DE L’ARRESTATION D’UN VOYOU A QUELQUES PETITS DESSOUS BIRMANS

Par Michel LHOMME


Tse Chi Lop, 57 ans, traqué depuis des années malgré toutes les légendes et les ragots qui entouraient son nom existait donc vraiment. Ce n’était pas un fantôme, le logo d’une marque ou un mythe de voyou alors qu’il n’existe pourtant de lui que quelques piètres photos floues du physique banal d’un mystérieux caïd dont on n’arrivait même pas à dresser un portrait robot tout à fait fiable.

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Il a réellement été interpellé fin janvier par la police néerlandaise à la demande de la police fédérale australienne qui en demande maintenant l’extradition. Le jour de son arrestation, dans un communiqué officiel, les autorités australiennes avaient déclaré qu’un homme « d’un intérêt considérable » pour les autorités policières avait été arrêté, avant qu’une porte-parole de la police australienne ne révèle que son nom était le fameux Tse Chi Lop, personnage devenu presque hollywoodien chez tous les caïds asiatiques. 

Ce citoyen canadien d’origine chinoise de 55 ans né en 1964 dans la province de Guangdong (Canton) était le plus puissant des parrains de la drogue en Extrême-Orient, comparable au baron de la drogue mexicain Joaquin « El Chapo » Guzman ou au mythique colombien Pablo Escobar sauf que les narcos asiatiques sont beaucoup plus discrets, moins exhubérants et moins « romantiques » que les gros bonnets latinos quoique… On aurait aperçu Tse Chi Lop une fois dans un casino de Macao après avoir perdu en une nuit l’équivalent de soixante-millions d’euros et une autre fois, on l’aurait vu arriver en jet privé à Bangkok sous la protection de kick-boxeurs thaïs magnifiques avant d’aller fêter en famille son anniversaire dans un palace. Tsé Chi Lop figurait de fait sur la liste des personnes les plus recherchées d’Europol.

L’arrestation a eu lieu à l’aéroport international de Schiphol près d’Amsterdam, à l’atterrissage d’un vol dont il n’a pas souhaité donner la provenance mais on murmure –information non vérifiée et dont on doute un peu – qu’il s’agirait de Lagos au Nigeria, capitale africaine du piratage informatique et il est vrai, il est surtout très facile aujourd’hui par le boom de la construction immobilière de grandes tours de blanchir de l’argent sale sans trop de problèmes. 

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L’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC) avait désigné Tsé Chi Lop comme le chef présumé de l’immense cartel asiatique connu sous le nom de « Sam Gor« , surnom d’ailleurs supposé de Tsé Chi Lop qui signifie « frère numéro 3 » en cantonnais, sa langue maternelle. Sam Gor est le plus important producteur et fournisseur sur le plan mondial de méthamphétamines (la plus connue étant la chrystal métamphétamine, appelée aussi « Ice », car elle peut ressembler à de la glace pillée, présente par exemple à Tahiti et en Polynésie française). Le trafic  aurait rapporté en 2019 quelque 8 milliards de dollars (7 milliards d’euros). Le cartel Sam Gor blanchirait ces milliards provenant de la drogue notamment via des casinos, des hôtels et des sociétés immobilières de la région du Mékong, en Asie du Sud-Est et il serait allié aux triades de Hong Kong où d’ailleurs, Tsé Chi Lop a commencé « sa carrière » avec les célèbres 14k, Wo ShingWo et SunYeeOn.

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La police fédérale australienne a déclaré que cette arrestation faisait suite à une opération qui, en 2012-2013, avait permis l’arrestation de 27 personnes liées à ce syndicat du crime présent dans cinq pays. Ce groupe était soupçonné d’importer « des quantités substantielles d’héroïne et de méthamphétamine », en Australie, un marché très lucratif pour les trafiquants de drogue. Tse Chi Lop devrait donc être jugé par la justice australienne et il y a de grandes chances pour que la requête d’extradition de Canberra aboutisse favorablement.

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Car pendant des années, Tsé Chi Lop avait pris pour cible l’Australie, y distribuant de grandes quantités de stupéfiants, blanchissant les profits à l’étranger et vivant des richesses tirées de la criminalité. Lors des coups de filets conduits à Melbourne en 2012-2013, la police avait saisi des biens d’une valeur de 9 millions de dollars australiens (5,70 millions d’euros), notamment de l’argent liquide, des sacs à main de marque, des jetons de casino et des bijoux. L’arrestation de Tse Chi Lop, près de dix ans après cette opération, constitue donc un bon coup ! De fait, le marché de la drogue (bourse informelle des trafiquants) en a été très affecté et le coup d’état birman qui survient quelques jours après l’arrestation de Tsé Chi Lop peut aussi être vu comme une tentative de prise de contrôle du cartel abandonné, de l’Etat de Shan, car Tsé Chi Lop était bien le chef de la plus grande organisation mafieuse made in Myanmar, propriétaire en quelque sorte du « Triangle d’Or » qu’il dirigeait sans doute depuis Hongkong, Macao ou Taïwan, laissant tout le « travail » birman pour la gestion de l’écoulement de la production à ce qu’on appelait la « Compagnie », une vingtaine d’adjoints, membre d’une sorte de comité exécutif qui épaulent en permanence le « boss » et dont la plupart étaient d’origine essentiellement cantonaise comme le « chief » et pour la production proprement dite dans l’Etat du Shan aux Chinois, les investisseurs des laboratoires clandestins de la jungle birmane (un labo conséquent de « meth » peut se chiffrer à 10 millions de dollars).

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La plupart de la méthamphétamine, drogue très additive, en particulier sous sa forme « yaba » en Thaïlande, mot qui signifie en thaï la « drogue des fous », mélange en fait de « meth » et de caféine, excitant bon marché pour les chauffeurs routiers, les travailleurs du bâtiment et les soldats aux gardes interminable circule dans toute l’Asie du Sud-Est et fait de plus en plus de ravages dans la jeunesse en particulier thaïlandaise. L’ice comme le yaba proviennent du « Triangle d’Or », zone à la frontière du Laos, de la Birmanie, de la Thaïlande et du sud-ouest de la Chine. Depuis quelques années, le prix de ses drogues ont chuté alors que l’offre a réellement explosé. Cette drogue bon marché est donc largement écoulée mais entraîne une vive concurrence pour le contrôle de sa production mais aussi de sa distribution. Tsé Chi Lop était le maître jusqu’ici de cette dernière. On assiste donc actuellement à une totale réorganisation du marché et Tse Chi Lop a de toute évidence sans doute été dénoncé. Or si son cartel Sam Gor avait la haute main sur tout le marché régional de la drogue en tant que distributeur transnational asiatique, son arrestation laisse comme toujours en ce cas dans le milieu de la drogue la porte ouverte à une autre organisation clandestine qui a besoin du coup d’un autre type de soutien étatique, d’autres complicités officielles pour assurer sa sécurité et son contrôle en particulier sur le foyer de  production c’est-à-dire l’état birman.

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