Le 1er mai 2002, arrivé au second tour de l’élection présidentielle, Jean-Marie LE PEN, défilant en hommage à Jeanne d’Arc, livrait sur la place de l’Opéra un discours conquérant, avant d’être balayé dans les urnes face à Jacques Chirac qui obtiendra alors un score de dictateur africain. La drauche était officialisée, elle dégouverne depuis plus de trente ans mais nous n’oublierons jamais, plus que tout que ce sont les droitards par leur félonie qui sont avant tout les responsables du désastre actuel. Avouons-le, la récente tribune publiée par des généraux en retraite nous fait sourire ! Jean-Marie Le Pen vieilli, sourd est toujours là – vous verrez ses funérailles seront nationales ! – il reçoit, lit, écoute tout, relié en permanence à la fureur du monde par la connexion Bluetooth de son appareil auditif. Ses obsessions de toujours occupent la une des médias. C’est ce qu’on a pu voir récemment dans un entretien réalisé par Le Point. Nous sentions comme un devoir de le mettre en ligne. ML.
– La tribune d’une vingtaine de généraux militaires publiée dans Valeurs actuelles le 21 avril enflamme le débat politique depuis une semaine. L’avez-vous lue ?
Je n’y ai pas lu d’appel au putsch, mais une description que je trouve modérée d’une situation française en réalité bien plus dramatique que ce que décrit le texte. Ces généraux ont agi conformément à leur âge et à leur dignité, avec sagesse, et cette sagesse apparaît comme monstrueusement provocatrice par rapport au silence officiel. Les signataires de cette tribune ont une compétence évidente sur un certain nombre de sujets. Et il est clair que certains quartiers font peser une menace considérable sur la sécurité nationale. Plusieurs centaines de quartiers sont désormais homogènes au point de vue ethnique, religieux et politique. Ces quartiers sont peuplés de jeunes gens souvent désœuvrés, et, par conséquent, toujours disponibles pour faire quelque chose ! Car quand on est jeune, on veut agir, on est prêt… Et une action brutale peut être provoquée par un simple mot d’ordre, ou un événement quelconque. Nous ne le voyons que trop souvent. Je n’en suis pas surpris, car je lance cet avertissement depuis déjà quarante ans. J’ai vu tout cela se construire, j’ai tenté d’en avertir mes compatriotes, et pour un certain nombre d’entre eux je suis passé pour un énergumène ; pour d’autres, pour un fasciste – dans ce cas-là, il n’y a pas d’explication à donner. J’ai été un adversaire de l’immigration depuis les années 1970. La dynamique du phénomène apparaît aujourd’hui. Il y a plus de 2 000 mosquées en France, qui toutes ont été construites ces quarante dernières années, quand il a fallu 2 000 ans pour bâtir nos églises.À LIRE AUS
- La sémantique des signataires reprend exactement celle de vos discours, lorsqu’ils ciblent les « hordes des banlieues »…
Mais quel mot faut-il choisir, quand des groupes de cent types tirent des fusées sur vous ? Des bandes, des gangs ? Des « hordes de banlieues », c’est un minimum. Je pense que le sentiment populaire correspond à l’analyse qu’en publient les militaires. Les gens s’en rendent compte maintenant. À Trappes, il n’y a pratiquement plus de population européenne, ou bien elle rase les murs, et pas seulement les soirs d’émeutes. Je ne suis pas étonné qu’un certain nombre de militaires pensent comme moi. J’ignore qui a pris l’initiative de leur dire de s’exprimer publiquement, mais je trouve cette formule totalement originale, et démocratique, contrairement à ce qu’affirment un certain nombre de gens. Le devoir de réserve vise les sujets militaires, il n’a pas pour vocation de protéger les intérêts d’un parti ou d’un courant politique.À LIRE AUSS
- Vous voulez dire que lorsque la ministre des Armées Florence Parly annonce des sanctions pour les vingt généraux en deuxième section et les dix-huit officiers d’active identifiés, elle est à côté de la plaque ?
C’est une drôlesse qui n’a aucune compétence. Elle débarque de je ne sais quelle administration, son seul titre de gloire est d’avoir coulé le fret d’Air France. Sa réaction était excessive et trop rapide. Cette manière de réagir du tac au tac sur les événements ne me paraît pas conforme à la dignité gouvernementale.
- C’est pourtant ce qu’ont fait à la fois votre fille Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, en exploitant politiquement cette tribune…
Dans le texte lui-même, les militaires demandaient aux responsables politiques de prendre position. Marine Le Pen a répondu rapidement, sans doute parce que le fond est conforme à ce qu’elle pense. Et que Jean-Luc Mélenchon se soit indigné, c’est normal, c’est la vie politique ! Le document des généraux ouvre un débat gravissime, il est normal que les citoyens s’y intéressent et se disputent autour de lui.
- Est-ce que la France de 2021 vous fait peur ?
Rien ne me fait peur, ce n’est pas un sentiment qui m’habite. Mais est-ce qu’elle m’inquiète ? Oui. L’explosion démographique est le phénomène principal du XXe siècle. En cinquante ans, la population mondiale est passée de 2 à 8 milliards d’habitants, et elle est en expansion. Voilà. C’est comme ça. Et l’homme se reproduit partout, sauf chez nous. Dans l’arc boréal, qui va de Vladivostok à Gibraltar et qui comprend les pays slaves et les pays d’Europe occidentale, la natalité est insuffisante, quand ailleurs elle est explosive. Par conséquent, il est tout à fait naturel que cela débordera, et que nous allons recevoir des vagues migratoires. Le problème est : comment les arrêter ? On peut encore dissuader ces populations de venir. Si j’étais au pouvoir, je dirais : « Sachez que si vous venez chez nous sans y être invités, vous n’aurez jamais droit à rien. Ni logement, ni travail, ni aides sociales, ni l’école pour vos enfants. » Un certain nombre de gens tenteront peut-être d’aller ailleurs. Mais s’ils arrivent quand même, que fera-t-on ? Ces situations se présenteront un jour. Et dans quelques années, on verra des gens de gauche nous reprocher notre faiblesse à l’égard de l’immigration. On nous dira : « Bandes de salauds, vous n’avez rien fait ! »
- Dans son dernier essai, Le Jour d’après (éd. Albin Michel), Philippe de Villiers estime que, à la sortie du confinement, la « décongélation » des Français pourrait provoquer un nouveau mouvement de type des Gilets jaunes, porteur de bouleversements. Partagez-vous cette analyse ?
Je ne le crois pas. Les Gilets jaunes ont permis à toute une série d’opposants de manifester en même temps sous les mêmes couleurs. Cela a été un élément d’unification. Mais la contestation ne fait pas un mouvement politique, c’est-à-dire capable de substituer à l’État existant un équilibre différent, avec des axes d’action différents. Maintenant, des troubles sporadiques peuvent survenir. La France est totalement atomisée, plus encore avec le phénomène du Covid : les interdictions de se réunir, le port du masque, nous ont fait perdre nos réflexes sociaux naturels, c’est-à-dire la capacité d’agir ensemble. Par conséquent, la société est complètement disponible, et susceptible à ce stade de brusques soulèvements, à l’occasion d’un incident quelconque. Nous ne sommes pas à l’abri de ce phénomène.
—Comment percevez-vous l’essor des mouvements indigénistes et décoloniaux ?
Le problème de la décolonisation s’est posé en France en 1962, quand les pieds-noirs et les musulmans pro-français ont quitté l’Algérie. Cela a duré quelques années, mais c’est tout ! Je ne vois pas ce qui justifierait des phénomènes de décolonisation actuellement en France. La France n’est pas raciste, il n’y a pas d’hostilité particulière contre les Noirs. Ces mouvements sont pilotés par des groupes qui ont des visées politiques, dans une volonté de conquête organisée. Je ne crois pas davantage qu’il y ait un problème de « violences policières ». Au contraire, je pense que le système s’accommode très bien du phénomène de la drogue, car c’est ce qui permet de conserver le calme des banlieues. Les grands frères sont des gens plus sérieux que les policiers, au fond. Quand ils voient l’un de leurs ordres enfreint, bang ! On retrouve le gars le lendemain, moustaches en croix.
- Pensez-vous qu’un besoin d’autorité va s’exprimer en 2022, et qu’il peut favoriser la candidature de votre fille, Marine Le Pen ? Les sondages la donnent au second tour de la présidentielle dans tous les cas de figure, et son ancrage apparaît solide auprès des jeunes et des classes populaires.
C’est une des dernières chances de manifestation d’une volonté nationale de résistance. Mais l’ancrage que vous mentionnez est psychologique, et tient beaucoup aux moyens d’information, à ce que répètent les JT de TF1, de France 2 : en soutenant Marine Le Pen, les gens ont un sentiment naturel d’adhésion globale à un mouvement de contestation nationale. Mais je constate que ce mouvement n’est pas organisé, et ne constitue pas pour le moment une force de pression. Cela peut cependant peser dans les urnes, et peut-être amener la victoire de Marine. Jusqu’à présent, elle a exprimé l’opinion d’une forte minorité, sinon d’une majorité de Français : ceux qui sont au contact des réalités, de plus en plus nombreux, car même à Romorantin aujourd’hui, il y a un quartier arabe. Et puis un phénomène populaire peut être un mouvement de choix, mais aussi un mouvement de rejet… Et il est possible que le rejet d’Emmanuel Macron soit plus fort que celui de son adversaire.
- Comment jugez-vous l’homme, Emmanuel Macron ?
C’est un haut fonctionnaire, issu d’une famille bourgeoise. Il a un grand talent d’exposition, c’est un énarque assez brillant, comme il y en a tant dans notre pays. Je dois dire que je n’ai pas de dilection particulière pour Macron, mais j’ai de la peine à imaginer qu’il soit haï. Je ne vois rien, dans ce qu’il fait, qui soit haïssable pour le peuple. Ses gestes et attitudes ne sont pas brutaux… En revanche, je crois que sa méthode de communication est détestable, qu’elle ruine tout à fait la dignité de la fonction présidentielle.
- Comment feriez-vous campagne contre lui ?
Je dirais qu’il faut l’envoyer au Conseil d’État ou à la Caisse des dépôts et consignations, où il a toute sa place… Monsieur Macron est un adversaire beaucoup plus symbolique que réel. Je ne crois pas qu’il sécrète d’attachement personnel, comme Xavier Bertrand d’ailleurs. Ce sont des personnalités qui ne suscitent aucun attrait. On n’a même pas envie de jouer aux cartes avec eux… Ce sont des expéditeurs des affaires courantes.
- Un second tour Macron-Le Pen est acquis, selon vous ? Quels sont vos pronostics ?
Un second tour Macron-Marine est possible, mais il n’est pas certain. On peut compter sur l’intelligence de l’extrême droite et de la droite pour présenter plusieurs candidats au premier tour, de façon à ne pas être dans la course ! Si Marine a un certain nombre de candidats de droite qui lui sont opposés…
- Vous pensez à Xavier Bertrand ?
Qui c’est, Xavier Bertrand ? C’est l’anti-candidat par excellence. Il est petit, il a une mauvaise voix, et en plus il s’exprime de façon péremptoire… C’est extraordinaire qu’il atteigne ce niveau de sondages ! À l’examen des candidats, moi, je lui foutrais un zéro pointé. Du côté de la droite républicaine, très peu de gens connaissent Laurent Wauquiez. Valérie Pécresse est présentable… Mais je pense que Marine écrasera le candidat de la droite classique. Le risque est l’éventualité d’une candidature, qui ne serait pas innocente, d’une droite hors les murs. Éric Zemmour, que j’aime beaucoup, n’est pas du tout un bon candidat ! Mais on sent chez certains une tentation. Si des gens de la droite nationale sont assez fous pour se présenter contre Marine Le Pen, ce sera avec la volonté de la détruire, donc de détruire la chance de la droite nationale. Personne ne le fera, sauf des gens stipendiés pour le faire, par ceux qui ont un intérêt à faire battre Marine Le Pen.
- Pensez-vous que Marion Maréchal ferait une meilleure candidate ?
Il n’est pas question de relève, pour l’instant. Marion est un personnage de qualité exceptionnelle. Mais pour faire ce genre de mission, il faut en avoir envie. Il y a une candidate, même si j’ai avec elle un certain nombre de conflits. Elle m’a quand même exclu de mon propre parti, du jamais-vu dans le monde ! Ce 1er mai, j’écouterai le discours de Marine. J’écoute toujours ce que dit Marine. Je trouve d’ailleurs ce qu’elle dit très bien, et de mieux en mieux, au fur et à mesure que s’éloigne l’ombre de Florian Philippot. Elle fait un sans-faute, pour l’instant. Elle a une bonne stratégie, même si elle collectionne l’ensemble des hostilités. La pérennité a cet avantage qu’elle vous habitue… Elle tient la rampe, elle tient le coup. Et je sais, pour l’avoir vécu, combien c’est difficile.
- Vous ne défilerez pas ce 1er mai en l’honneur de Jeanne d’Arc, comme vous le faisiez depuis 1988. Il y a dix-neuf ans, le 1er mai 2002, vous accédiez pour la première – et unique – fois au second tour de la présidentielle, quarante-sept ans après votre entrée en politique. Avez-vous un regret ?
C’est une maladie française que celle de l’anniversaire ! Dans le meilleur des cas, dans ma vie politique, j’ai dû faire 18 %… À 18 %, vous êtes une minorité. Je n’ai pas de regrets. Si j’avais cinquante ans de moins, je monterais sur la barricade ! Mais, maintenant, j’ai une canne, ce n’est pas très dynamique comme image. J’aimerais vivre, pour voir ce que l’avenir apportera.
Source : Le Point