Par Bernard PLOUVIER
En cet automne de l’année 2021, se déroulent en République allemande deux très curieux procès, pour des faits commis entre 1942 et 1945, engagés contre un centenaire et une nonagénaire. On n’arrête pas le « progrès » !
[ Il s’agit à Brandebourg-sur-la-Havel, à l’ouest de Berlin, du procès de l’ex caporal-chef Josef Schütz, 101 ans, gardien du camp de concentration de Sachsenhausen de janvier 1942 à février 1945. Il est accusé de complicité dans la mort de 3 518 prisonniers. A noter que le Français Antoine Grumbach, 79 ans, urbaniste et architecte assistera à l’ouverture du procès où il s’est constitué partie civile afin d’honorer la mémoire de son père décédé dans ce camp en 1944; NdR].
La femme, Irmgard Furchner, 96 ans vivant en foyer de personnes âgées, avait été, en 1943-45, secrétaire du commandant du camp de concentration de Stutthof. Dans la 3e décennie du XXIe siècle, cette ex-secrétaire de 18-19 ans est accusée… de quoi au fait ? D’avoir tué ou blessé quelqu’un ? Nenni : elle est accusée d’avoir frappé des textes à la machine et DONC de s’être donc rendue coupable de complicité de crimes contre l’humanité !

Lorsqu’une charmante Israélienne frappe sur son ordinateur le compte-rendu d’une opération de Tsahal où des civils – femmes, vieillards et enfants – ont trouvé la mort, nul ne s’en préoccupe et pourtant la guérilla et la contre-guérilla sont, au Proche-Orient, une réalité permanente et non une page d’histoire passée, close !

L’homme, Josef Schütz, 101 ans en novembre, ex-SS-Rottenführer de la 3e SS-Division (Totenkopf), a été gardien du camp de concentration et de travail de Sachsenhausen (« Sachso », dans l’argot des détenus, parce que le camp était situé près d’Oranienburg, 30 km au Nord de Berlin) en 1942-43, ce qui signifie que ce caporal-chef de la Waffen-SS était un mutilé de guerre, jugé inapte au combat : les SS valides n’étaient plus affectés à la garde des camps durant la guerre.

Selon l’acte d’accusation, il est déféré pour « complicité des assassinats commis dans ce camp » durant sa période de gardiennage – ce qui écarte, par définition, les morts par maladie. De fait, on évoque dans l’acte d’accusation entre 3 000 et 4 000 morts de détenus, sur le camp-mère du système concentrationnaire, où – de 1936 à 1945 – sont passés et ont souffert environ 205 000 personnes, avec une mortalité approximative de 84 000 détenus (Morsch et coll., 2008).
Or Frau Iris Le Claire, du parquet de Neuruppin (60 km au Nord-Ouest de Berlin) qui poursuit le centenaire, surprend son auditoire. On n’accuse pas Herr Schütz d’avoir tiré ou pendu, ou bastonné à mort qui que ce soit, mais il a le malheur d’être (semble-t-il – à moins qu’un enquêteur-vengeur n’en tire un autre de son sac à procès) le dernier gardien en vie capable de répondre d’un crime, d’ailleurs présenté au conditionnel : « Il devait être au courant des assassinats qui y étaient commis ».
Un non-juriste, un profane ignare s’étonne que l’on perturbe la (sur)vie d’un centenaire avec une accusation au conditionnel, 75 juste après les faits reprochés… mais on sait qu’il n’y a pas de prescription pour les crimes contre l’humanité.
On peut donc citer Moïse (inspirateur) et Josué (chef des tueurs) pour les génocides qui ont suivi l’irruption des Hébreux dans le pays de Canaan, ou – plus près de nous – le merveilleux Gendrikh Iagoda (le premier assassin-en-chef de la Grande Terreur stalinienne) ou le non moins sympathique Grigori-Sergio Ordjonikidze, organisateur du génocide des Cosaques et des Kazakhs en 1920-21 et de celui des Ukrainiens en 1930-33 (pour ce dernier, avec l’aide du merveilleux Lazare Kaganovitch).
Il est curieux qu’en matière de systèmes inhumains, d’exterminations de masse – tous et toutes répréhensibles -, on ne s’intéresse jamais qu’aux seuls vilains nazis… alors qu’il y a tant de « vilains » dans l’histoire humaine.

Pour justifier ces procès de nonagénaires (un homme de plus de 95 ans a déjà été condamné à « 3 ans de prison ») et du centenaire allemands, on ose parler de « fonction mémorielle ». Et là, on se moque du monde !
Cela fait 75 ans que l’on déguste de l’Holocauste–Shoah à toute heure du jour et parfois de la nuit : très exactement depuis 1946 et l’ouverture à Nuremberg du Procès des principaux criminels de guerre nazis, où – contrairement à ce qu’ont écrit des ignares ou des gens de mauvaise foi – on a évoqué la question juive en permanence.
En dépit de ce tam-tam médiatique, de ce « Devoir de mémoire », des « Plus jamais ça, grâce à l’étude de la Shoah », l’on n’a jamais constaté autant de guerres inter-ethniques que depuis 1947-48, autant de génocides qu’après la décolonisation, où le départ de l’homme blanc a été suivi d’une flambée continue d’exterminations de masse. Non ! Ressasser la Shoah et les crimes du nazisme n’a joué aucun rôle préventif des récidives de tueries de masse, aucun rôle prophylactique dans l’expression de la haine meurtrière, religieuse ou raciale.
En résumé, le « devoir mémoriel », les célébrations de la Shoah, la multiplication des « lieux de mémoire », n’exercent aucun effet propédeutique.
![BARDECHE, Maurice - Nuremberg ou La terre promise. Paris, Les Sept Couleurs, (1948), [...] | lot 352 | Livres & Estampes chez The Romantic Agony | Auction.fr](https://i0.wp.com/s3-eu-west-1.amazonaws.com/auctionmediaphotos/f/5/0/1491918024633342.jpg?w=840&ssl=1)
En outre, la République allemande continue de verser, année après année, des centaines de millions d’euros à la Claims Conference qui redistribue la manne aux victimes juives rescapées de la Shoah, qui en 2021 seraient encore 260 000 survivants (Source : Claims Conference). Ces procès ne sont donc même pas utiles au remplissage du moderne Tonneau des Danaïdes : les Allemands paient toujours et avec constance.
Alors : coup de publicité pour les rescapés, pour les familles des morts, pour les juristes ? C’est impensable ? Qui oserait s’emparer de la détresse ancienne d’autrui pour se faire mousser ?

Assurément, ce type de procès hyper-médiatisé entretient la repentance du côté des « vilains » Européens – car on s’intéresse aussi depuis une vingtaine d’années à des non-Allemands.
N’y a-t-il pas plus urgent à faire pour les Européens, comme de s’unir face aux « vilains » exotiques actuels, ceux des autres continents et ceux qui passent de « chez eux » à « chez nous », sans que les nations souveraines d’Europe aient été consultées sur le bien-fondé de cet afflux
Il semble pourtant que les Européens n’aient de nos jours que l’embarras du choix pour nommer leurs très nombreux ennemis ! Alors cessons d’ennuyer nos super-vieux pour des faits de plus de 75 ans.
L’imprescriptibilité est une notion périlleuse à manipuler. Quelle nation, quel peuple sont-ils réellement purs de tout crime de masse commis « autrefois » ?
Référence :
G. Morsch et Coll. : Das Konzentrationslager Sachsenhausen 1936-1945. Ereignisse und Entwicklungen, Metropol Verlag, Berlin, 2008
