Par Franck BULEUX
L’édition nationale Aujourd’hui en France, est l’un des principaux quotidiens nationaux payants d’information générale en France. La ligne éditoriale est généraliste, s’intéressant particulièrement aux faits divers. Elle attire ainsi un lectorat peu clivé politiquement. Depuis 2015, Le Parisien, dont est issu Aujourd’hui, est détenu par le groupe LVMH détenu par le milliardaire français Bernard Arnault, qui est un des hommes les plus riches de France, tout en bénéficiant de subventions de la part de l’État français, via les contributions fiscales destinées aux quotidiens.
Aujourd’hui, daté du lundi 3 mai 2021, s’intéresse à un accusé dans une affaire d’homicide, volontaire ou involontaire (l’affaire s’est ouverte devant la cour d’assises de Savoie, à Chambéry) qui met en cause Nordahl Lelandais, un individu qui apparaît particulièrement dangereux pour la société, compte tenu des accusations multiples qui pèsent sur lui, notamment dans le meurtre de la jeune fille Maëlys De Araujo, en août 2017, dans l’Isère.
L’affaire qui nous intéresse est l’homicide du caporal Arthur Noyer dans la nuit du 11 au 12 avril 2017 à Chambéry.
Aujourd’hui relate donc cette affaire en s’engageant, sans trop de risques, sur la culpabilité de Nordahl Lelandais. Il n’y a donc rien à dire sur ce dossier. Les médias commencent à appeler l’accusé, « le monstre » car il serait impliqué dans plusieurs affaires. Laissons la justice suivre son – long – cours.
Aussi, lorsqu’un terroriste djihadiste est arrêté, l’affaire est également promptement réglée, entre folie de l’individu et décolonialisme, prise de substances toxiques (susceptibles d’exonérer de toute responsabilité l’auteur d’homicide) et appel vibrant à Allah lorsque la lame effilée s’abat sur le cou d’un mécréant. Aujourd’hui, dans ce cas-là, s’intéresse à la famille, aux voisins, à la communauté religieuse et nous abreuve de : « Il n’était portant pas méchant. Il s’est radicalisé tout seul devant un écran ». Certes, un tueur, une minute avant de tuer, est innocent. Une « lapalissade »…
Aujourd’hui, dans les affaires criminelles, on s’intéresse relativement peu aux prénoms des tueurs et pour cause ! On ne cherche pas de quel « bled » tunisien provient le choix de Jamel, l’assassin de la policière de Rambouillet. On ne saura jamais pourquoi ses parents l’ont prénommé « Jamel ». Et Mohamed Merah, le tueur de trois enfants au cœur d’une école juive et de trois militaires (et d’un civil) à Toulouse en mars 2012, sait-on pourquoi ses parents lui ont donné ce prénom si répandu, Mohamed ? Vous avez lu, dans Aujourd’hui, les origines sulfureuses de ce « prénom » ? Non, bien sûr.
Mais Nordahl Lelandais s’appelle Nordahl et son frère, horresco referens Sven. C’est autre chose. Alors Aujourd’hui enquête, ce sont de drôles de prénoms, tout de même, non ?
Après une longue enquête et des entretiens avec la famille de l’accusé, Aujourd’hui a découvert l’origine du « monstre » : le Nord, comme dirait Michel Galabru dans « Les Ch’tis ». C’est le Nord… et plus particulièrement la Normandie !
Jugez-en vous-mêmes, la mère de l’accusé est obligée de se justifier, y compris pendant l’instruction judiciaire : « Nos fils ont des prénoms de Vikings car leur père est d’origine normande ». Tout s’expliquerait, la barbarie scandinave est de retour ! Aujourd’hui nous explique que Nordahl signifie « la vallée vers le Nord ».
Tout cela ne fondera pas des circonstances atténuantes. On n’ose pas penser qu’il s’agira de circonstances aggravantes !
Lelandais prenait jusqu’à « un gramme de coke par jour ». Cela, non plus, ne risque pas d’être suffisant pour atténuer son discernement, voire le supprimer. Condamner Lelandais est une affaire de justice, décrypter son prénom est une affaire de sous-journalistes.
L’instrumentalisation de Lelandais comme « monstre venu du Nord » risque de durer longtemps, compte tenu de son supposé pédigré. Il est probable que les « gratte-papiers » d’Aujourd’hui se plongent dans les prénoms norrois. Qu’ils se dépêchent, il n’y en a plus beaucoup.
A NOTER : La cour d’assises de la Savoie a jugé Lelandais coupable d’avoir volontairement tué le caporal Arthur Noyer en 2017. Son avocat a annoncé qu’il ne ferait pas appel alors que se profile, en 2022, un autre procès concernant la mort de Maëlys.