LES ENTRETIENS DE METAINFOS : AVEC DIEGO FUSARO, PENSEUR DU SOCIAL-PATRIOTISME

Nous sommes heureux de présenter aujourd’hui l’interview traduit de l’espagnol que l’essayiste Javier R. Portella, a réalisée avec le célèbre penseur italien Diego Fusaro.

  • Ma première question ne peut ignorer le présent. Que pensez-vous de la victoire de Giorgia Meloni et Fratelli d’Italia aux élections italiennes ce 25 septembre ? Partagez-vous mon espoir que cela puisse représenter un début de rupture avec l’ordre (ou le désordre…) actuel du monde ? Ou craignez-vous au contraire que rien de fondamental ne change ?

Malheureusement, je ne peux pas partager l’espoir qu’il s’agisse d’une nouvelle étape ou de la promesse d’une rupture avec l’ordre néolibéral dominant. Après tout, la droite néolibérale et atlantiste de Giorgia Meloni représente parfaitement le système dominant, fondé sur la souveraineté des marchés et l’impérialisme atlantiste complémentaire. En ce sens, ils ont tort de dire que le parti de Giorgia Meloni est un parti néo-fasciste. Au lieu de cela, c’est un parti entièrement néolibéral qui est au moins aussi éloigné du fascisme que la gauche rose et arc-en-ciel actuelle l’est du communisme. L’ordre néolibéral agit aujourd’hui comme un aigle à deux ailes : nous avons l’aile gauche rose de la robe, puis l’aile droite bleutée de l’argent. La droite et la gauche néolibérales, subordonnées au capital, Ils représentent ceux d’en haut contre ceux d’en bas, le capital contre le travail, la mondialisation capitaliste contre les nations souveraines et démocratiques. C’est pourquoi en Italie le Parti Unique néolibéral articulé a gagné à nouveau, avec son alternance sans alternative. Dans le sixième chant du Purgatoire, Dante compare Florence à un malade qui se tourne à droite et à gauche du lit pour trouver un soulagement temporaire à sa propre souffrance : c’est ce que font aujourd’hui les peuples d’Europe, qui se tournent désormais vers la droite néolibérale et maintenant la gauche néolibérale. Pour cette raison, le vrai geste révolutionnaire qui doit être fait consiste, d’abord, à dépasser la dichotomie de la droite et de la gauche, qui ne profite qu’à ceux d’en haut, afin de créer une nouvelle géographie politique pour ceux d’en bas.

  • Dans votre opposition, précisément, à l’ordre mondial actuel, vous êtes souvent catalogué de « rouge-brun’’, ce qui implique de défendre des principes à la fois de droite et de gauche. Les vrais, bien sûr : pas les principes de la droite libérale ou de la « gauche caviar », comme vous l’appelez. Quels sont ces principes ?
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Disons que « rouge-brun » est présenté par le seul discours politiquement correct et éthiquement corrompu… Pour ma part, je me considère au-delà de la gauche et de la droite, un étudiant indépendant de Hegel et de Marx. Comme je l’écrivais dans mon livre Penser autrement, « Il faut aujourd’hui avoir des idées de gauche et des valeurs de droite, et par idées de gauche j’entends la défense du travail et de la solidarité, de la communauté et des intérêts des classes laborieuses ». Par droite, j’entends la patrie et la famille, l’honneur et la transcendance. On ne retrouve plus rien de tout cela aujourd’hui ni dans la droite bleue délavée ni dans la gauche rose néolibérale, qui ne sont que des appendices à la culture du néant du capital cosmopolite.

  • Nos sociétés sont marquées par un conflit profond que vous désignez habituellement sous le terme de « lutte des classes ». Ma question est la suivante : à côté de cette lutte de nature fondamentalement économique entre « ceux d’en haut » et « ceux d’en bas », n’y a-t-il pas aussi un autre conflit qui, de manière transversale, ébranle les fondements de notre civilisation ? Je fais référence au conflit entre, d’une part, ceux qui, imprégnés de matérialisme et d’individualisme, cherchent à anéantir le sens et la beauté du monde ; et, d’autre part, ceux d’entre nous qui se battent pour le défendre et le valoriser ?

La lutte des classes existe et, comme le disent les classes dirigeantes elles-mêmes, elles la gagnent sous la forme d’un massacre de classe à sens unique. La lutte des classes existe aujourd’hui, mais pas sous la forme que Marx la pensait : la nouvelle composition de classe présente en fait le bloc oligarchique financier capitaliste en haut, l’union de la bourgeoisie moyenne et des classes ouvrières en bas. . Selon les mots de Hegel, le maître mondial élitiste contre le serviteur national populaire. Mais la lutte de classe différente de notre présent a aussi à voir avec le fait qu’il ne s’agit pas seulement d’une lutte matérielle et économique, comme c’est certainement le cas. C’est aussi un combat culturel et spirituel, car l’élitiste Global Master s’enracine dans le relativisme postmoderne et nihiliste, dans la culture de l’annulation et dans le nouvel ordre mental qui reflète le néant de la forme marchande globalisante. Le Serviteur National du Peuple, quant à lui, continue à s’enraciner dans l’histoire et la culture, dans la tradition et dans la communauté, dans les liens avec les territoires et avec les peuples, avec le Sacré et la transcendance, pour lesquels la classe la lutte est aussi une lutte culturelle, qui se présente aussi comme une lutte entre les flux du territoire, et la régulation, entre la déréglementation et les règles qui peuvent donner un sens au monde et à l’existence. La culture dite de l’annulation, la cancel cultur qui n’est pas une culture d’effacement, mais consiste plutôt à effacer toute culture, est ce qui exprime le mieux la civilisation du néant de la classe ploutocratique mondiale actuelle. Combattre dans la lutte des classes aujourd’hui, c’est défendre les intérêts des classes moyennes et ouvrières, essayer d’aller au-delà de la réification du capitalisme ; mais aussi essayer d’arrêter l’avancée du néant techno-capitaliste en valorisant notre civilisation, notre histoire, notre culture. C’est pourquoi, aujourd’hui, défendre Platon et Aristote n’est pas un geste aristocratique de masse, mais le geste fondamental de défense de notre civilisation.

Source : https://elmanifiesto.com/