LE TOTALITARISME QUI VIENT

par  Franck BULEUX

Il est de bon aloi de définir la victoire bolchevik de 1917 comme une prise de pouvoir par une minorité politique active, organisée et violente, succès qui a mis en place le totalitarisme le plus long et le plus meurtrier du XXe siècle avec ses cohortes de victimes.

Réunion du Parti bolchevique en 1920 (Lénine est à droite).

Cette faction radicale, majoritaire au sein du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) devenue indépendante en 1912, prônait l’organisation d’un mouvement de cadres, fondé sur des militants révolutionnaires et ne recherchait pas la formation d’un parti de masse, comme leurs concurrents au sein du POSDR, les mencheviks.

La fin de l’URSS, dissoute le 26 décembre 1991, a laissé un monde unipolaire pour certains, compte tenu de la puissance des États-Unis, pour d’autres multipolaire, relative aux faiblesses de l’oncle Sam. Toute-puissance ou faiblesse, le débat est loin d’être tranché même si la présence états-unienne reste prépondérante à travers le monde, que ce soit dans le cadre d’un « hard power », politico-militaire que d’un « soft power », économique et culturel. La dénonciation, dès les années 1970, de l’omniprésence et de l’omnipotence de la « sous culture américaine » par la Nouvelle droite animée par Alain de Benoist et Guillaume Faye, notamment via la revue Éléments, reste un marqueur de la prise de conscience de l’influence occidentale américaine sur l’Europe continentale. En juillet 1982, voici quarante ans, le discours de Mexico du ministre socialiste de la Culture, Jack Lang est repris par la Nouvelle droite, celle-ci appréciant le souhait du ministre de ne pas devenir des « hommes sandwich des multinationales ». Au-delà des discours, le rejet de l’américanisme et de ses dérivés reste évidemment un vœu pieu au sein de notre élite politique et économique, droite et gauche confondues.

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Cette tendance à l’américanophilie, issue de la Libération avec la distribution des cigarettes, des jeans et des chewing-gums aux populations sidérées, reste prépondérante. En outre, la fin de la Guerre froide entre les blocs a rapidement laissé place à un monde devenu le miroir des États-Unis.

Certes, le « soft power » n’est pas l’alignement de missiles (souvenons-nous des SS 20) à proximité de notre pays. Le danger du totalitarisme soviétique semble lointain même si le désir d’empire est probablement inhérent à la dimension territoriale de la Russie, communiste ou non.

Mais le « soft power » n’en est pas moins dangereux pour l’identité de notre civilisation. Les États-Unis sont capables de produire des idées conservatrices propices à une renaissance des droites (de Ronald Reagan à Donald Trump en passant par la poussée « droitiste » de Ross Perot dans les années 1990 et le Tea Party) mais aussi des formes nihilistes.

Ainsi, le wokisme est né aux États-Unis et ce totalitarisme larvé s’étend en France, exclusivement pour l’instant dans les milieux intellectuels comme à Sciences Po (autant à Paris que dans les instituts situés en régions, comme celui de Grenoble) mais cette « dictature des minorités » ne saurait se circonscrire à des universités.

On peut définir le wokisme comme une conception inclusive radicale de la société occidentale visant à dénoncer, comme a priori responsable des affres du monde, tout individu représentant une forme d’identité majoritaire : prenons l’exemple d’un individu blanc hétérosexuel qui semble correspondre, surtout après un certain âge, à la référence la plus effroyable. Il s’agit de systématiser une société dite « raciste » (le racisme systémique est celui engendré non par un groupe mais par les institutions) et intolérante pour lui opposer une société « ouverte ». Ce qui lui est contesté ? Ce qu’il est, son existence même. Certes, sa condamnation est morale et non physique mais elle consiste à produire de sa part une pensée inspirée du wokisme. Le fait d’être blanc a une contre-partie, celle de donner des gages aux autres communautés.

L’histoire de l’Occident exige que les Blancs soient redevables envers les autres communautés visibles. Le concept du patriarcat vient s’ajouter à celle de l’aspect physique : le modèle traditionnel de la famille est battu en brèche par les militants de la diversité sexuelle, qui ne manquent pas d’imagination concernant les types de relations (LGBTQIA+… Le « + » laisse entendre qu’il n’y a pas de limites à l’exclusion de l’hétérosexualité et je vous laisse imaginer quelles perversions peuvent naître de ce « + »). Aussi, le wokisme cible deux ennemis : le Blanc et l’hétérosexuel, souvent d’ailleurs associés par un mouvement sectaire visant à mettre en valeur les Afro-Américains. Comme si ces derniers participaient dans leur majorité à la communauté LGBT…

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Loin de représenter un « universalisme » longtemps prôné par la gauche, sociale-démocrate ou communiste, le wokisme ne joue pas sur une dynamique d’altérité sociale mais raciale ou identitaire. Il n’y a plus de représentation sociale de l’adversaire mais on constate, au contraire, cette fusion capitaliste entre l’élite économique et le wokisme qui ne demande qu’à développer sa « marque », sa visibilité, sa « Pride ». Aussi, la partie « traditionnelle » de la société, peu importe son origine sociale, est mise à l’encan, car elle ne correspond pas à ces « envies d’ailleurs » : le choix du genre, la procréation médicalement assistée (PMA), la gestation pour autrui (GPA)… Le wokisme vise à complexifier le monde en substituant à la fonction naturelle celle de l’exigence individuelle. Le progressisme n’est plus le symbole de l’augmentation du pouvoir d’achat mais l’incarnation de la multiplication de droits individuels : le droit à l’enfant est emblématique de cette « évolution ».

Au niveau des hommes, le wokisme vise à minorer la présence de Blancs. Il est vrai que l’évolution démographique aide à cela, notamment avec les chiffres américains. Le wokisme gagne ainsi du terrain, d’Ouest en Est. Netflix est le symbole de ce courant : l’image d’Omar Sy comme vision d’un Arsène Lupin moderne est, à ce sujet, emblématique. Jésus est une femme noire, communiste et lesbienne annonçaient certains groupes à la fin des années 1960, véritables précurseurs du wokisme. Tout devient anachronique. Déjà, certains groupes extrémistes avaient rendu les pharaons noirs. Pourquoi ? Parce qu’ils furent des bâtisseurs ? Et l’esclavagisme de l’époque ne gêne pas ces groupes ?

OMAR SY EN ARSENE LUPIN

Le courant « woke » vise à un révisionnisme absolu. Il déboulonne les statues pour leur opposer de nouvelles figures, faisant de nos héros des  esclavagistes. Haro sur les livres d’histoire !

Ce mouvement n’est pas sans rappeler l’image de fin d’un monde, le nôtre. Dans les années 1970, le roman de Pierre Boulle, La Planète des singes, avait initié une bande dessinée montrant la Statue de la Liberté effondrée dans les eaux après une catastrophe nucléaire et, science-fiction oblige, le remplacement des humains par des singes devenus intelligents à la suite de l’évolution du monde et de la faiblesse de notre espèce.

Comme si la fin de notre histoire était annoncée. Car que souhaitent les partisans du wokisme à part une nouvelle lecture de l’histoire ? Résister à ce révisionnisme exprimé (et non réprimé) c’est s’exposer à être considérés comme raciste et machiste, autant dire être mis au ban de la société éduquée, normalisée, celle de l’élite.

Certes, l’aile droite du Parti républicain résiste au wokisme outre-Atlantique et on ne peut que se satisfaire d’une certaine évolution conservatrice mais celle-ci semble limitée face aux progressistes, revenus au pouvoir avec la victoire contestée, mais retenue, de Joe Biden. En France, la tentation totalitaire s’exprime par les voix de nombreux cadres et élus de La France insoumise (LFI) et d’Europe-Écologie-Les Verts (EELV) sans compter les personnalités proches de ces mouvances comme Aymeric Caron, toutes regroupées au sein de la NUPES, structure électorale de gauche visant à la disparition de la social-démocratie et de ce qu’on appelait « la deuxième gauche » représentée en son temps par Michel Rocard puis Jacques Delors et Dominique Strauss-Kahn.

Au-delà d’un quart de l’électorat (ce qui n’est pas négligeable), ce sont nos systèmes de pensée qui sont attaqués : les universités mais aussi les médias et, pire encore, le peuple lui-même.

En effet, le dernier rempart contre le wokisme est le peuple. Mais ce peuple a compris, car il n’est pas sot, qu’il pouvait défiler contre la hausse du prix de l’énergie (le mouvement des Gilets jaunes) mais qu’il devait éviter de se révolter contre l’inversion des valeurs.

Depuis de nombreuses années, les lois visant à rendre répréhensibles toute discrimination ou supposée telle s’étendent à toute remarque, à toute critique, même positive. Mettre une personne obèse en garde contre les conséquences de son état (problème cardiaque par exemple) devient de la « grossophobie ». Il n’est plus question de blagues concernant un groupe de personnes, sauf contre les blondes et les Belges, au risque de se retrouver devant un tribunal correctionnel.

Le peuple entre ainsi dans un mutisme général, évitant de contester le contestable. L’élite, quant à elle, développe de nouveaux concepts auxquels il est obligatoire de se plier : prix littéraires, films, candidats aux élections… Tout devient stéréotypé en fonction de règles le plus souvent liées à une politique de quota. Et encore cette politique de quota a ses limites : le groupe considéré comme encore majoritaire ne doit pas profiter d’un pouvoir qu’il détient depuis l’aube du monde, il doit favoriser le « passage » par différentes solutions. Il est de bon ton de céder sa place, en politique comme dans le secteur économique, à un représentant des minorités. Kamala Harris est la vice-présidente américaine et celle qui semble promise à diriger la première puissance du monde est présentée comme issue d’une minorité ethnique.

KAMALA HARRIS, PROCHAINE PRESIDENTE DES USA ?

Le totalitarisme bolchevik avait le mérite du combat, de la lutte contre un pouvoir. Le bolchevisme se voulait une minorité guidant le peuple. Le totalitarisme issu du wokisme n’a même pas cette velléité : il existe parce qu’il est soutenu par l’élite, protégé par les lois et loué par les médias mainstream.

Il apparaît ainsi difficile de mettre en cause ce qu’il ne peut pas y être. Aussi, s’étonner du taux d’abstentionnisme lors des élections ou du score des partis considérés comme les moins proches du Système est une hypocrisie digne de nos élites.

C’est à longueur de communication médiatique, délivrée des soi-disant Fake News, qu’il nous est imposé de penser sur l’humanité, le climat, l’évolution de la famille… Si une voix vient s’opposer au concert de la modernité, elle est aussitôt ostracisée et renvoyée dans les « poubelles de l’histoire ».

Le retour aux communautés de base, prôné par certains attirés notamment par l’exemple hongrois, est une solution mais elle n’est qu’une satisfaction personnelle ou, au plus, clanique mais cette issue ne peut pas être satisfaisante pour une nation libre et éternelle comme la nôtre, voire pour un continent véritable moteur de notre monde.

Aussi, il nous est nécessaire de lutter sans relâche contre tous les totalitarismes, pas seulement ceux qui sont bel et bien enterrés mais aussi, et surtout, ceux qui montent, ceux qui viennent.

Ce n’est pas mettre en cause les fondements de nos sociétés qui fondent les héros aujourd’hui, ce sont ceux qui contestent le nouvel ordre mondial, celui qui ne nous permet plus de contester. Ne nous y méprenons pas, le totalitarisme « soft » est le plus pervers car le plus insidieux, celui qui s’impose sans le bruit des bottes et celui des armes. Déboulonner la statue de Napoléon est le symbole du rejet de notre histoire, cet acte n’est pas anodin.

Le wokisme se doit d’être défini pour être mieux combattu. C’est la faiblesse ou la complicité de nos élites qui favorise son développement. Le totalitarisme « soft » est celui que nous nous devons de combattre.

Pourquoi ? Pour rester nous-mêmes.