Par Michel LHOMME
La rapide propagation dans l’Union des Comores de la variante sud-africaine du Covid, notamment à Mohéli, désormais totalement coupé du monde fait craindre l’arrivée, notamment à travers les kwassas clandestins, d’un virus réputé beaucoup plus agressif à Mayotte.
L’Agence régionale de santé locale vient d’ailleurs de confirmer que le séquençage génétique d’un échantillon prélevé sur une personne à son arrivée à Mayotte en provenance de l’Union des Comores était bien porteur du variant sud-africain du Covid. C’est sans aucun doute la présence du variant sud-africain qui alimente l’actuelle flambée épidémique meurtrière qui sévit dans l’Union des Comores voisine, notamment à Mohéli.
Mais l’augmentation du taux d’incidence Covid à Mayotte de + 140% et du taux de positivité de + 52% en deux semaines indique assurément que, faute de contrôle efficient des frontières (à Mayotte, il n’a jamais existé et beaucoup se balade sans masque !), la circulation de ce variant – beaucoup plus agressif que le virus qui nous touchait depuis mars 2020 – est désormais active à Mayotte.
Compte-tenu du faible niveau structurel des équipements sanitaires du 101ème département français et de l’implantation d’un important habitat illégal et insalubre, il sera de toute évidence difficile pour l’île aux parfums d’endiguer une nouvelle flambée épidémique avec un virus beaucoup plus contagieux.
Le préfet Jean-Marie Colombet semble tout de même avoir pris la mesure de la gravité de la situation en imposant des mesures strictes d’entrée et de sortie sur le territoire, et tous les vols en provenance d’Afrique y sont désormais interdits, touchant en particulier la compagnie Kenya Airways. Comme pour les mesures françaises prises récemment dans les aéroports et aux frontières, tout est décidé au dernier moment au gré de la propagation de l’épidémie mais sans aucune anticipation, le dogme idéologique libéral de l’ouverture des frontières expliquant le fond de tous ces atermoiements politiques et administratifs.
Ainsi, malgré les déclarations ou les pseudo-démentis officiels, les arrivées clandestines en provenance des Comores n’ont jamais cessé, ni même baissé. De plus, le gouvernement n’a pas classé Mayotte territoire prioritaire pour la vaccination contrairement à d’autres départements d’Outremer. Pourquoi ?
Parce que, disons-le, cela nécessiterait l’envoi immédiat à Mayotte d’un super-congélateur et du nombre de doses nécessaires, mais également le déploiement d’un plan vaccinal par l’Agence Régionale de Santé, pour l’heure complètement débordée non seulement par le covid mais par une sérieuse épidémie de dengue, tout aussi dangereuse.
Est-il encore possible de se demander naïvement quand le blocus des arrivées illégales par kwassas vers Mayotte sera-t-il décidé alors que pourtant, jour après jour, nuit après nuit, l’île s’enfonce dans une violence incontrôlable ? En décembre, par deux fois, des milliers d’élèves de deux établissements scolaires de l’île ont été totalement confinés à l’intérieur de leur établissement parce que celui-ci était cerné par des bandes de voyous agressifs essentiellement composés d’illégaux et de sans papiers et il a fallu l’intervention du GIGN pour débloquer la situation. Alors, quand la France déploiera-t-elle réellement la totalité des moyens maritimes disponibles pour stopper l’immigration clandestine ? Sur quel pari sur le long terme travaille-t-elle en réalité ? Sur le pari démographique d’une île où les illégaux deviendront majoritaires ?
Il faut en effet peut-être chercher la réponse chez un ancien préfet de Mayotte, et pas n’importe lequel, en la personne d’ Yves Bonnet. Aujourd’hui âgé de 84 ans, il a exercé comme préfet en 1982 sur le territoire quand il ne comptait que 55.000 habitants, bien loin de ses 500 000 habitants actuels. Or, Yves Bonnet n’a jamais eu la langue dans sa poche et il a toujours eu des positions tranchées, qu’il soit en activité, ou ensuite, à la retraite par ses tribunes incisives mises en ligne sur Médiapart. Bonnet est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, notamment sur le contre-espionnage français, puisqu’il fut à la tête de la DST de 1982 à 1985. Or, il avait publié cet été une tribune au vitriol contre le Quai d’Orsay, contre les préfets successifs de Mamoudzou qu’il accusait de lâcheté, et contre la position de Paris envers Mayotte de manière plus générale. Il affirmait dans cette tribune qu’il « n’a jamais compris comment on avait encouragé ou toléré une telle croissance démographique » et tempête contre l’inefficacité – selon lui voulue et programmée – de la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte.
Il s’agit donc bien et en ce qui nous concerne, nous l’avons toujours écrit d’une expérience concrète de « grand remplacement », pour pouvoir rendre ainsi de facto l’île aux Comores, la restituer un jour par un quelconque artifice juridique, celui d’ « état associé » par exemple dont il avait été question avant le covid sur la feuille de route, faisant des quelques milliers de mahorais de souche française, mahorais de de cœur, de futurs pieds noirs de la République.
Curieusement, le préfet actuel de Mayotte, Jean-François Colombet avait aussi déclaré cet été : « Cela n’est pas politiquement correct de le dire, mais je le dis et j’assume mes propos : il y a un lien direct entre l’arrêt de l’éloignement et la flambée de violence, car il y a un sentiment d’impunité, qui s’est installé (…). Ce sont 13 000 personnes que nous aurions dû reconduire et qui se livrent à des luttes territoriales, qui donnent lieu à une délinquance d’appropriation, parce qu’il faut bien qu’elle vivent, qu’elles trouvent une ressource ».
Préfet réaliste, préfet autrefois à la langue de bois, nous le surnommions même ici « tartarin » mais préfet devenu audacieux qui n’attend peut-être plus qu’une chose : être viré de son poste et quitté ce grand merdier.
Ce week-end pour la première fois, l’île a subi à Combani et à Pamandzi, deux attaques à main armée dans des restaurants burgers. Les armes circulent donc dorénavant à Mayotte et l’on peut s’en procurer dorénavant alors que la gendarmerie ne cessait de se vanter que cela, oui, elle le contrôlait !…
Samedi soir à Pamandzi, un restaurant a été attaqué et pillé, avant que les jeunes n’affrontent toute la nuit les forces de l’ordre à la faveur de caillassages. Les habitants de Petite Terre ont ainsi été confrontés à une nuit de violence.
De tout cela, la visite du nouveau Ministre de l’Outre-mer Lecornu a été plus que consternante, tout occupé de toute évidence à ne lire que ses fiches, écrites par des stagiaires sciences-po ou énarques ne connaissant souvent rien aux spécificités de l’île et parlant complètement dans le vide, quasiment apeuré sans doute par la peur d’être contaminé par le covid !
Nous proposons donc ici à nos lecteurs en intégralité le texte d’Yves Bonnet.
En document :
Réflexions d’un préfet de Mayotte
Le rond-point des 4 îles à Moroni : « Rendons Mayotte aux Mahorais »
En janvier 1982, le gouvernement m’a nommé préfet de Mayotte. J’avais 46 ans, une solide expérience de la préfectorale et de l’Outre-Mer, ayant exercé en Guyane et en Martinique. Pour autant, je ne m’imaginais pas ce qui m’attendait à Mayotte, une ile perdue de l’Océan Indien, si ce n’est qu’on me demandait de me contenter d’exister en tant que représentant de l’Etat et surtout de ne rien faire qui soit de nature à déplaire au tyran voisin, Ahmed Abdallah, ami de François Mitterrand et auquel le gouvernement socialiste se proposait de « rendre » Mayotte. « Moins vous en ferez, mieux cela vaudra », telle était la consigne d’Henri Emmanuelli, le secrétaire d’Etat aux DOM-TOM, consigne que je ne suivis pas car me paraissant en contradiction formelle avec mon engagement républicain. Et puis il faut dire que dès mon arrivée dans l’ile je fus touché par l’attachement profond que portait une population unanime à la France. Je me mis au travail et sans aucune aide, aucun crédit, avec des fonctionnaires désabusés en fin de carrière mais honnêtes, j’entrepris de faire sortir tous ces braves gens d’une misère dont ils ne se plaignaient pas, se satisfaisant d’être Français.
En 2017, les moyens nautiques d’interception aux boudins dégonflés exposés lors de la visite du ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux
Je n’ai certes pas accompli de miracles mais j’ai pleinement réussi en deux domaines : j’ai rendu une Mayotte en meilleur état que celle que j’avais trouvée, avec un SMIC revalorisé, quelques kilomètres de route supplémentaires, une classe de cinquième qui s’ajoutait à celle de sixième trouvée à mon arrivée, quelques équipements à l’hôpital, une meilleure préservation des plantations dévorées par les bouzis, et une immigration zéro, aucun Comorien n’ayant été admis à entrer sur le territoire en dépit des pression éhontées de Paris.
Dix mois plus tard, j’étais rappelé à Paris pour prendre la direction de la DST*, et je conservais, dans un coin de mon cœur un profond attachement pour ces Mahoraises et ces Mahorais qui m’avaient si bien accueilli et pleuraient – comme moi – mon départ. Il y avait alors 55 000 habitants et ce chiffre me paraissait déjà élevé compte-tenu des potentialités de Mayotte et de la densité humaine des DOM que je connaissais. C’est pourquoi je n’ai jamais compris comment on avait encouragé ou toléré une telle croissance démographique largement imputable à une immigration qu’il fallait absolument maintenir au taux zéro. La croissance la plus élevée de tous les DOM-TOM, qui si elle était appliquée à la Guadeloupe ou à la Martinique que je connais bien, les situerait à quatre millions d’habitants chacune.
Comment en est-on arrivé là ? Comment les préfets qui en ont eu les moyens ont-ils supporté une telle invasion sans l’interdire ? Comment le gouvernement qui a intégré Mayotte dans la République n’en a pas préservé l’intégrité ?
Il ne faut pas en vouloir aux Comoriens qui fuient la misère, la dictature, l’injustice et, probablement, voudraient redevenir Français. Mais ils ne le sont pas, comme les Dominiquais, Saint-Luciens ou Haïtiens qui rêvent aussi de la France. Mais leur choix fait voici plusieurs dizaines d’années est définitif et le colonialisme français si décrié, vilipendé, ne peut les accueillir de nouveau alors que l’OUA** se ridiculise en réclamant le retour de Mayotte au sein des Comores.
Mayotte est française désormais et les Mahorais nos compatriotes. Mais les Mahorais seuls. Puisque la République – les préfets successifs, n’ayons pas peur des mots et le Quai d’Orsay pusillanime – a failli dans sa mission élémentaire d’assurer la sécurité de ses citoyens, revenons à des concepts simples comme celui du droit du sang et non du droit du sol, un sol dont la République des Comores s’égosille à réclamer le retour et que nous ne rendrons pas. Mais en même temps, rendons Mayotte aux Mahorais et aux Français qu’ils sont. Point final.
Yves Bonnet, Préfet de région honoraire, ancien député UDF de la Manche.