Par Franck BULEUX
L’exécutif ne semble pas être pressé de préciser la date des prochaines élections départementales et régionales, initialement prévues en mars 2021. Certains proches de La République en marche (LREM), le parti majoritaire, vont même jusqu’à proposer le report de ces élections en 2022, y compris après les élections présidentielles, s’inscrivant ainsi dans la logique présidentielle du système né en 1958. Une espèce de présidentialisme absolu nous guette, version républicaine de la monarchie d’avant Louis XVI, tout gravitant autour d’une seule personne, véritable et seule incarnation de la nation.
En effet, ce qui fut fait par le néo-gaulliste Jacques Chirac pour les élections législatives en matière de quinquennat pourrait se reproduire aisément pour les régionales : la réélection du président pourrait et devrait servir de modélisation pour les élections qui suivent. On sait déjà, depuis 2002, que les élections législatives n’ont plus qu’un but : « donner une majorité parlementaire au président », consacrant la présidentialisation du système au-delà des espérances de ses fondateurs qui exécraient « les partis » et le « pouvoir de l’assemblée ». Les régionales pourraient ainsi donner quelques régions à la majorité (et quelques départements pour ce qui concerne les élections départementales, tombées dans l’oubli sanitaire) si elles se produisaient dans la foulée de la réélection du président sortant, une espèce de « prime électorale ».
D’autres, comme le président des Hauts-de-France, le « tombeur » de Marine Le Pen en décembre 2015, grâce à l’ensemble des voix de gauche et d’extrême gauche, Xavier Bertrand, espère, a contrario, voir se dérouler le scrutin régional avant les présidentielles. Pourquoi ? Son message est clair : être réélu à la tête de l’exécutif de la région la plus septentrionale de France… pour pouvoir candidater en bonne posture à la magistrature suprême. Xavier Bertrand met sa réélection en jeu : gagnant, il concourt à la présidentielle, perdant, il se replie dans le département de l’Aisne dont il est issu. Une précision nécessaire et utile sur la vision du grand homme politique : Xavier Bertrand, lors de la campagne de décembre 2015, n’a eu de cesse de rappeler que la candidate du Front national (FN), devenu depuis Rassemblement national (RN), ne faisait qu’un « tour de chauffe » pour la présidentielle de 2017 et son hypothétique élection ne servirait donc pas la cause des citoyens des anciennes régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais. Et que fait Xavier Bertrand cinq ans plus tard ? Il soumet sa propre candidature présidentielle à sa réélection comme chef de l’exécutif régional. Au moins, on connaît l’enjeu essentiel des régionales dans les Hauts-de-France : la présence au moins au premier tour de Xavier Bertrand en 2022. Il est indéniable que cet « enjeu » est susceptible de créer une mobilisation du corps électoral. La personnification ridicule de ce scrutin laisse à penser que l’abstention, comme aux législatives de 2017, dépassera les 50 % des personnes inscrites. Avec ou sans crise sanitaire…
Emmanuel Macron et Xavier Bertrand, malgré ces divergences de dates, ont un point commun : ils comptent se servir des élections régionales en vue de l’élection présidentielle ; le premier souhaite les éloigner pour qu’elles n’entravent pas sa potentielle, et probable, pour l’instant, réélection et le second, les rapprocher pour qu’il puisse démontrer à l’ensemble des Français, son score électoral dans les Hauts-de-France.
Tout ça… pour ça ! serait-on tenté d’écrire pour parodier le titre d’un film de Claude Lelouch. Quid des dépenses sociales, des transports collectifs, de l’éducation, de la formation professionnelle et de leurs financements respectifs ? Rien. Les Français ont le droit de vote mais pas de comprendre le sens de celui-ci ?
Si le seul enjeu de l’ensemble des scrutins repose sur l’issue de « la mère des batailles », ne votons plus qu’une fois tous les cinq ans avec une liste comprenant notre guide (le président de la République) ainsi que l’ensemble de ses « collaborateurs » réunis : députés et conseillers territoriaux (conseillers municipaux, départementaux et régionaux regroupés).
L’exécutif, dont le jacobinisme est patent, fait de moins en moins état des collectivités locales. La crise sanitaire se gère au sommet. Non, monsieur Castex, un accent, même provincial et chantant, ne fait pas le printemps.