LA FRANCE ET LA RUSSIE SE DISPUTENT LE MALI

Par Michel LHOMME

Quinze pays européens ont dénoncé l’envoi de Wagner au Mali et le traité de coopération de défense russo-malien qui a été signé.  Pour autant, les signataires ne menacent pas directement Bamako d’un départ des forces étrangères, alors que Paris prévenait jusqu’ici que l’arrivée sur le territoire malien des paramilitaires de Wagner serait « incompatible » avec le maintien des soldats français déployés au Mali !

L’intrusion de la Russie en Afrique n’est pas nouvelle et c’est avec une certaine peur au ventre que Paris, il y a quelques années,  avait prestement lâché la République Centrafricaine, n’étant plus du tout capable matériellement de déployer des troupes sur le terrain pour sauver un régime ami et ses services secrets répondant aux abonnés absents pour des opérations plus spéciales. Bref, erreur de taille, en désertant la République centrafricaine et en y laissant prospérer la Russie, celle-ci rentrait de nouveau dans le grand jeu africain tiraillé entre le contrôle américain des matières premières et l’arrivée explosive de la Chine face aux renoncements européens de politiques de développement dispendieuses et sans trop de résultats car très mal pilotées par l’administration française en particulier. Du coup, l’Afrique fait l’objet depuis des mois de tensions croissantes (coup d’état du Soudan) et mésententes larvées entre la junte malienne au pouvoir et la France. Emmanuel Macron a renoncé, il y a quelques semaines à se rendre à Bamako en, je cite en « condamnant fermement le déploiement de mercenaires sur le territoire malien« , et ce dans un communiqué commun avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Canada,  dénonçant « l’implication du gouvernement de la Fédération de Russie dans la fourniture d’un soutien matériel au déploiement du groupe Wagner au Mali« 

Aujourd’hui sur place, on constate des rotations aériennes répétées avec des avions de transport militaire appartenant à l’armée russe, des installations sur l’aéroport de Bamako permettant l’accueil d’un chiffre significatif de mercenaires, des visites fréquentes de cadres de Wagner à Bamako et des activités de géologues russes connus pour leur proximité avec Wagner. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken avait déjà mis en garde le Mali contre des conséquences financières et une déstabilisation du pays, déjà en proie aux violences, si le gouvernement recrutait Wagner déjà présent en Centrafrique lâchement abandonné par la France et où la société Wagner est accusée d’exactions et de pillage de ressources minières.

Au Mali, la junte dont les militaires ont tous pourtant été formés par Paris ne cherche en réalité qu’à consolider son pouvoir et sa survie en se tournant vers la Russie parce qu’elle sait que la France prisonnière de ses  « principes » démocratiques ne la reconnaîtra jamais. On voit ici comment les ancrages idéologiques du Quai d’Orsay paralysent la France dans toute sa diplomatie qui jamais ne se construit à partir de bons sentiments ou de « principes ». C’est naturellement la réticence du régime putschiste malien à quitter le pouvoir et quoi de plus naturel dans la logique de pouvoir qui amène par contrecoup le déploiement des mercenaires russes, qui constituait jusqu’alors une ligne rouge pour Paris.

Au terme de près de neuf ans de présence au Sahel, la France pourrait ainsi pouvoir partir la queue entre les jambes et avait d’ailleurs entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire en quittant ses trois bases les plus septentrionales au Mali (Tessalit, Kidal et Tombouctou) pour se recentrer autour de Gao et Ménaka, aux confins du Niger et du Burkina Faso. Ce plan sur lequel elle serait revenue après l’intrusion russe prévoyait une réduction des effectifs français au Sahel, de 5.000 à 2.500/3.000 d’ici 2023 !

Or et il faut l’écrire malgré les efforts militaires français, des succès plus que méritants dans des conditions matérielles souvent indignes pour les engagés, le Mali demeure toujours livré aux agissements de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique, et aux violences perpétrées par des milices autoproclamées d’autodéfense.