GAZA PIRE QUE LE GHETTO

Michel LHOMME

Deux Israéliens et deux palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée (la Judée-Samarie pour Israël) qui connaît donc ce jeudi un brutal retour de la violence. En réaction, l’armée israélienne a annoncé le bouclage de Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et l’envoi de bataillons d’infanterie en renfort. Au même moment et sans lien direct apparent avec les événements de Cisjordanie, un Palestinien a été abattu après avoir blessé à l’arme blanche deux policiers dans la Vieille ville de Jérusalem-Est annexée. La Cisjordanie se réveillerait-elle tandis qu’un calme précaire reviendrait dans la bande de Gaza ? Au pouvoir à Gaza, le mouvement palestinien Hamas a pourtant revendiqué les attaques anti-israéliennes survenues le 7 octobre et le 9 décembre derniers. Face à ces attaques depuis dimanche dernier, les forces israéliennes emploient les grands moyens, allant jusqu’à procéder à des descentes dans les locaux du ministère palestinien des Finances et de l’agence officielle Wafa, à Ramallah. Rappelons que contrairement à la France, on ne badine avec le terrorisme en Israël : les biens du clan familial sont systématiquement détruits et les comptes bancaires des inculpés saisis. Entre la Cisjordanie et Jérusalem-Est, plus de 600.000 colons israéliens mènent une coexistence souvent conflictuelle avec trois millions de Palestiniens. La colonisation est illégale au regard du droit international. Après l’attaque de dimanche dernier, M. Netanyahou avait assuré que les assaillants cherchaient à pousser les Israéliens à partir, mais qu’il poursuivrait sans faillir la colonisation. En revendiquant les attaques, les Brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du Hamas, ont affirmé dans un communiqué que « l’ennemi ne doit rêver ni de sécurité, ni de stabilité en Cisjordanie ».

Gaza en tigre affamé ?

A Gaza, camp de concentration à ciel ouvert, la vie se déroule au gré des pénuries alimentaires et des coupures régulières d’électricité. Mais où en est vraiment le Hamas ? Yahya Sinouar, son nouvel homme fort ( https://www.jeuneafrique.com/mag/407128/politique/gaza-yahya-sinouar-nouvel-homme-fort-hamas/) a tenté semble-t-il cette année deux voies délicates : la réconciliation avec le Fatah du président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas, réconciliation actuellement dans l’impasse et ce qu’il appelle la « résistance populaire » menée aujourd’hui de plus en plus par des loups solitaires hors sol à croire que Gaza s’est engagé dans une entreprise suicidaire. Le Hamas avait par exemple délaissé cette année la lutte armée directe pour la « marche du grand retour » à la frontière israélienne lors de la contestation contre l’implantation de l’ambassade américaine à Jérusalem (les 14 et 15 mai) et la traditionnelle Nakba qui se solda par cent quinze de morts du côté palestinien et 13 000 blessés, des morts il faut bien le dire pour rien, même pas pour une victoire symbolique sur les barbelés. Aussi lancer ainsi son peuple contre des grillages que l’on sait être imprenables est-ce vraiment moral ? N’est-ce pas le livrer directement aux tirs des soldats israéliens, à l’expérimentation de leurs nouvelles armes comme leurs drones tueurs miniatures ou largueurs de gaz lacrymogènes. Serait-ce la nouvelle politique du sacrifice musulman, une sorte de catharsis collective afin de pouvoir continuer à se maintenir au pouvoir et surtout s’en mettre plein les poches avec les subventions internationales et la gestion des trafics engendrés par la pénurie ?

Israël serait prêt en tout cas à une nouvelle confrontation militaire pour remettre les pendules à l’heure dans la perspective d’un nouveau plan de paix que proposerait alors en un rapport de force positif le président américain Donald Trump, plan qui viserait à alléger l’enfer quotidien des habitants de Gaza. Des tunnels de ravitaillement découverts avec le Sud Liban sont actuellement en voie de démantèlement armé et l’Égypte essaie de son côté de réduire la tension en ouvrant opportunément et régulièrement le passage de Rafah.

La presse israélienne a fait mention subrepticement de contacts indirects (diplomatie secrète ?) entre le Hamas et les autorités israéliennes en vue de la conclusion d’une trêve à long terme sur dix ou quinze ans. Conscient de la supériorité militaire écrasante de Tsahal et du marasme ambiant de Gaza, de la corruption palestinienne des territoires, le Hamas et son nouveau dirigeant y seraient prêts même si pour l’instant Yahya Sinouar nie toute négociation en cours. Israël serait même décidé à favoriser des projets de développement du territoire sans contrôle de l’ONU ou de l’UE, son préalable étant la fin des branches armées du Hamas ce que viennent compromettre les assassinats de ces derniers semaines. Ce préalable suppose en tout cas le désarmement des Palestiniens. Est-ce imaginable et qui le supervisera ? En attendant dans l’indifférence générale des médias occidentaux, sans trêve de Noël, avec la responsabilité du Hamas, les coups bas du Fatah contre le camp (salaires des fonctionnaires non payés) et l’intransigeance de Netanyahou, Gaza nous rappelle le Ghetto de Varsovie affamé, sans sanitaire et sans lumière avec sa jeunesse délabrée et en colère, une vraie bombe à retardement.