Par Bernard PLOUVIER
Il est exact quela civilisation européenne, triomphante jusqu’en 1914 et même jusqu’en 1941, est en état de mort programmée depuis les années 1980-90. Et beaucoup moins pour des raisons conjoncturelles que structurelles.
La conjoncture, c’est l’américanisation de notre mode de vie et l’immigration-invasion de populations extra-européennes avides, dont une partie de la jeunesse s’avère plus douée pour le pillage, le vandalisme, le viol et les émeutes que pour les études et le travail productif.
Les raisons structurelles sont moins spectaculaires, mais infiniment plus graves, car elles altèrent en profondeur le « conscient collectif » (une expression plus juste que celle qui fit la fortune des clowns psychanalytiques) : le cancer du féminisme, l’irrationalité et la sensiblerie du message médiatique, sans oublier la curieuse propagande en faveur, non plus des invertis, mais de celles et ceux qui veulent changer de sexe plusieurs fois par vie ! En résumé : la catastrophe structurelle de l’Occident est la dégénérescence de son élément mâle.

Qu’on le veuille admettre ou non est sans importance : l’Europe ne fut un continent civilisateur que par ses valeurs mâles. Dévirilisée, l’Europe meurt dans l’indifférence générale, tandis que le boulet africain revendique un rôle majeur dans la civilisation de l’avenir et que la Chine se réveille après un sommeil de près d’un millénaire.
On rejoue le scenario de la Grèce, notre mère intellectuelle, devenue à la fin du 4e siècle avant notre ère une marâtre dégénérée, et le scenario de Rome, notre père législateur, constructeur, administrateur et guerrier, entré en décrépitude au IIIe siècle et dont l’agonie dura jusqu’à sa mort au Ve siècle, succombant à l’assaut d’envahisseurs qui ne trouvaient plus d’hommes en face d’eux.
Mais entre notre triste époque et ces deux antécédents, il existe une énorme différence. Lorsque les Grecs dégénérés s’effondrèrent, il y eut le géant macédonien pour créer l’Empire hellénistique. Puis quand l’excès d’exotisme asiatique eut détruit l’idéal un peu fou d’Alexandre, les prodigieux romains prirent le relais. Les Germains ont succédé aux Romains, repoussant les hordes asiates.
On restait toujours entre Européens, peut-être de moins en moins raffinés, mais davantage mâles et l’Europe des nations s’installa progressivement, devenant à compter du XVe siècle, et jusqu’au milieu du XXe, le continent civilisateur.
Une pseudo-Europe métissée, nivelée, globalo-mondialisée ne serait ni porteuse d’un renouveau civilisateur, ni même un continent de vie pour nos descendants. C’est ce qui arrivera fatalement, si nous laissons se poursuivre le processus de pourrissement et d’invasion.
1ère partie : La mort des civilisations grecque et romaine
A – La féérie grecque
Dès le 7e siècle avant J.-C., les Doriens (Grèce et Cyclades du sud) et les Ioniens (Asie Mineure et Cyclades du nord) ainsi que leurs colonies respectives des îles adriatiques, de Sicile et d’Italie, soit les citoyens de la Grande Grèce, offrirent à l’humanité son premier feu d’artifice culturel : philosophie, sciences, arts plastiques et architecture, législation et vie politique furent chamboulés de telle façon que le monde méditerranéen, puis toute l’Europe et jusqu’aux Amériques colonisées par les européens, en verront leur vie révolutionnée.

La culture européenne est bien plus redevable à la Grèce et à la Rome antiques qu’à la Bible. La chronologie des universitaires est souvent déficiente, mais pour ce qui est du « miracle grec », elle est franchement grotesque lorsqu’elle veut se limiter au seul 5e siècle. Ébauchée à la jonction des 7e et 6e siècles avec Pythagore, la civilisation grecque se poursuit avec un philosophe, Héraclite, et un administrateur, Chilon, éphore spartiate (surveillant de la vie politique), tous deux du 6e siècle et se clôt au 3e avec un philosophe d’exception, Épicure, et deux théoriciens de l’astronomie, Aristarque de Samos, le découvreur de l’héliocentrisme et de la rotation de la terre autour du Soleil, et Hipparque de Rhodes, qui démontre le phénomène de précession des équinoxes.

Contrairement aux constructions aussi savantes qu’erronées des universitaires européens du XIXe siècle, les Grecs antiques ne furent nullement des optimistes. Leurs dieux n’étaient ni bons ni mauvais, mais indifférents aux heurs et malheurs des humains. Pour un Grec antique, le malheur sur Terre n’est nullement l’expiation d’une faute, personnelle ou collective : c’est la loi fondamentale de ce qui existe, que d’être voué à souffrir par le simple fait d’être né. Homère a chanté le contraire, mais c’était un poète. Héraclite, Socrate, Platon, Aristote, Épicure furent unanimes à s’accorder, avec d’infimes nuances, sur l’inaction des dieux dans la vie humaine. Nul philosophe grec n’aurait inventé la fable des Droits de l’homme, obtenus par le seul effet de la naissance !

La civilisation grecque fut phallocratique, la femme n’étant que la compagne et le plus souvent la servante de son homme, qui ne dédaignait pas les amitiés viriles (voire plus si affinités). La Grèce antique, même en Athènes, cité vouée au négoce maritime, était vouée au courage guerrier et à l’orgueil ethnique.
L’art de la guerre reposait sur un entraînement quasi permanent du citoyen, sa discipline, sa frugalité (la Grèce fut toujours un pays pauvre) et son acceptation de mourir pour la patrie si cela s’avérait nécessaire. La mentalité du Grec du 6e au 4e siècles anticipe celle des Européens du XIXe siècle, qui s’est terminé l’été de 1914, et celle des Allemands du IIIe Reich. On peut lui trouver des analogies avec l’islam conquérant et la mentalité du samouraï nippon.

Jusqu’à la domination macédonienne, au 4e siècle, la Grèce ne fut jamais qu’une juxtaposition de cités-États, indépendantes et rivales, unies par un très fort sens d’appartenance ethnique et par l’adhésion à un panthéon commun. Les chefs de chaque cité se méfiant de leurs concitoyens, les fonds publics étaient déposés dans les temples, car le sens religieux (ou la superstition, au choix du lecteur) était tellement développé que les voleurs n’y exerçaient pas leurs douteux talents par peur d’une vengeance divine. Le trésor de guerre des cités grecques agressées par un ennemi commun (Perses et Mèdes) était entreposé au temple de Delphes, voué au culte d’Apollon.

Depuis des siècles, les historiens nous rebattent les oreilles d’une soi-disant opposition irréductible entre Athènes et Sparte, alors qu’il s’agit seulement d’une divergence d’intérêts entre une cité vouée au négoce maritime et une autre, terrienne. Les Spartiates sont des Doriens comme les autres habitants de la Grèce d’Europe. Ils ont les mêmes conceptions racistes que les Athéniens, les Corinthiens ou les Thébains, le même culte de la cité-État, le même goût pour la poésie épique et les danses guerrières.

Les Spartiates ont développé, de façon originale, le concept d’égalité entre adolescents mâles et femelles, voués à l’entraînement physique, purement sportif pour les demoiselles, guerrier pour les mâles, un égalitarisme des fortunes entre citoyens, tous propriétaires d’un domaine de même valeur, travaillé par le même nombre d’hilotes (des serfs), la nécessité d’une vie frugale (commandée, en fait, par la pauvreté de leur terroir) et communautaire (maris et femmes ne se rencontraient que pour procréer, le reste du temps les maris vivaient en caserne, de 7 à 60 ans).

Tous les citoyens étaient égaux en droit, le roi n’étant que le stratège héréditaire. Un adolescent incapable de servir dans l’armée était déchu de sa citoyenneté, devenant périèque (un homme libre, mais dépourvu de droit civique), tandis qu’un fils de périèque ou un fils d’hilote (esclave) capables de se battre accédaient, après une campagne guerrière, au statut de citoyen : la société spartiate était infiniment plus ouverte et méritocratique que celle de la soi-disant « mère des démocraties ».
Seuls les citoyens de Sparte pouvaient s’accoupler, mais on tolérait l’adultère si l’amant était meilleur guerrier que l’époux légitime. L’essentiel pour ce petit peuple toujours en péril d’implosion était de procréer une nouvelle génération d’hommes et de femmes capables de servir l’État. En cas de guerre, on renvoyait du front des combats durant quelques jours d’excellents guerriers pour qu’ils fécondent, à Sparte, des vierges.
L’infanterie spartiate a toujours fait preuve d’un sens tactique lamentable, mais on n’y signala pratiquement jamais de panique et la mortalité lors du combat y était toujours inférieure à celle de l’adversaire. Le courage et l’honneur furent les moteurs de la société spartiate. Ce fut au sens strict une démocratie militaire, dirigée par de vieux guerriers. La Prusse de Frédéric II et le IIIe Reich furent de lointaines versions modernes de la Sparte antique.

Le peuple de Sparte était voué à la défense de sa terre, mais aussi de la patrie grecque. En – 433, c’est le roi spartiate Archidamos qui raisonnait en patriote grec et Périclès qui se conduisait en parfait impérialiste athénien. Par sa politique égoïste à courte vue, le démagogue athénien préparait l’invasion des Macédoniens, à l’issue d’un siècle de guerres fratricides (de – 432 à – 338), durant lequel le peuple spartiate disparut en – 371, faute de combattants. Qu’importait la fugace victoire des Thébains (et de leur Légion d’amants), c’était la Grèce qui mourait dans cette lutte fratricide dont Périclès fut l’initiateur.
Les Macédoniens, incultes et brutaux, dirigés par le roi Philippe II, excellent général et fin politique, jouant d’une cité contre les autres, dominèrent la Grèce au dernier tiers du 4e siècle. Les universitaires nous la baillent belle en glorifiant Démosthène, l’opposant à Philippe, et en conspuant Isocrate, le partisan du Macédonien : le premier voulait s’allier au Perse, tandis que le « traître » Isocrate appelait les Grecs à s’unir avec les frères de race macédoniens.
En – 312, Alexandre, probable fils de Philippe et de l’Épirote Olympias, réputée descendre du fabuleux Achille, lança Macédoniens, Épirotes et quelques auxiliaires Grecs à l’assaut de « l’Asie » (les terres situées à l’Est de l’Asie Mineure), pour « unir l’Europe à l’Asie et à l’Afrique » : en fait la Mésopotamie, la Syrie, la Perse et l’Égypte en plus de quelques fugaces royaumes à l’ouest de l’Indus. Longtemps le souvenir du Grand Alexandre-Iskander sera vivace en terres afghanes, l’influence de la statuaire grecque sur le bouddhisme en témoigna, jusqu’à ce que les Talibans détruisent ces vestiges d’une époque à laquelle les fanatiques mahométans ne comprendront jamais rien : le comportement des Talibans préfigure ce que seront les ravages des islamistes sur les splendeurs de la civilisation européenne quand la charî’a règnera sur l’Europe.

Alexandre rêvait d’exploits homériques, bien plus intoxiqué par les fabuleux récits narrés par sa détraquée de mère que policé par Aristote. Mais, Alexandre était autant un explorateur qu’un conquérant ; c’était un chef aux visées impériales, non un destructeur. Alexandre et ses généraux furent éblouis par la richesse de Babylone, le faste de la cour impériale perse, puis par la féerie du Nord de l’Inde. L’Inde ne sera pas conquise, les terres afghanes vite oubliées en raison de leur pauvreté ; la Mésopotamie fut perdue dès – 129.
De l’épopée hellénistique, il reste Alexandrie, dont le grand roi a dressé les plans : ce sera plus tard la seconde ville de l’empire romain et une capitale intellectuelle, grâce aux penseurs grecs, tentés par la synthèse de toutes les religions connues. Égypte et Syrie seront hellénisées par les descendants des généraux d’Alexandre (les Lagides ou rois Ptolémée en Égypte, les Séleucides en Syrie), pratiquant, à l’inverse du grand Alexandre, un strict racisme dans leurs alliances matrimoniales excluant tout métissage avec les populations autochtones.
De – 490 à – 300, les cités grecques ont fait la guerre presque sans interruption : contre les Perses et les Mèdes, entre Grecs, puis dans une course vers les mirages orientaux, tandis que se poursuivaient les rivalités sanglantes entre cités grecques. La civilisation grecque est morte pour avoir gaspillé trop d’hommes et d’énergie, sans plan ni esprit de suite.
En couverture : Statue de Leonidas sur le monument célébrant la bataille des Thermopyles qui a eu lieu pendant la guerre gréco-perse de 480 av