieu. On craint des fraudes massives et des soulèvements violents après la proclamation des résultats et avant durant les derniers meetings électoraux de la semaine prochaine.

En marge des polémiques et des violences, les candidats ont tous promis des milliards de dollars sur cinq ans pour sortir la RDC de la pauvreté, discours que l’on entend depuis des années dans toute l’Afrique comme dernièrement à Madagascar qui est elle-aussi dans la dernière ligne droite d’un second tour qui se déroulera le 19 décembre et qui verra deux ex présidents s’affronter Marc Ravolamanana face à Andry Rajoelina.(https://www.pressafrik.com/Madagascar-Ravalomanana-Rajoelina-deux-ex-presidents-a-la-reconquete-de-leur-pays_a193743.html).Le Congo est pourtant comme Madagascar un pays qui regorge de tout, de cobalt, de cuivre, de coltan, d’or, de diamants, alors que la vaste majorité des Congolais vit avec moins de deux dollars par jour et ne pense donc qu’à fuir en Europe et pour beaucoup de plus en plus via les kwassas des Comores.

Il y a en effet un afflux réel de Congolais clandestins à Mayotte que la France emploie même comme enseignants contractuels ou qui parce que très jeunes se retrouvent dans des classes de lycée.

Rappelons enfin dans cette actualité congolaise que c’est l’écrivain francophone Alain Mabanckou qui a reçu cette année le Prix Renaudot en signant justement son livre le plus politique avec Les cigognes sont immortelles, une plongée sensible dans la violence politique au Congo vue par les yeux de l’enfant qu’il a été et qu’il est en somme toujours resté.