HIRAK ALGERIEN : le retour

par Michel LHOMME

Février 2019 : Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, impotent, quasi mutique depuis son AVC de 2013, achève son quatrième mandat. Incapables de lui trouver un successeur, les clans familiaux qui composent l’appareil militaire et sécuritaire de l’État algérien décident de le présenter pour… un cinquième mandat sur sa chaise roulante !… C’est l’élément déclencheur du « hirak », ou « mouvement », du 22 février 2019.

Mouvement politique sans précédent qui voit, des mois durant, les Algériens réclamer le départ de ces militaires qui contrôlent le pays depuis l’indépendance : « Qu’ils dégagent tous ! », « Les généraux à la poubelle ! » sont les slogans qui retentissent alors partout dans les rues et sur lesplaces des villes du pays. Le Hirak n’est pas sans rappeler le printemps 1988 où la jeunesse algérienne, excédée par le mépris (hogra) des diri-geants, avait manifesté dans tout le pays aux cris de : « Nous sommes des hommes ! ».

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FEVRIER 2021

La décennie de sang (1992-2000) qui a suivi,avec son cortège de morts (200 000), de disparus (20 000) et de déplacés, n’aura donc pas entamé la détermination du peuple algérien qui montre ainsi sa résilience et sa résistance à l’égard d’une nomenklatura militaire mafieuse (la coupole de la cupula en espagnol) qui aura tout fait pour le diviser et en particulier par l’idéologie anti-française, anti-coloniale. La guerre civile et la lutte contre les islamistes ont ainsi surtout masqué une véritable terreur d’État dirigée contre la population qui continue dans ses quartiers les plus pauvres de manquer de tout malgré la rente gazière. Le Hirak est un mouvement politique anti-FLN. En France, les médias mainstream aiment le réduire à un simple mouvement social.

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FEVRIER 2021

Bien évidemment, il s’affirme également comme tel, un mouvement social d’ampleur : »Si nous étions bien dans notre pays, nous ne traverserions pas la mer pour des pays étrangers » était l’un des slogans les plus scandés lors des premiers vendredis de la mobilisation. Les jeunes, nombreux dans les cortèges, manifestent pour de meilleurs lendemains et pour une meilleure répartition des richesses. De ce point de vue, le Hirak apparaît aussi comme l’aboutissement d’une série de mouvements sociaux qui ont marqué toutes les années 2000 (émeutes locales pour l’eau, le logement, la voirie, etc.).

La fin de la guerre civile algérienne a en effet coïncidé avec une vaste politique de libéralisation qui, sous couvert de plans d’ajustements structurels, a été l’occasion d’un détournement massif de ressources publiques et d’accaparement des richesses du pays par les clans militaires au pouvoir. Ce sont près de 850 milliards de dollars qui ont ainsi été dilapidés alors même que les écarts sociaux entre Algériens n’ont cessé de se creusent.

Chanteurs, graphistes, plasticiens participent au hirak et utilisent les réseaux sociaux pour faire entendre leur voix. C’est le cas de Raja Meziane, une rappeuse, qui diffuse plusieurs chansons contre le pouvoir par le biais de YouTube (Allo système, Toxic).

Plus étonnant encore, le hiraksemble rejouer une deuxième guerre d’indépendance : « 1962, indépendance du sol, 2019, indépendance du peuple » pouvait-on lire aussi au début sur certaines banderoles. Des figures du combat pour l’émancipation de l’Algérie, soigneusement occultées de la mémoire officielle par le pouvoir, ont aussi été ressuscitées comme Larbi Ben M’hidi, Abane Ramdane ou l’émir Abdelkader, symbole de la résistance berbère. Si le mouvement a obtenu la démission de Bouteflika ainsi que l’arrestation de nombreux dirigeants accusés de corruption (Ali Haddad, les frères Kouninef), l’irruption du coronavirus a été l’occasion pour le pouvoir d’effectuer un véritable tour de vis répressif en permettant d’interdire les marches et tous les rassemblements.

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Le 30 octobre 2020, les Algériens ont été appelés à un référendum qui s’est apparenté à une vaste mascarade destinée à éviter tout changement véritable à la tête de l’État tenue par les mêmes vieillards (gérontocatie militaire).

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 Abdelmadjid Tebboune, président algérien.

Avec une jeunesse de plus en plus éduquée et mâture, qui peut-être comprend enfin que la Guerre d’Algérie ne fut pas une guerre de libération puisqu’ils sont moins libres qu’avant, il semblerait que les diversions politiciennes sur lesquels contaient encore le pouvoir pour se maintenir en place n’aient pas pris puisque la contestation repart de plus belle. La France officielle se tait, elle soutient le pouvoir depuis des décennies, rampant même devant la repentance tous azimuts exigée par le FLN mais la « vraie », la France algérienne immigrée est bien de plus en plus du côté de ses frères et cela en inquiète bien quelques uns dans certains couloirs.

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